Chapitre 37

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Les derniers événements avaient créé une tempête d'émotions et de bouleversements en mon for intérieur, et je manquais de m'y noyer. Les images, les sons et les odeurs tournaient en boucle dans mon esprit. Décortiquant chaque moment au ralenti et ne me laissant aucun répit. Mon cœur souffrait le martyre. J'essayais de refluer les sentiments tumultueux qui attisaient ma peine et ma rage.

Et puis cet état se mua en autre chose. Après la tempête, j'étais maintenant dans l'œil du cyclone. C'était si calme. Pas le moindre bruit. Je ne sentais même plus mon corps. C'était vraiment une étrange sensation. J'avançais mécaniquement, me laissant guider par un instinct purement primaire.

Le garde devant moi me guida à travers les couloirs pour me ramener à ma cellule tandis que deux autres nous escortaient. Je n'étais pas prête. Je voulais que cette marche continue sans fin. Mais mon souhait ne se réalisa pas et je me retrouvai, bien trop tôt à mon goût, devant la porte. Je franchis le seuil en essayant de fermer mon esprit. Le remuement et les bruits de pas précipités m'indiquèrent que mes deux compagnons de cellule venaient de se lever à la hâte pour m'accueillir. L'expression mi-soucieuse et mi-soulagée de leurs visages me sauta aux yeux. Marie fut la première près de moi et entreprit de m'ouvrir les bras pour me gratifier d'une étreinte chaleureuse.

Je craquai.

Ne me touche pas !

Marie recula face à mon cri, comme frappée par la foudre. Ses traits s'affaissèrent et son visage pâlit tandis qu'elle serrait ses bras sur le haut de sa poitrine. Antoine, coupé dans son élan, s'avança prudemment, comme s'il s'approchait d'un animal sauvage blessé.

Comment tu te sens ?

Je l'ignorais, les yeux toujours fixés sur Marie qui était aussi figée qu'une statue de marbre. Le regard d'Antoine passa d'elle à moi. Il préféra poser ses fesses sur le bord du lit le plus proche pour nous laisser un peu d'espace. Espace tout relatif puisqu'il était tout de même au centre de notre échange. Mais le geste était là. La voix grinçante, je m'adressai à elle.

C'est de ta faute !

De quoi ?

Sa réponse était tremblante et cela me mit hors de moi.

Ils sont tous morts par ta faute !

Mais qu'est-ce... je comprends pas...

Tu crois que je n'allais pas le remarquer ?! Hein ?!

Je hurlai.

Tes putains de points, idiote !

Du coin de l'œil, je remarquai qu'Antoine était prêt à bondir sur ses pieds tandis qu'il observait ce qui se déroulait sous ses yeux.

Ne me traite pas-

Tu as eu le plus de points chez les poules ! C'est toi qui nous a condamnés !

Je m'étais avancée vers elle à chacune de mes phrases, les poings serrés et tremblante de rage.

Ton équipe ne méritait pas de survivre ! Ils étaient mauvais, autant d'un point de vue stratégique que de la morale ! Des imbéciles, des tricheurs et des brutes !

J'étais à bout de souffle alors je repris ma tirade avec une voix plus basse mais non moins dénuée de colère.

Dans la mienne, il y avait des gens bien, doux et profondément gentils. Ils ne méritaient pas ce sort et toi tu-

Estelle !

Antoine arrêta mon laïus en élevant la voix et en se plaçant délibérément entre nous. Il avait compris que la situation était en train de lui échapper et qu'elle commençait à tourner au vinaigre.

Arlequin et ColombineWhere stories live. Discover now