60. Plongeon (Stella)

3.7K 583 53
                                    

J'ai fini tous mes devoirs à temps et Matthias a tenu sa promesse. Quand on parlait d'une soirée pour le lancement de leur projet, je m'attendais à aller dans une grande salle d'hôtel dans Paris et à prendre le métro pour m'y rendre... Mais en aucun cas, je n'avais prévu de voir ça.

« C'est un château ? je murmure en serrant contre moi mon sac à dos, dans lequel j'ai entassé quelques affaires pour passer la nuit.

Nous avons mis quelques heures à venir entre les préparatifs et la voiture puis l'hélicoptère qui nous a déposé dans le jardin de cette immense propriété des bords de Loire. Les organisateurs ont vraiment fait tout en grand. J'ôte mes écouteurs et aperçoit avec ébahissement les tours du château, le parc arboré qui descend vers la Loire et le bois un peu plus loin. On va vraiment dormir ici ?

Théo attrape ma main et m'entraîne en courant pour aller voir nos chambres. Blanche nous suit, aussi étonnée que moi. Ma chambre est située dans un autre couloir que les leurs, apparemment ma venue a été décidée au dernier moment donc on me propose une chambre dans une autre aile. Elle est un peu plus ancienne que le reste du château rénové, mais franchement cela n'a aucune importance. Je serai la seule dans cette aile, mais cela ne me gêne en aucun cas. Je me sens privilégiée. Je veux dire : moi, Stella, je vais dormir dans un château ! J'espère qu'il est hanté et que je vais voir des phénomènes paranormaux ou découvrir un trésor en poussant une porte dissimulée derrière une bibliothèque et qui me conduira au fin fond de souterrains cachés. Je suis tellement excitée que mon imagination s'emballe.

D'abord, je dois me changer pour la soirée. Je pénètre dans la chambre qu'on m'a octroyée et je jette mon sac sur le lit à baldaquin pour en sortir une robe bleue nuit avec des sequins. Je l'ai trouvée au fond de la malle que Roxanne m'a donnée. Je n'aime pas trop les robes, mais je ne peux pas débarquer en jeans non plus. Je n'ai pas eu le temps de faire du shopping et d'ailleurs je n'en ai même pas les moyens. J'ai aussi trouvé une minaudière et une paire de ballerines assorties à la robe. Elles sont un peu élimées, mais elles feront largement l'affaire. Je ne cherche pas à me faire remarquer, juste à passer inaperçue dans la foule.

Un rapide coup de peigne sur mon indomptable tignasse et c'est parti. Ma main sur la poignée de la porte tourne dans le vide, je tire fort dessus mais impossible d'ouvrir la porte. J'ai beau donner des coups secs sur la poignée, regarder si je peux la réparer ou tirer dessus : rien n'y fait. Je suis enfermée ici ! Je frappe à la porte et me mets à crier, de plus en plus fort. Malgré mes efforts, personne ne m'entend et mon téléphone n'a aucun réseau.

Au bout de trente minutes, je dois me rendre à l'évidence : je suis coincée et personne ne viendra me chercher. Matthias est débordé par son équipe d'ingénieurs, Blanche est occupée avec Théo qui voulait jouer. Je ne vais quand même pas passer ma soirée ici. Misère !

Toutefois, je n'ai pas l'intention de moisir dans mon donjon, je ne serai pas une princesse en détresse ! Je vais filer et rapidement. Quels moyens vais-je trouver ?

Première chose à faire : identifier les issues. La fenêtre latérale donne sur les tentes de réception qui ont été dressées dans les jardins. Bon, je ne suis pas Spiderman, à mon grand dam, parce que sauter de toit en toit comme une gracile araignée, franchement ce serait utile. Faire une corde avec les draps du lit, puis la jeter par la fenêtre me semble un peu risqué.

Et derrière ces rideaux rouges en face du lit, qu'y a-t-il ? Ah, ah, un balcon ! J'ouvre la porte-fenêtre et me penche au-dessus de la balustrade. Juste en dessous : une piscine ! Géniale ! Le lierre du mur extérieur grimpe sur les pierres de la façade et dévore une partie du balcon, il a l'air plus que centenaire, il pourrait supporter mon poids. Je suis prête à prendre le risque.

J'attrape mon carnet, je le fourre dans la minaudière. Le vent s'engouffre dans la chambre quand j'ouvre en grand la porte-fenêtre. Je jette le sac sur l'herbe pour avoir les mains libres, puis je noue les pans de la robe sur ma hanche afin d'avoir une plus grande liberté de mouvement. Franchement, on n'a rien fait de mieux qu'un pantalon pour descendre d'une façade, mais je ne vais faire la fine bouche.

Je descends doucement, le lierre tient bien et la façade n'est pas lisse, je pose mon pied au fur et à mesure sur les pierres qui sortent légèrement du mur. Tout se passe bien, jusqu'à ce que je glisse, une de mes chaussures s'écrase sur les dalles de la piscine. Je n'ose pas regarder en bas, préférant me concentrer sur ma progression lente. Mes mains enserrent désespérément le lierre, malheureusement il n'apprécie pas d'être réveillé de son sommeil profond et, soudain, tout un pan de ses branches se détache du mur et je bascule en arrière.

Je pousse un cri. Ma vie aura été bien courte...

Des éclaboussures, de l'eau et quelque chose de dur me rattrapent, j'ai mal à cause du choc. Je retiens ma respiration en comprenant que je viens de tomber dans la piscine. Mes mains s'agrippent à ce que je peux, je sens la douceur de la peau de quelqu'un et lorsque j'ouvre les yeux sous l'eau, je ne vois que les voiles de ma robe qui m'entourent. Tout est si sombre, comme si nous étions en pleine nuit. Entre les pans de tissu, se dégagent soudain deux prunelles vertes.

++++++

Bien sûr, vous avez deviné sur qui Stella est tombée, n'est-ce pas ? ;) 

Mermaid OnlineWhere stories live. Discover now