35. Mauvais rêve (Stella)

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Dans ma chambre sous les toits, je joue de la guitare avec concentration, l'air inventé par Cam est plus complexe qu'il n'y parait et je suis meilleure chanteuse que musicienne. Au fond, cela lui ressemble bien : de prime abord on y voit quelque chose de lisse et simple mais rien n'est plus ambiguë ni compliqué que ses compositions.

« Tu n'y arrives pas, n'est-ce pas ? C'est parce-que tu n'as rien compris.

Je lève les yeux de mon instrument et mon souffle se coupe.

— Cam ? Mais... comment...

Je tourne la tête et constate que je ne suis plus chez Matthias. Ici, c'est la chambre de mon frère et je suis assise sur son tapis, au pied de son bureau. De là je me trouve, je ne vois pas son visage, penché sur son bureau à finir je ne sais quel devoir. Comment est-ce possible ? Un bruit étrange au-dessus de ma tête, et soudain ça pleut sur moi. De toutes petites perles blanches s'étalent à mes pieds et se perdent dans mes cheveux, j'en attrape une.

C'est une pilule ?

— Es-tu malade, Cam ?

Soudain, il fait volte-face, mais son visage est toujours dans la pénombre et je ne distingue pas ses traits.

— Rends-moi ça !

— Qu'est-ce que c'est, les parents sont-ils au courant ? je demande en serrant dans le creux de ma paume le médicament.

— N'en parle à personne, il attrape mon poignet. Personne, tu entends. Ce ne sont pas tes affaires !

— Cam... lâche-moi, je me débats. Lâche-moi, lâche-moi ! je ferme les yeux et je le repousse aussi fort que je peux mais je me sens molle et prise de vertige.

Il y a trop de lumière ici.

— Stella ! crie-t-il.

Et brusquement, j'ouvre les yeux. Un rayon de soleil me tape dans le coin de l'œil. Je suis dans ma chambre sous les toits, chez Matthias. Je me redresse, en nage, mon pyjama colle à ma peau moite.

C'était un rêve ?

Non... c'était un souvenir. Peut-être parce que hier, en passant chez moi, j'ai fait une incursion dans la chambre de Cam.

Je me lève pour aller à la salle de bains, je me sens vaseuse. Dans le miroir, mon reflet pâlot fait peur. J'ai mal au ventre et envie de vomir.

Pourquoi ce souvenir en particulier ?

Je me passe de l'eau sur le visage. Il y avait tant de cachets, ce n'est pas normal. Je n'y ai pas prêté attention à l'époque, mais maintenant, je me demande si j'ai bien fait de ne pas en parler aux parents. Est-ce que Cam était malade, ou bien... Était-ce vraiment des médicaments ?

Après une douche rapide, j'enfile un pantalon fluide gris clair, un T-shirt tout simple, je suis sûre qu'il fera très beau aujourd'hui.

Je croise Blanche en sortant de la maison, elle accompagne Théo à la maternelle ce matin. Depuis qu'elle est là, Théo est plus calme, j'imagine qu'il avait besoin qu'on lui accorde plus d'attention.

— M. Duval ne revient pas à la maison avant midi, elle m'explique. Il propose qu'on déjeune ensemble, ça te dit ?

— Oui, génial ! C'est toujours mieux que de manger seule à la cantine.

— Tu pars déjà ? J'avais acheté des croissants, ils sont dans la cuisine. Prends-en un, au moins.

Je décline poliment. J'ai trop mal au ventre et je vais être en retard. Blanche ferme la maison à clé derrière moi et je file en faisant un geste de la main à Théo, sans même prendre mes propres clés, de toute façon, on sera tous là à midi.

En courant, jusqu'au lycée, je ne peux m'empêcher de penser à mon rêve étrange. Alors que je ne suis qu'à quelques mètres du lycée, j'ai soudain une crampe au niveau du bas-ventre et je grimace. La main posée sur son mon ventre, je deviens livide. Non ! tout mais pas ça ! La sensation de brûlure est reconnaissable et la douleur aussi. J'ai mes règles.

Et là, je n'ai rien pour me protéger. Mon pantalon avec son tissu fin et clair ne me donne aucune marge, j'en ai des sueurs froides. Cela va se voir, c'est une question de secondes.

D'ici, j'aperçois les lycéens s'engouffrer par le portail d'entrée. La sonnerie résonne et je panique. Je ne peux pas y aller comme ça.

Je recule et décide de rentrer pour me changer.

Mes clés ! Je ne les ai pas prises... Et il n'y a personne chez M. Duval à cette heure.

Sur les marches, devant les portes du lycée, tout le monde est rentré. Une seule silhouette n'a pas bougé d'un pouce. Elle se tient, droite et patiente, tournée vers moi, les mains dans les poches.

Je reconnais son blouson en cuir noir et son sourire en coin d'ici. Pourquoi Jay ne va-t-il pas en cours ? J'hallucine ou il vient dans ma direction ?

Je fais demi-tour, ne sachant pas exactement où aller car je ne peux pas rentrer chez moi. Et puis, dans mon état, j'ai honte. C'est horrible.

J'avance d'un pas rapide, ignorant la douleur et la panique. Mais Jay est rapide et il est à mes côtés en quelques secondes.

« Salut, lance-t-il. Tu sèches finalement ?

— Ce ne sont pas tes affaires.

— Je n'avais pas non plus envie d'aller en cours, répond-il d'un ton enjoué. Ça te dirait, si...

— Laisse-moi tranquille.

— Stella...

— Quoi ! je réponds agressivement.

— Mais... tu saignes ?

Je rougis jusqu'aux oreilles, tirant fort mon t-shirt. Je suis au bord des larmes à cause de la honte et de la douleur.

— Laisse-moi tranqui...

Un parfum mentholé m'entoure brusquement et quelque chose tombe sur mes épaules. C'est le cuir de Jay.

— J'ai compris, dit-il tout bas. On va trouver une solution, je te raccompagne chez toi.

— J'ai oublié mes clés, j'expire en m'agrippant à sa veste.

Il passe son bras autour de mes épaules et me pousse en direction de la maison.

— Je vis avec une Roxanne, je te signale. Elle aura bien des vêtements de rechange et s'il te manque des protections intimes, j'irai acheter ce qu'il faut.

— Toi ? je grimace en essayant de marcher à son rythme. Tu vas aller m'acheter des tampons ou des serviettes hygiéniques ?

— Je ne vois pas où est le problème, il me sourit et ses prunelles vertes me fascinent. Je n'ai honte de rien, surtout pas de venir en aide à quelqu'un. Tu es très pâle, ça va ?

Je hoche la tête, un peu gênée. Mais je ne sais pas si c'est dû à la douleur, la situation ou au fait que le parfum de Jay tout autour de moi, me donne l'impression d'être dans ses bras.

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