Chapitre 40

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PDV de Bakhta Fellah

Le jour tant attendu de ma vie, en tant qu'algérienne, est enfin arrivé : la nuit de noces. Pour certaines femmes, c'est un moment redouté, pour d'autres, c'est le plus beau des rêves. Soit cela se déroule bien, soit cela ne se passe pas comme prévu. Tout Wahran est informé de cette grande nouvelle. Les habitants ont décidé de célébrer dans les ruelles. Après trois jours d'attente, je retrouve enfin mon époux. Un feu d'artifice rose est déclenché par un pétard, allumé par un habitant d'Oran. Le ciel s'illumine de ces couleurs magnifiques. C'est le signal !!! Comment devrais-je me comporter envers mon futur mari ? Comment se passera ma première nuit ? Je ne sais pas !!! Une chose est sûre, je dois laisser les choses se faire naturellement, calmement. Il n'y a pas le feu, Bakhta !!! Pourtant, quelque chose me trouble, dans mon corps. Que m'arrive-t-il ? Mes mains sont moites. C'est peut-être le stress.

Nous sommes élégants dans nos vêtements. Mon époux porte un costume bleu marine.

 Mon époux porte un costume bleu marine

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Je portais un burnous blanc. Il s'agit d'une cape traditionnelle et typique, d'origine berbère et arabe. Ce vêtement est porté par les hommes et les femmes. Les algériennes portent également un habit du même genre mais différent car cette cape est confectionnée en coton. Lors du mariage en Algérie, la femme porte un burnous spécifique. C'est un grand symbole de paix et de pureté. Cet habit traditionnel a survécu à la modernité et continue d'être un vêtement prisé dans tout le Maghreb. En plus d'être porté au Maroc, en Tunisie, en Kabylie, ou encore dans les zones rocheuses et sur les plateaux de Sétif ou du village, de mon père, à Annaba, le burnous est arboré pour les cérémonies, les fêtes religieuses et les mariages dans mon pays. Abdelkader pouvait le porter mais il préfère le mettre pour une autre tradition algérienne de notre mariage. Pour la femme, dans le mariage algérien, le burnous représente le patriarche dans ma famille : mon père, puisque je suis fille unique. Le cheikh avait une mission très importante de quitter Es Senia et de m'amener jusqu'à son palais, à Sidi El Houari. Et il fallait traverser les quartiers, à pied, pour saluer le peuple. Ça risque d'être une mission ultra périlleuse.

Sous mon burnous, l'appréhension faisait battre mon cœur plus vite. Pour me réconforter, le sultan prit doucement ma main. Je sentais mes joues s'empourprer. Sa main dégageait une chaleur rassurante. Ce simple geste me procurait un sentiment de sécurité. Je fis un câlin à mes parents, cherchant leur réconfort. Leur visage rayonnait de fierté. Je n'avais jamais vu mes parents aussi heureux et apaisés. Mon père adressa ses dernières recommandations au roi, lui confiant la responsabilité de veiller sur moi. Mon poète ambulant, à travers un regard complice, avait déjà saisi le message.

Nous partions d'Es Senia, entourés des youyous joyeux des femmes et des rythmes des karkabous. Notre couple royal était accompagné par les gardes du royaume. Le ciel s'illumina de feux d'artifice multicolores, créant une atmosphère de célébration. Notre cortège ressemblait à une procession royale, avec des chants pieux et mélodieux accompagnant notre avancée. Sur notre chemin, nous croisions des Algériens montés sur des dromadaires, brandissant fièrement le drapeau national. Quelques jeunes femmes dansaient pour nous encourager, tandis que les vieilles dames exprimaient leur joie par des youyous traditionnels. Tout Oran était en liesse, vibrant au rythme de notre passage. Nous traversions les quartiers où résidaient les familles des chefs locaux, et chaque maison résonnait de cris de félicitations. Les clients des restaurants nous acclamaient depuis leurs tables, ajoutant à l'ambiance de fête. Le roi saluait les habitants avec chaleur, et je suivais son exemple. J'entendais mon prénom prononcé avec respect, accompagné de titres tels que "majesté" et "altesse". En cet instant, je réalisais que j'étais désormais membre de la noblesse.

