Chapitre 42

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PDV de Bakhta Fellah

Je n'ai pas les mots pour décrire ma nuit de noces avec le roi. C'était un moment inoubliable. Je ne suis plus une pucelle. J'avais l'air d'être une femme différente et tellement heureuse. Jamais je n'oublierai jamais mon mariage. Il y avait du pain sur la planche. J'étais entre les mains de la cousine de ma mère Fatema El Hannar, la gérante de son magasin Locations de robes traditionnelles. L'essayage se faisait à la maison familiale Es Senia.

Elle me mettait la chedda, le costume traditionnel de Tlemcen. Elle a été porté par les femmes algériennes, pendant des décennies. Ma mère, ma grand-mère, mon arrière-grand-mère l'ont porté. La chedda existait depuis les dynasties arabes et berbères. Cette tenue princière et majestueuse représentait la robe blanche d'un parfait mariage à l'algérien. C'est la robe la plus chère et la plus lourde, de toute l'Algérie, au point qu'elle a été classé au patrimoine de l'Unesco. La chedda est portée par les princesse Zianides du royaume de Tlemcen pendant leur quotidien et les grandes occasions.

Pour porter ce costume nuptial, il y a des étapes. La chedda se compose de plusieurs tenues traditionnelles de Tlemcen : Fatema me mit la blouza mansouj doré avec des rayures brillante. Ensuite, elle m'enfilait le lebset el-arftan, un caftan rouge et doré. Il s'agit d'un long manteau brodé de fils d'or. Ce caftan a des influences ottomans et andalouses. La chedda était complétée par une multitude d'accessoires. Il n'y avait rien d'ostentatoire mais cela faisait parti des traditions et des rites ancestraux qui permettait de protéger la mariée du mauvais oeil. Fatema commençait par me mettre, sur mes cheveux, le mendil mensoudj, un foulard du même coloris que la blouza. Puis, elle me coiffa d'une chechia, une coiffe en forme de cône dorée. Il était temps de me mettre les bijoux. La cousine de ma mère me plaça le djbin, la couronne frontale pour bloquer la chechia. Elle m'ajoutait quelques bijoux au front comme le zerrouf. À mes oreilles, les khorsas, des boucles d'oreilles. À ma poitrine, les djohar (perles de culture) et les krafaches (colliers en or). Pour finir, Fatema ornait ma cheville droite du kholkhal (bijou de cheville).

---- Chebba Bakhta, tia poupiya (Trop belle Bakhta, tu es une poupée !!!).

Le reste de la famille était là. Les cousines du roi portaient, chacune, une chedda d'une couleur différente. C'était mes demoiselle d'honneur. Puis, les femmes de la famille Rezzoug débarquait à la maison de mes parents. Et ils font parti de ma famille. Oui, oui, le meilleur pharmacien du royaume est le neveu de ma grand-mère. D'ailleurs, c'est avec son frère qu'il a ouvert l'entreprise. Les cousines de ma mère vont me manicurer mes ongles. Toutes les femmes étaient comme des aristocrates chics, élégantes, raffinées et distinguées. À mes côtés se trouvait ma cousine, Sirine, qui voulaient tout savoir sur ma nuit de noces avec le roi :

---- Alors, votre altesse, c'était comment la nuit dernière ?

---- C'était une des plus belles nuits de toute ma vie.

Je n'en disais pas plus. Ces choses coquines et intimes, je les gardais pour moi seule. Mes ongles terminés, il était temps d'aller à la salle de mariage. Et il est temps que je vous raconte les rites, les savoirs-faires ancestraux d'un mariage, à l'Ouest de l'Algérie. En quittant mon foyer, moi, nouvelle mariée, j'étais dissimulée sous un voile de soie flamboyant. Et je rentrais dans la calèche blanche. Direction, la salle de fêtes sphinx situé à Bir-El-Djir à Wahran. Silencieuse, je me concentrais.

Pendant la fête nuptiale, ma mère me fait boire du lben (lait caillé). Puis elle me fait manger quelques dattes de Biskra, les meilleurs du monde.

Toutes mes demoiselles d'honneurs firent un cercle et soulevaient mon drap de soie flamboyante

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Toutes mes demoiselles d'honneurs firent un cercle et soulevaient mon drap de soie flamboyante. Elles dansaient au rythme de la musique tlemcenienne. Sous ce drap, j'étais assise sur ma chaise, prête à me remaquiller. Il s'agit d'une opération de la minutie et ça doit être un membre de ma famille qui doit être mariée. Mes proches ont choisi l'experte de ce rite, Fatema, la cousine de ma mère. Avec le rouge à lèvre, elle dessine des motifs arrondis rouges et argentés sur mes joues. Le maquillage zouak de me protéger contre le mauvais œil. Sous la lèvre inférieure, elle me fit cinq points argentées. Ce rite me permettait, en tant que nouvelle mariée de me purifier. Le résultat était extraordinaire. Je me reconnaissais plus :

Ensuite, ma mère m’aidait à faire un rituel sur mon canapé de mariage : je relevais et m’asseyais sept fois, telle est la tradition

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Ensuite, ma mère m’aidait à faire un rituel sur mon canapé de mariage : je relevais et m’asseyais sept fois, telle est la tradition. Puis, je ne bougeais pas d’un poil. Protégée par mon caftan, mes bijoux et mon maquillage, je quitterai mon voile dorée, prête à me marier. Est-ce que j'ai cette sensation d'être étouffée ? NON !!! Pourquoi ? Parce que c'est un véritable honneur de présenter mon pays.

Les jeunes femmes de l'Ouranie sont initiées à la tradition du costume dès le plus jeune âge. L'artisanat est quelque chose de très important en Algérie. La confection du précieux costume nuptial se transmet de génération en génération. Ce rite symbolise l'alliance entre les familles et la continuité entre les générations. Il s'agit de perpétuer les traditions ancestraux qui renforcent la communauté et l'identité de Tlemcen.

Ma famille maternelle vient de ce beau royaume que nous surnommons la Perle du Maghreb : Tlemcen. Idem pour la famille du roi Abdelkader. C'est quelque chose qui ne faut pas négliger et qui doit se préparer assez tôt. Pour moi, vêtir ce costume traditionnel, comme la chedda, c'est porter les couleurs de Tlemcen, de la dynastie des Zianides et de ma famille maternelle. J'étais fière d'avoir réalisée ce rêve de petite fille.

Aujourd'hui, c'est mon jour. Dans quelques semaines, je serai mariée et unie au sultan de Wahran qui est le plus grand poète de toute l'Algérie. Je gouvernerai Wahran. Moi-même, je n'ai jamais cru à ce nouveau rôle jusqu’à la rencontre de mon homme.

Sous le voile, j'entendais les discussions des femmes de ma famille et toute l'ambiance musicale. J'attendais jusqu'à l'arrivé de mon futur mari. J'ai hâte de voir Abdelkader, de lui dire ce qu'il a ressenti pendant notre nuit de noces. Je suis impatiente de connaître sa réaction quand il me verra dans la chedda.

Musique du Chapitre 42 : Cheba Djenet - Laaroussa

Musique du Chapitre 42 : Cheba Djenet - Laaroussa

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Bakhta ou la muse de Wahran Where stories live. Discover now