Chapitre 3

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Les gardes nous avaient fait monter dans un bus pour nous emmener sur le terrain. Jusqu'à présent je n'avais jamais participé à un jeu qui se passait à l'extérieur du bâtiment. Et de ce que j'avais constaté, il était immensément grand.

Les vitres du véhicule devaient être teintées puisque je ne pouvais rien voir de l'extérieur. Est-ce qu'on était bien à l'extérieur ? Allait-on enfin respirer de l'air pur ? Les cellules où j'avais été enfermée ne disposaient pas de fenêtres et mon plus grand plaisir serait de voir le ciel bleu. Enfin, m'échapper d'ici en premier puis voir le ciel. Si effectivement, nous étions amenés à l'extérieur, alors c'était une excellente occasion de repérer une échappatoire.

Antoine s'était installé à l'arrière du bus pour, disait-il, en apprendre davantage sur les autres groupes et sur leurs stratégies. Finalement, très peu de gens avaient prévu d'être seuls et ce n'était pas plus mal que je me fusse en binôme. Une personne seule, cernée par des groupes, ne ferait pas long feu.

Quelque chose me chagrinait à propos des règles mais je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus. Je gardais mes réflexions pour moi et je ne comptais pas les partager avec mon partenaire. Je ne lui faisais pas confiance. Pas encore. Il ne fallait pas oublier que derrière ces parties, nos vies étaient en jeu. Quand il fallait sauver sa peau, les altruistes disparaissaient aussitôt. Question d'instinct de survie.

Le bus s'arrêta enfin. J'avais compté près de cinq minutes de route en ligne droite. En roulant à cette allure nous devions nous être éloignés de 5 à 10 km de l'enceinte principale. C'était une longue distance si l'on voulait fuir à pied avec des gardes armés à ses trousses.

Les gardes nous firent descendre et nous nous retrouvâmes devant un immense mur circulaire en béton. Une large porte ouverte nous laissait entrevoir la reconstitution d'une ville. Je levai le nez. Pas de ciel. Juste du béton.

Là, un homme au masque blanc se positionna devant nous. Son masque recouvrait son front et descendait le long de ses deux pommettes. On ne voyait finalement que son nez et sa bouche. C'était l'exact contraire des gardes qui, eux, portaient des masques en tissu dissimulant leurs nez et leurs bouches. Les masques blancs étaient des porte-paroles. De ce que j'avais pu voir, ils donnaient les ordres aux gardes. Ainsi l'homme gradé prit la parole et nous donna les dernières instructions.

Rappel pour les imbéciles. Vous devez finir le jeu avec au moins un badge sur vous. Ceux qui n'en auront pas seront éliminés. Celui qui en aura le plus se verra offrir la récompense de son choix par le Grand Maître lui-même. Vous avez exactement 75 minutes. Une sirène retentira à 5 minutes de la fin. Il vous faudra être revenu, ici, avant la sirène finale.

Je cachai mon inquiétude derrière un masque d'impassibilité. C'était peu pour bien mettre en place une stratégie. Mais l'avantage, c'était que tout le monde serait pressé par le temps. J'échangeais un regard avec Antoine, qui s'était placé à mes côtés, et je lui chuchotai à l'oreille.

On court, on se met à l'abri et on observe comment les autres se comportent.

Il acquiesça le visage concentré. Il essuya ses mains sur le haut de son pantalon. Le sang se mit à rugir dans mes oreilles tandis que mon estomac se contractait d'excitation et d'appréhension. Le masque blanc leva alors une arme à feu vers le ciel et tira. Le départ était donné.

***

Je dus attendre Antoine avant de monter l'escalier. Je profitai de ce moment pour reprendre mon souffle. J'avais couru droit devant moi, sans faire attention aux autres joueurs. J'avais eu raison de tracer ma route puisque j'avais entendu des bruits de lutte et de chute derrière moi. Certains n'avaient pas attendu d'être à l'abri pour s'attaquer aux autres joueurs. Peut-être aurait-il mieux fallu en faire de même ? Non. J'avais remarqué qu'une bonne moitié des joueurs étaient sacrément bien bâtis. Et je n'avais aucune envie de me frotter à eux.

Arlequin et ColombineWhere stories live. Discover now