Arlequin et Colombine

Chapitre 44

La porte de la cellule s'ouvrit sur des gardes dont Romain. Ce dernier me fit sortir rapidement dans le couloir. C'était l'effervescence. Un nombre incalculable de joueurs furent évacués et mis en file indienne. Je jetai un regard interrogateur vers le jeune garde. Il profita de la cohue pour parler à voix basse.

Le jeu dont je te parlais va avoir lieu.

C'est quoi comme jeu ?

Je n'en sais rien. Mais je sais que tes amis y participent.

Cela faisait près d'une semaine que Marie et Antoine avaient été emmenés je ne savais où. Je m'étais rongée les sangs de ne pas les voir revenir au bout de quelques heures et Romain m'avait discrètement informé qu'ils suivaient un entraînement. De quelle nature, il n'avait pas su obtenir les informations. Je m'étais fait la réflexion qu'il ne savait pas grand chose sur ce qu'il se passait ici. Puis, il me plaça dans l'une des files et je dus suivre le pas.

Après plus de dix minutes de marche, nous entrâmes dans une arène où des gradins avaient été disposés tout autour d'une piste circulaire recouverte de sciure de bois. Les joueurs furent tous installés dans les gradins qui se remplirent rapidement. Nous devions être, au bas mot, plus de cent. Des gardes se placèrent au niveau des marches, armes à la main. Je jetais des coups d'œil autour de moi pour repérer des visages familiers, mais dans le mouvement de foule, c'était peine perdue.

Assise, je remarquai que, disposés ainsi, tous les joueurs avaient une vue imprenable sur la piste. Un brouhaha constant avait pris place maintenant que tout le monde avait un siège. Les joueurs discutaient entre eux, faisant fi des gardes armés et légèrement tendus. Un mouvement peu discret, dans la légère pénombre, me fit relever la tête. Nina me faisait de grands signes de la main de l'autre côté des gradins. Elle m'envoya un baiser théâtral avant de se détourner de moi pour parler avec ses voisins. A partir de cet instant, elle fit comme si je n'existais plus. J'observai attentivement son manège. En moins de secondes pour le dire, elle avait déjà envouté son auditoire. Décidément, elle avait un talent sûr pour la séduction éclair. Je me fis la réflexion qu'il serait plus qu'intéressant de lui demander ce qu'elle avait appris sur cet endroit.

Mon regard glissa par-dessus son épaule et je reconnu un autre visage familier. Mâchoire carré, blond et yeux bleus très pâles. Alexeï observait lui aussi les gradins d'un regard plus acéré que celui d'un rapace. Il finit par croiser le mien et me fit un sec mouvement de la tête. Son expression concentrée s'était refroidie en me reconnaissant. Je n'eus pas le temps de m'interroger sur sa réaction puisque de la musique sortit de hauts-parleurs. Un faisceau lumineux éclaira ce que j'estimais être l'entrée des artistes. J'avais compris ce qui allait se dérouler incessamment sous peu.

Au rythme d'une musique entraînante et burlesque, un homme de haute stature entra. Vêtu d'une veste queue de pie rouge, d'un pantalon blanc et de bottes d'un noir luisant, l'homme fit quelques pas glissants pour s'avancer au milieu de la piste. Puis, il s'inclina devant l'assemblée de joueurs. Le chapeau haut de forme masquait son visage mais quand il releva son buste, je retins mon souffle en y découvrant le masque coloré du Grand Maître vissé sur son visage.

Un micro filaire descendit du plafond et le Grand Maître s'en saisit. S'éclaircissant la voix, il se mit à rire, visiblement très satisfait de son entrée, avant d'entamer son discours.

Bonjour à vous tous. Quel plaisir de vous revoir. C'est un grand honneur pour moi de vous présenter ce nouveau spectacle intitulé "Circo Prima".

Le micro à la main, il se mit à faire le tour de la piste d'un pas lent et assuré.

J'ai le devoir, en tant que votre Monsieur Loyal de la soirée, de vous transmettre quelques informations sur le déroulement de ce jeu. Les participants qui se produiront devant vous ont eu une semaine pour s'entraîner et parfaire leur représentation. Néanmoins, je vous demande à tous un peu d'indulgence.