Chapitre 41

40 7 7
                                    

Il achevait de nouer sa cravate devant son miroir quand le téléphone dans son bureau se mit à sonner. Il ne décrocha pas. C'était un signal pour lui annoncer que son avion était prêt à décoller. Il n'attendait que lui mais il n'était pas pressé. Il s'approcha de sa commode pour ouvrir un tiroir et en sortir deux épingles à cravate. Une était décorée d'un bleuet et l'autre d'un narcisse. Ses doigts frôlèrent les deux accessoires pour finalement prendre celui avec la fameuse fleur blanche et jaune. L'homme laissa échapper un petit rire.

Comprendra qui pourra, se disait-il.

Il n'allait pas faire attendre son pilote plus longtemps alors il saisit sa veste de costume, la plaça sur son avant bras. Il jeta un dernier coup d'œil sur ses écrans de surveillance avant de les mettre en veille. Il n'avait pas à s'inquiéter, il pourrait veiller sur ce qui se passerait, même à distance.

Le pas calme et assuré, il traversa les couloirs. Les semelles de ses chaussures claquaient sur le sol. Chacun de ses pas résonnait dans l'espace vide. D'autres pas, tout aussi réguliers, bien que plus rapides, se firent entendre. Il ne changea rien à sa cadence, laissant l'autre atteindre son niveau. Ils firent le reste du chemin côte à côte, sans se parler. Quand ils atteignirent la sortie, l'homme donna ses dernières instructions.

Pour les prochains jeux, pas de favoris actuels. En retirant les joueurs aguerris du tableau, d'autres pourront sortir du lot.

Cela me rappelle quelqu'un.

Le premier homme dissimula son expression moqueuse en tournant le visage vers le mur.

N'as-tu donc pas encore digéré que je te vole la vedette ?

Il m'arrive de vous imaginer souffrants de milles morts et puis ensuite ça va mieux.

Ils échangèrent un regard puis se mirent à rire. Cette complicité s'était lentement effacée depuis quelques mois. Ils reprirent leur souffle, puis il ajouta un dernier conseil.

Ne fais rien que je ne ferais pas.

Seul un reniflement lui condescendant lui répondit. Sortant à l'air libre, le premier homme enleva son masque et le rangea dans l'une des poches intérieures de sa veste. Il offrit son visage aux rayons du soleil puis il prit une grande inspiration pour profiter au mieux des odeurs de cette fin d'après-midi ensoleillée.

Arlequin ?

Il se tourna pour observer son bras droit. Il eut la surprise de voir que Pierrot avait retiré son masque, qu'il tenait négligemment d'une main le long de son corps. Ce qu'il avait à lui dire était d'ordre personnel sinon il n'aurait pas enlevé son masque.

Pourquoi partez-vous ?

Tu le sais parfaitement. J'ai d'autres affaires à régler.

Exact, mais vous ne dîtes pas tout. Vous allez poursuivre votre vendetta ?

Aurais-tu peur que je meure ? Pourtant, s'il m'arrivait quelque chose, tu te retrouverais à la tête de tout ceci.

D'un large geste de la main, Arlequin montra le complexe de bâtiments autour d'eux.

Non pas que cela me déplairait mais je préférerais que vous soyez encore vivant pour me voir vous succéder. Ce sera beaucoup plus satisfaisant.

Pierrot s'interrompit pour plonger son regard gris et froid dans les yeux bleus de son supérieur. Ce dernier lui adressa un fin sourire mais il ne se faisait pas d'illusion. Il avait bien saisi son regard buté.

Ce n'est pas Pierrot qui vous parle, mais votre ami Khalil.

Pierrot remarqua immédiatement un changement dans la posture d'Arlequin. Il savait que son argument avait fait mouche et que maintenant son interlocuteur l'écoutait avec attention. Il poussa un soupir.

Arlequin et ColombineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant