Chapitre 28

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Si des yeux pouvaient tuer, nous serions déjà morts. Le cri de « guerre » des vipères, loin d'être discret, avait attiré tous les regards sur nous. Oui, tous. Des gardes, des trois juges, du Grand Maître et sans oublier les autres joueurs. Tous les membres de l'équipe avaient calqué leur attitude sur celle de Sylvain. Autrement dit, nous nous tenions fièrement, le regard droit. Nos visages n'exprimaient que la concentration, voire l'impatience pour Sylvain. Je lui jetai un coup d'œil furtif. Un trop plein de confiance et nous pourrions tomber de haut. Je plantai discrètement mon coude dans ses côtes pour le ramener sur terre.

Aie ! Quoi ?

Il se tenait le flanc, affichant un air faussement blessé.

Pour la discrétion, on repassera !

Je levai les yeux au ciel et je poursuivis à voix suffisamment basse pour qu'il soit le seul à m'entendre. Je le retins d'une main avant qu'il se mette à se rouler par terre pour mimer une douleur insurmontable.

C'est pas le moment de faire le coq.

Je fais pas le coq, comme tu dis, je ne fais qu'intimider la concurrence.

Le plus âgé de notre équipe, Francis, s'était rapproché et avait entendu les dernières paroles de Sylvain. Il avait presque soixante ans et n'avait pas l'air très en forme. Pourtant ces yeux étaient limpides et son regard, vif. Un fin sourire aux lèvres, il se plaça à nos côtés pour appuyer ses propos.

C'est un bon début de stratégie.

Mon incompréhension dut se lire sur mon visage puisqu'il pouffa avant de m'expliquer. Rémi et Lucille nous rejoignirent afin d'écouter ses sages paroles. Benoît et les autres formaient un second petit groupe et continuaient de faire les présentations.

Tu n'as jamais fait de compétition, je me trompe ? C'est très naturel de jouer de son assurance pour déstabiliser son ou ses adversaires. Si tu ne montres pas que tu en as dans le pantalon, tu te tires déjà une balle dans le pied. C'est de la provocation, tout simplement.

Il haussa les épaules et échangea un regard entendu purement masculin avec Sylvain. Je poussai un soupir avant de rebondir sur ses arguments.

Si tout le monde le sait alors c'est facile d'éviter le piège et-

Il ricana pour m'interrompre.

Le subconscient humain est une machine très fragile et complexe. Même si tu le sais, ça ne veut pas dire que tu en es convaincu. Et ces secondes de réflexion sont précieuses dans les moments les plus critiques.

Amen.

Sylvain me fit un exubérant clin d'œil. L'information fit son bout de chemin dans mon esprit et j'acquiesçai en comprenant ce qu'il voulait dire.

L'homme au masque de velours vert s'approcha à pas feutrés vers nous attirant notre attention vers sa personne. La femme et l'autre homme en firent de même avec leurs équipes correspondantes. Il attendit que toute l'équipe se place devant lui avant de s'adresser à nous.

La première manche va commencer. Soyez prêts à vous mettre en marche.

Benoît lui coupa la parole.

C'est quoi votre rôle dans ce jeu ?

Le juge devait avoisiner le mètre soixante-quinze. Autrement dit, il était plus petit que Benoît qui en profita pour se grandir et le défier de toute sa hauteur. Si l'attitude de Benoît le gênait, il n'en laissa rien paraître. Il prit même le temps de répondre.

En tant que juge, j'analyserais vos actions. Je pourrais donc vous fournir des informations intéressantes à chaque manche.

Il releva le menton et sourit d'un air narquois avant de poursuivre.

Arlequin et ColombineWhere stories live. Discover now