Nous traversons le quartier historique et prestigieux de Sidi El Houari. Enfin, nous atteignons notre destination : le Palais El Bey. Sans plus tarder, Loubna me guide vers la chambre nuptiale du palais, prenant soin de moi. Pendant ce temps, le roi accomplit ses prières dans ses appartements, tandis que je récite mes invocations, enveloppée dans mon burnous. Une fois les prières terminées, le moment tant attendu est arrivé. Je m'assois sur le lit conjugal, dont la literie est blanche et pure, ornée de pétales de roses rouges disposés en forme de cœur. Des bougies parfumées, une rose et un poème embellissent l'atmosphère. Avec précaution, je déchire l'enveloppe pour découvrir son nouveau poème d'amour, empreint de douceur.

Nos noces d'or

Ma rose bleue, mon cœur brûle de désir
Je n'ai pas l'intention de partir.
Moi, ton soldat noir, je danse au-dessus de l'Euphrate.
Ô, ma Fleur de Tiaret, j'ai hâte
De faire de toi, ma femme.
Réveille moi cette flamme.
Fais moi découvrir tes trésors
À travers ton joli corps
Ô toi, ma belle algérienne
À jamais, je te ferai mienne.

Il est adorable !!! Ça voulait tout dire. Il veut que nous franchissions une étape de notre vie ? Je n'ai toujours pas les mots quand je lis ses poèmes d'amour. Que d'éloges, que de compliments !!! Il ne m'a jamais sali. Cet homme est trop parfait !!! Je réalisais, de plus en plus, la chance que j'avais d'avoir un algérien aussi divin qu'Abdelkader. Ô mon sultan, tu as les mots pour me parler. Et tu sais y faire.

J'entendis la porte qui s'ouvrit discrètement. Mon cœur battait. Des pas venaient furtilement. Je reconnaissais la couleur du tissu entre mille : c'est Abdelkader. Ce dernier relevait le capuchon, de mon burnous, en guise de cette bénédiction. Il remercia le Ciel pour la dernière fois puis il m'embrasse tendrement mon front. À chaque fois que ses lèvres caressent ma peau. Il me chasse quelques vents inutiles. J'oubliais instantanément qui j'étais. Je lui souriais comme cruche. Le sultan me courtisa de la plus belle des façons. Sa manière de m'accoster pour une expérience brûlante est si innattendue :

---- On se prend une chorba ?

Quelle chorba ? Zaama la chorba (Soit disant, la soupe). Mais votre altesse, suis-je en train de remplir la marmite avec les bons légumes pour te préparer la meilleure soupe du monde ? Je n'ai pas dit mon dernier mot. Je riais. J'ai compris son petit jeu.

---- Je n'attends que ça !!! Que tu trempes ton doigt dans ma soupe. Fais gaffe, c'est ultra épicée.

Ha ! Je me suis vendue à mon poète. Il me souriait et me répondit en arabe littéraire :

---- Ana uhibu mubhir. La astutie aliantizar litudhawiqak. (J'adore ce qui est épicé. J'ai hâte de te goûter.)

À ce moment, je vis son regard briller de mille feux. Il commençait à enlever mon burnous, mes talons. Il retirait ses chaussures. Je m'allongeais sur le lit nuptial. Pour la première fois, je me donnais entièrement à un homme. Je profitais de ma nuit de noces jusqu'au bout. Et je sais qu'Abdelkader El Khaldi sera mon premier et mon dernier amour.

Musique du Chapitre 40 : Cheb Abbes - 100 % Nebghrik

Musique du Chapitre 40 : Cheb Abbes - 100 % Nebghrik

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Bakhta ou la muse de Wahran Où les histoires vivent. Découvrez maintenant