Chapitre 53

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PDV du Sultan Abdelkader El Khaldi

Le Rai (opinion) est notre, votre Rai est le bon. Ô Wahran, la Radieuse. Capitale de l'Ouest, connue pour son art, elle remplit les cœurs de tendresse. Wahran, Wahran, jamais tu ne sera perdue. Certaines légendes t'ont quitté mais tu ne manqueras jamais d'algériens qui feront ta gloire. Chez toi, je suis à Al-Hamri, Sidi El Houari, au Palais du bey. Celui ou celle, qui est entré dans mon royaume, n'a jamais été déçu. De vrais femmes et de vrais z'hommes, à l'élégance aussi douce que le miel de datte.

Bakhta m'avait concocté, en cette belle soirée, quelques gourmandises locales de ma région. En buvant le thé, elle me demanda poliment :

---- Parle Moi des Oranais.

Je te parle, Bakhta, du travail des gens au coeur de la médina. Tu écoutais chacun de mes mots avec la plus grande attention. Nous sourions, nous pleurions de rire, nous buvions le thé chaud, nous mangeons, tout en parlant de tout et de rien. Ô Bakhta, ma Radieuse, je te connais tel que je t'ai vu la première fois que nous nous sommes rencontrés. Autour de La Mouna, ce pain au sucre, nous étions rassemblés. Autour du Kaak oranais, tu me ravissais. Kaawa ou atay ? (thé ou café ?), à croire qu'en tant que sultan ou dey, je restais ton invité de marque. Puis, je te parlais des gens d'autrefois. Ô Bakhta, ma lionne. Wahran portait le nom d'Ifri. Puis, je te racontais l'histoire de la Blouza, la robe oranaise aux mille et une pierres précieuses. Quelle classe, quelle beauté, quelle habit éblouissant à en couper le souffle. Une classe inouïe dans mon royaume, la ville des lions. Bakhta, qu'Allah te garde et t'éloigne des ruses des loups et des hyènes. In'challah, j'espère que notre avenir se fera, toujours, dans les meilleurs circonstances. Ô Wahran, que la paix soit sur tes enfants grands ou petits. Avec moi, la relève est assurée. Je t'en fais ma promesse, très chère royaume.

La mouna était une brioche en forme de dôme, avec quelques grains de sucre. Cette pâtisserie a été amenée de Valenciennes par les espagnols et les catalans. Ce gâteau, à la farine blanche, aurait guéri une ancienne sultane de Wahrane d'une maladie mortel. Quant au kaak, ce gâteau sec s'accompagnait avec les boissons chaudes. Je te parlais, ma Bakhta, de la mixité des différents peuples jusqu'aux guerres sanguinaires qui se faisait rare... Je te parlais de l'époque où je n'étais que le vizir de Hassan. Tu ne mâchais pas de tes questions existentielles. Telle une enfant, tu me demandais, de ta voix claire et innocente :

---- Est-ce que tu t'envisageais, avant ma rencontre, de te marier, Abdelkader ?

---- Je me rappelais encore des paroles de ma mère, Allah ya Rahma... Elle m'avait dit que si la bonne occasion se présentait, il fallait y foncer. Mais pendant mon deuil, je me suis isolé dans mes obligations de vizir, jusqu'à je sois devenu roi. Et puis, il y a toi...

---- Comme le disait ma mère, chaque chose en son temps. Celui qui s'empresse à faire son pain, il mangera la pâte crue.

Ma reine était pleine de sagesse. Ça restait une femme de très bonne famille. Je lui répondais poliment :

---- iina alkalimat al'akhirat lilshuyukh hi dayman. (les anciens ont toujours le dernier mot.)

---- El metni el hayet bel lil. Mahma zedreskhrek. Mahma ktar malek. Mahma ou sahbitek. Mahma bra jamalik. Mahma salhimek. Mahma achaalek. Mahma taoumlek. Mahma ana halek. Ma nensek taafalek. Thqiqa tsyhatek. Ou nhar trol tablek, mal tal ka ghri faalek.

(La vie m'a appris que. Quelque soit ta richesse. Quelque soit l'argent que tu as. Quelque soit la taille de ta maison. Quelque soit ta beauté. Quelque soit ta science. Quelque soit ton importance. Quelque soit le nombres d'années que tu as vécu. Quelque soit ton bonheur. N'oublie pas ta faiblesse. Une minute te suffit pour secouer ta vie. Et quand tu rentreras dans ta tombe, tu ne trouveras que des bonnes actions.).

Ses paroles en algerien sonnaient, à mes oreilles, comme un poème. Ya zawjati Bakhta, shieruk yunir hayati ( Ô ma femme Bakhta, tu éclaires ma vie.).

Nhab n'ssa9ssi-ek (J'aimerais te questionner) :

---- Comment était ta vie à Tiaret ?

---- Fi Tayart (À Tiaret ?)

Elle posa sa tasse de thé. Puis, elle vient s'asseoir près de moi. Kiffach (Comment ?). Elle me prit dans ses bras en me murmurant au creux de mon oreille, d'une voix sensuelle et mystérieuse :

---- Asmaeni ya sultan (Écoute moi, ô mon roi)

---- Asmaeuka, ya malakti (Je t'écoute, ô ma reine).

Bakhta me révéla sa naissance, ainsi que sa vie de famille. Elle me racontait son rôle au sein de son clan, ses galères comme ses pures moments de bonheur. Elle me contait ses voyages dans les Aurès. Je fermais les yeux en imaginant tous les deux gambadaient les vallées. Ô Bakhta, ma femme des montagnes, j'entends ta voix, ton chant de campagnole allant jusqu'aux cieux.

Tu me contais tes aventures rocambolesques jusqu'à ce que tu me cédais à cette douce tentation. Nous sommes seuls dans notre chambre d'hôtel à Aïn El Turk, la nuit de pleine lune. Tu goûtais mes lèvres. J'ai envie de toi. Tu me rappelais que notre mariage doit durer pour l'éternité. L'amour est une question d'engagement, de complicité, de respect. Raha skhana (Il fait chaud). Je me languis de ton odeur, de tes caresses. Je touchais du doigt ce qui est trop beau à mes yeux. Tu enlevais ma chemise pour toucher mes tablettes de chocolat. Je t'épluchais pour savourer la nectarine.

Bakhta, ma princesse, tu valais plus qu'un troupeau de moutons. Je te témoigne d'un amour rassurant. Je t'offris à nouveau ma corne de gazelle. Je t'imagine au désert du Sahara, à Timimoun, arrivant près de la guelta au bout de l'oasis. Tu me rappelais qu'il faut consommer les nuits de notre lune de miel. Les étoiles nous observaient. Ma Bakhta, tu me préparais ton thé. Tu enivrais cette nuit délicieuse.

Le lendemain matin, je ne m'en laissais pas de te contempler. Dénudée sous nos draps, tu dormais, mon ange. Tu étais tellement mignonne, que je ne m'en laissais pas de te réveiller avec mes baisers. Tu te réveillais doucement en me posant cette question : Sabah El kheir, habibi, où allons-nous ? Je t'emmenerai dans un lieu où l'eau brille comme du cristal.

Musique du Chapitre 53 : Cheb Abdou Gambetta ft Raouf Samouraï - Fi Hamwtk Tayh

Musique du Chapitre 53 : Cheb Abdou Gambetta ft Raouf Samouraï - Fi Hamwtk Tayh

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Bakhta ou la muse de Wahran Where stories live. Discover now