Chapitre 6

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Alors que j'étais étendue sur mon lit, je me remémorais l'échange que j'avais eu avec le Grand Maître. J'avais récolté plus d'informations en une demi-journée qu'en plusieurs mois d'emprisonnement. Je devais faire le tri dans mon esprit. Je savais que j'étais passée à côté d'informations capitales. Il l'avait fait exprès. Organiser cette séance de questions-réponses sur l'instant ne me permettait pas de faire une liste précise de questions. Et cela m'avait désarçonnée. Maintenant que j'étais au calme, plusieurs autres questions me vinrent à l'esprit.

Comment étaient attribués les points ? Je supposais que plus nous étions bien classés dans un jeu et plus nous remportions des points. Mais à quelle échelle ? Au bout de combien de points avions-nous la possibilité de sortir ? Y avait-il d'autres conditions pour pouvoir sortir ?

Probablement.

Comment étaient choisis les participants aux différents jeux ? Si le Grand Maître était le principal décisionnaire sur l'organisation et le choix des participants, je soupçonnais que le hasard ne devait pas être son critère principal. Alors quels étaient les critères ? Était-il influencé par les choix des "clients" ?

Je grimaçai à l'évocation des fameux parieurs. Toute cette souffrance était due à des individus qui jouaient avec la vie de personnes innocentes. Tout ça pour quoi ? De l'argent et pour ressentir l'excitation du jeu. S'ils voulaient tant jouer, ils n'avaient qu'à entrer dans l'arène ! Là, ce serait intéressant.

Alors que je m'imaginais des milliardaires participants aux pires épreuves, j'eus une pensée pour ma comparse de cellule. Elle n'était pas là quand on m'avait ramenée. Je n'étais donc pas la seule à participer à un jeu aujourd'hui. Je me demandais si elle reviendrait.

Toutes les émotions accumulées depuis des jours et des jours ainsi que celles de la journée me submergèrent. J'avais eu peur et tout mon corps pulsait de douleur. Je profitais d'être seule pour laisser couler des larmes silencieuses le long de mes joues. Je ne pris pas la peine de les essuyer. Je refoulai les images, qui tournaient en boucle, dans un coin de mon esprit. Peu de temps après, la fatigue m'emporta et je m'endormis.

Quand je revins à moi, je sentis plus que je ne vis la présence d'une autre personne dans la cellule. Je me retournai afin de découvrir si j'avais un nouveau compagnon. Je poussai un léger soupir de soulagement en reconnaissant les cheveux roux de Zoé. Elle était assise sur son lit, dos au mur et la tête entre ses genoux. Elle n'émettait aucun son. Son attitude m'inquiéta et me redressai lentement pour tenter une approche.

Zoé ?

Elle ne bougea pas. Alors je me levai et m'assis sur son lit, à côté d'elle.

Que s'est-il passé ?

J'attendis ce qu'il me sembla être une éternité avant de sentir un début de mouvement. Quand elle releva la tête, j'eus peur de rencontrer des yeux larmoyants mais ce n'était pas le cas. Ses yeux étaient parfaitement secs, quoique très écarquillés. Elle me répondit dans un souffle.

J'ai gagné.

Elle replaça sa tête entre ses genoux et s'enfonça à nouveau dans le silence. Je choisis de ne pas insister et retournai sur mon lit. Après une hésitation, je lui adressai à nouveau la parole.

Moi aussi. J'ai gagné.

Elle releva vivement la tête. Je lui montrais de la main la part de gâteau que j'avais emporté. D'un commun accord silencieux, nous partageâmes le fraisier. Après qu'elle eut fini de manger, elle me raconta son épreuve.

Le garde qui m'avait emmenée était revenu peu de temps après pour la prendre à son tour. Ils étaient une vingtaine d'autres participants. Un porte-parole, une femme précisa-t-elle, avait demandé à ce que les joueurs fassent des groupes de trois.

Arlequin et ColombineWhere stories live. Discover now