Chapitre 40

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Adama suivit des yeux les gardes qui me ramenaient dans la cellule. Son visage inexpressif me signifia que ce n'était pas encore le moment des retrouvailles. Pas tant qu'il y avait des spectateurs. Une fois les gardes hors de vue, nous nous tournâmes l'un vers l'autre pour s'adresser des sourires chaleureux. Le mien ne parvint pas à monter jusqu'à mes yeux mais l'intention était là. Il n'avait pas changé, si ce n'était, qu'il avait deux nouvelles rides aux coins des lèvres. Sa voix profonde me rappela les entraînements au combat qu'il m'avait enseigné. Une voix très mélodieuse jusqu'au moment où, trop distrait, tu te retrouvais les quatres fers en l'air.

Qu'est-ce que tu fais là, Adama ? L'isolement, c'est pour les criminels.

Il rit en prenant soin que le son de son rire n'interpelle pas les gardes. J'étais certaine que s'il se lâchait, il serait suffisamment fort pour faire trembler les murs.

Je peux te retourner la question, petite.

Je suis une criminelle.

Je voulais garder un ton amusé mais je butai sur le dernier mot. Adama me jeta un regard qui en disait long mais il n'insista pas. Pas encore. Il préféra me répondre.

J'ignore totalement pourquoi je suis là. Les gardes sont venus dans ma cellule, passablement énervés d'ailleurs, et ils m'ont embarqué.

Son air sombre m'indiqua que le trajet n'avait pas dû être de tout repos. Il se massa distraitement le flanc. J'étais prête à parier qu'ils avaient dû le frapper pour s'assurer de sa coopération. Nous nous tûmes quand les bruits de pas des gardes se firent entendre.

Encadrés par de nombreux gardes, plusieurs joueurs furent escortés, deux hommes et une femme, dans les cellules voisines. J'observais Adama du coin de l'œil. La tension s'était subitement emparée de son corps. Il était aussi tendu qu'un arc et une méchante veine palpitait sur son front. Je chuchotai pour ne pas le brusquer mais avant même que je lui demande s'il les connaissait, son visage redevint aussi lisse que du marbre.

Nous avons participé à quelques jeux ensemble. La plupart du temps, nous étions en équipe. Là, c'est Joshua, ici c'est Nathalie et le gosse derrière s'appelle Enzo.

Il pointa du doigt chaque joueur. Ses yeux se firent préoccupés. Quelques minutes plus tard, d'autres joueurs furent amenés et mon compagnon de cellule énonça les prénoms de chacun. Nous nous mîmes d'accord sur le fait que ce n'était pas par hasard qu'ils soient tous présents en cellule d'isolement. Tous avaient, de près ou de loin, eu un lien avec Adama. Moi y compris. Malgré cette hypothèse, il était d'un calme olympien.

Plusieurs heures passèrent avant qu'un dernier joueur soit amené. Je reconnus aussitôt la femme qui s'était tenue aux côtés d'Adama durant le jeu de la "course aux points". Ses cheveux bouclés châtains clairs se dressaient sur sa tête en épi comme si elle n'avait pas cessé de fourrer ses mains dedans. Son teint était dangereusement livide mais quand son regard croisa celui de mon compagnon, elle se redresse et lui fit un petit signe de tête. Je ne savais pas ce que cela signifiait mais en tout cas, Adama sembla l'avoir compris puisqu'un pli soucieux marqua son front. Nous la perdîmes de vue.

C'est Charlotte.

Il prit une inspiration avant de jurer. Cela ne lui ressemblait tellement pas que j'eus un sursaut. Je décidai de briser l'atmosphère en mettant les pieds dans le plat. Je ne me rappelais que trop bien leur façon de se comporter l'un avec l'autre.

Elle était avec toi durant un jeu... Vous couchez ensemble ?

Loin de s'en offusquer, il me fixa d'un air presque paternaliste. Je me hérissai. J'avais horreur de ce type de regard. Je me sentais comme une petite fille prise en faute.

Arlequin et ColombineWhere stories live. Discover now