Chapitre 10

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J'observai notre groupe. Antoine avançait prudemment comme s'il marchait sur des œufs. Son visage trahissait la fatigue, les cernes sous ses yeux s'étaient creusées et sa bouche se crispait sous la douleur. Marie, quant à elle, boitait. Elle essayait de ne pas trop poser son pied par terre. L'adrénaline refluait et je commençais à sentir que mon corps souffrait. Ma coupure à la main me brûlait de plus en plus. Le saignement ne s'arrêtait pas, coulant goutte-à-goutte. Et je ne parvenais pas à bouger mon poignet. C'est donc clopin-clopant que nous arrivâmes sur la place centrale. Nous nous asseyâmes par terre, en nous ménageant. Je remarquai que seule une vingtaine de personnes étaient déjà là.

Un groupe de sept attira mon attention. À sa tête se tenait Adama. Il tourna son visage vers moi, me reconnut et m'adressa un petit signe de tête. Je le lui rendis. Après tout, il m'avait fait gagner du temps plus tôt et je lui en étais reconnaissante. Qui sait ce qu'il se serait passé sans son aide.

C'est à cet instant que les gardes arrivèrent à la suite de Pierrot. Pas un joueur ne réagit à leur présence. Ils se placèrent autour de la place. Pierrot nous observa un long moment comme s'il nous comptait.

Chers participants, veuillez vous placer devant un arbitre et lui donner vos bandeaux afin de comptabiliser vos points.

Personne ne bougea. Pierrot leva la main. Les "arbitres" saisirent leurs armes et commencèrent à les pointer vers nous.

Nous ne sommes pas au complet. Il faudrait attendre les retardataires.

Tout le monde se tourna vers la voix grave d'Adama. Il s'était avancé, droit et impérieux. Les joueurs tournèrent tous leurs visages vers lui avec un air de profonde admiration mêlé de terreur. Pierrot l'observa de haut en bas en prenant le temps de lui répondre.

C'est aimable de votre part de penser aux autres joueurs, numéro 823. D'autres arbitres sont allés récupérer les derniers.

Ceux possédant des bandeaux ne seront pas punis pour leur retard ?

Seuls ceux n'ayant pas marqué de points seront éliminés.

Attendez ! Pas de points, même avec des bandeaux ? Je croyais que le but premier c'était de les trouver en priorité puisqu'ils rapportent des points. Chaque bandeau vaut combien de points ?!

C'était la compagne d'Adama qui venait de parler. Elle se tenait à ses côtés. Je levai un sourcil suspicieux devant cette proximité. Il s'était tourné à demi vers elle pour faire rempart de son corps. Il en avait fait de même avec moi. Peut-être possédait-il un instinct de protection inné ? C'était une réaction intéressante. Pierrot fit claquer sa langue d'exaspération. Il n'appréciait visiblement pas qu'on l'interrompe.

À la demande de la joueuse 539, je vais vous répondre. Les bandeaux noir et bleu rapportaient un point chacun, le vert, deux points, le violet, quatre points, le marron, cinq points et enfin, le doré... zéro points !

La consternation fit le tour de l'assemblée. Une femme se leva précipitamment et se mit à courir. Elle s'effondra en pleine rue quand l'un des gardes l'abattit. La détonation résonnait encore dans la place. Le choc et la peur s'inscrivaient sur les visages des autres joueurs. À son poignet était noué un bandeau doré.

Mon raisonnement était donc juste. Je regardai Antoine et Marie qui me rendirent mon regard ébranlé. Peu à peu les gens se levèrent et se placèrent devant les gardes pour leur donner leur bandeaux. J'attendis que la première vague s'achève avant de me lever à mon tour. Mes deux comparses me suivirent.

Numéro 318, deux marrons, un violet, un vert, un bleu et un noir. Total de 18 points.

Numéro 192, un marron, un vert, un bleu et deux noirs. Total de 10 points.

Arlequin et ColombineWhere stories live. Discover now