31. Pirate mais pas voleur (Jay)

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Finalement, la séance photo a été assez rapide. Je suis un peu soulagé. Je n'aime pas trop voir Roxanne et Matthias ensemble, mon amie n'a pas l'air si à l'aise que cela. Je me demande ce qu'elle me cache ?

Je me frotte l'arrière de la nuque en regardant le ciel. Pas un nuage.

Dis-moi petite sirène, que fais-tu en ce moment ? Si nous avions des ailes, irions-nous visiter ensemble le bleu de l'azur ? Je pourrais t'écouter chanter si cela te faisait du bien.

Je souris, seul sur le trottoir. Voilà que je pense à cette inconnue maintenant. Il m'en faut peu, ma parole. Je dois me trouver une occupation rapidement. Les relations virtuelles ne sont jamais ce qu'elles ont l'air d'être. Je sais bien qu'un simple défaut de connexion pourrait tout arrêter du jour au lendemain. Ce n'est pas réel, même si cela me fait du bien. Peut-être aussi est-ce pour cela que je peux autant me dévoiler, il n'y a pas d'implication réelle pour moi. Pas de jugement, au fond.

Je parle à une sirène, elle ne m'en voudra pas d'avoir un pied dans le rêve et un autre sur la rive de la vérité.

Mon ami, mon frère, qu'en penserais-tu si tu étais à mes côtés ? Mon amitié avec cette sirène aurait-elle ta bénédiction ?

Brusquement, une silhouette passe à toute vitesse sur ma gauche, j'en sursaute presque. Mon petit spectre roux !

Tête baissée, elle fait mine de m'ignorer alors que je lui emboîte le pas. Elle est rapide, mais je suis plus grand. J'avance donc à sa cadence sans effort. Parfois, sous ses boucles de feu, elle me lance un regard en biais et fronce les sourcils. Elle accélère pour me dépasser.

C'est une course ? Ok, je suis joueur. Je la rejoins. Je me retiens de rire, quand elle pince ses lèvres sans un mot. De toute évidence, elle retourne au lycée. Bien que le chemin ne soit pas très long, il est ponctué d'accélération de sa part pour me maintenir à distance, ce qui ne marche pas trop car je tiens son rythme.

J'aperçois l'entrée du lycée, elle se met alors à foncer, grimpe les marches de béton quatre à quatre pour me distancer. Soudain, juste avant de pénétrer dans le bâtiment, elle se retourne vers moi. J'ai un mouvement de recul. L'espace d'un instant, ses yeux gris me dévisagent entre la colère et l'incompréhension.

Le silence me prend à la gorge, rien ne bouge si ce n'est mes émotions chaotiques.

Le vent décoiffe ses boucles, je mets les mains dans les poches de mon jean à la recherche de son carnet. Ses lèvres s'ouvrent pour la première fois et je retiens mon souffle.

« Stalker ! » lance-t-elle avant de s'enfoncer dans le bâtiment.

Comme un crétin, je cligne des yeux : quoi ?

Mais...

Mais non, enfin !!!

D'autres lycéens la suivent pour aller en cours, ils me regardent avec étonnement ou aversion et, soudain, j'ai honte de mon attitude. Je viens de poursuivre une fille sur près de cinq-cents mètres, sans m'en rendre compte et sans lui avoir parlé. Est-ce que je l'ai terrorisée ? Je veux dire, de mon point de vue c'était marrant, mais peut-être pas pour elle. Est-ce que c'est du harcèlement de rue ?

« Jay, que fais-tu encore ici, ça va sonner, s'étonne le délégué de ma classe en venant vers moi. Qu'est-ce que tu lui voulais à cette fille ?

— Rien du tout, je me défends.

— Ah ouais ? il croise les bras d'un air soupçonneux. Je ne veux pas te faire de reproches, mais vu la réputation que tu te traînes, tu n'es pas en odeur de sainteté chez tout le monde. Tu l'as peut-être effrayée.

— Quoi, quelle réputation ? je rétorque agressivement.

— Certains disent que tu dealais dans ton ancien bahut, d'autres que tu as tué quelqu'un.

— Si c'était vrai, je serai en prison, pas en Terminale !

Ce mec me file des boutons. Avec son air de premier de la classe et sa manière de tout savoir sur tout le monde, je ne serais pas étonné qu'il soit à l'origine de certaines de ces rumeurs, juste pour se rendre intéressant.

Sans lui répondre, je fais demi-tour pour aller me poser au parc un peu plus loin. J'ai besoin de m'éloigner d'ici au plus vite. Je traverse la zone de jeux et pénètre dans les fourrés, près d'une marre, sous un saule pleureur, je m'allonge en grognant. Je sors le carnet que j'avais gardé dans le creux de ma main et l'ouvre au hasard. Parfait, gamine ! Si tu ne veux pas récupérer ton bien, je m'en décrète l'heureux propriétaire. Après tout, je suis un pirate, ceci est mon butin.

Dans les pages griffonnées, je lis quelques réflexions, des citations d'auteurs célèbres et mon regard s'attarde sur une citation de Baudelaire. J'avais parlé de l'Albatros avec ma sirène et voilà que les vers de cet auteur se retrouvent sous mon nez, écrit à la va-vite au stylo noir.

« Homme libre, toujours tu chériras la mer !

La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme

Dans le déroulement infini de sa lame,

Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer. »

Ce qui est étonnant est que l'écriture n'est pas la même que d'habitude. Cette citation a été écrite sur un papier blanc un peu chiffonné puis collé dans le carnet. Qu'est-ce que cela veut dire ?

Je me redresse pour mieux analyser le reste du carnet. Parfois, on retrouve d'autres morceaux de papier chiffonné et collé. L'écriture est différente de celle de mon petit spectre, du moins c'est ce que j'en déduis car en dehors de ce poème, il n'y a que des notes de musique à l'encre noire.

Stella, est-ce que ces notes ont une signification spéciale pour toi ?

Je ne comprends pas. Tout ce que je sais est que je dois absolument trouver un moyen de lui rendre ce carnet. J'ai bien des défauts et des sautes d'humeurs, mais je ne suis pas un voleur.

Il ne me reste qu'une seule question : comment vais-je m'y prendre si elle me fuit tout le temps ?

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La suite est postée 😉
Pauvre Jay, il ne sait vraiment pas s'y prendre 🤣😅

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