Chapitre 19

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Un garde me fit entrer dans ma cellule. J'y retrouvais Marie qui dormait profondément sur son lit. Son plateau repas était vidé de tout aliment et deux autres se trouvaient sur nos lits respectifs à Antoine et moi. Je supposai qu'elle dormait autant pour essayer de réparer son esprit et son corps. Je m'approchai de mon couchage, m'assis et plaçai le plateau sur mes genoux. Malgré l'épreuve de ce matin et de l'adrénaline occasionnée, j'avais faim. Terriblement faim. Les effluves de nourritures parvinrent à mes narines et il en fallut peu pour que mon estomac se mette à chanter.

Je souris en pensant cela. C'était une des phrases préférées de ma grand-mère. Paix à son âme. Mon regard se perdit dans le vide. Cela faisait plusieurs mois que j'avais été kidnappée et je me demandais comment avaient réagi mes proches à l'annonce de ma disparition. Mon frère devait s'être posé des questions depuis le temps.

Mes parents...

Mes parents et moi ne nous parlions pas beaucoup, voire pas du tout. La vie avait fait que j'avais préféré couper les ponts avec eux. Ils ne me rendaient pas heureuse mais je me sentais mal d'avoir besoin de limiter les contacts. C'était un cercle vicieux. J'avais le chic pour m'entourer de personnes toxiques.

Léo...

Ah mon salaud, quand je sortirai d'ici, tu t'en mordras les doigts !

Mes pensées furent interrompues par l'arrivée fracassante d'Antoine. Il observa son environnement puis ses yeux sombres se verrouillèrent sur moi.

Tu as l'air...sombre... Est-ce que ça va ?

Je pensais à ma famille. Je me demandais si je leur manquais, même un peu.

Il soutint mon regard suffisamment longtemps pour comprendre que la réponse à cette question sous-entendue était négative. Il prit son plateau d'une main et vint s'asseoir à côté de moi. Sur le ton de la confidence, il essaya de m'égayer.

Si tu ne leur manques pas, tu n'as pas à te sentir seule. Mieux vaut être seul que mal accompagné comme on dit. Et puis, maintenant, tu nous as, Marie et moi.

Il tripotait le dessus du lit de ses longs doigts et je vis de petites rougeurs apparaître sur le haut de ses pommettes. Il était gêné. Je ne pus m'empêcher de le taquiner, ragaillardie.

Je crois que tu m'aimes bien finalement.

Il évita mon regard et tourna la tête pour que je ne puisse pas voir son visage. Il ne devait pas avoir l'habitude de réconforter un autre être humain. Je retins un petit ricanement, je ne voulais pas l'embarrasser encore plus.

Pourquoi ?

Pourquoi quoi ?

Pourquoi tu m'as sauvée dans le jeu ?

Tu ne m'as pas trouvé l'étoffe d'un chevalier ?

Je le regardais, blasée. Il esquivait la question. Je me fis plus insistante et il finit par craquer.

Quand tu as trouvé le caducée, un message est directement apparu et il me demandait de choisir entre couper notre binôme ou de continuer l'épreuve à deux. J'avais un temps limité pour choisir. Quatre minutes exactement.

Il s'interrompit comme pour peser le pour et le contre. J'attendis patiemment qu'il poursuive. Il déglutit avant de reprendre.

Je n'ai pas refusé cette offre pour te sauver en réalité... Nous avions quatre des objets, il ne nous en manquait qu'un seul et il nous restait pas mal de temps. J'ai longuement hésité, ça aurait été plus simple d'accepter, mais nous étions si près du but et j'espérais qu'on trouve le dernier objet rapidement. Disons que le rapport risque/récompense était relativement faible.

Arlequin et ColombineWhere stories live. Discover now