41. Dispute (Jay)

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Je tourne en rond comme un lion en cage depuis ce midi. J'ai la rage.

Qu'est-ce qui se passe dans la tête de Matthias pour enseigner cette mélodie à Stella ? Tout ceci est de très mauvais goût, je n'arrive pas à comprendre ce qu'il trame. Peut-être que Rob a raison, Matthias est là pour se venger de ce qui s'est passé.

Je pensais vraiment pouvoir laisser Stella en dehors de cette histoire et être son ami, mais au vu des conditions, cela n'est plus possible. Soit je romps tout lien avec elle, soit je risque de détruire sa relation avec Matthias. Dans les deux cas, je me sentirai mal.

On sonne à la porte et je vais ouvrir dans un état second. Je vais tout casser si on me prend la tête.

« Salut ! lance une petite voix.

Je ne distingue au début que mon blouson qui atterrit sur mon visage. Je m'en dépêtre et tombe sur les yeux gris d'orage de ma petite rouquine préférée.

— C'était drôle de me faire croire qu'on pourrait être amis ? persiffle-t-elle. J'ai pensé à découper ta veste de malheur et à te la rendre en pièce, mais je suis trop sympa !

— Pourquoi t'es énervée, c'est l'hôpital qui se fiche de la charité, je m'emporte. C'est toi qui...

— Moi ? réplique-t-elle, les larmes aux yeux. Moi, qui n'aurais pas dû faire confiance au premier venu, tu veux dire.

— Mais de quoi parles-tu...

— Tu te moques de moi, là ! Ne joue pas les innocents, sale voleur !

Elle brandit son carnet et je me décompose.

— Tu comptais me le rendre quand, Jay ? C'était drôle pour toi de lire mes pensées intimes, mes espoirs, mes questionnements et ma peine.

— Ce n'est ce que tu crois...

— Ne vas pas dire que tu ne l'as pas lu.

— Ok, j'avoue que j'ai jeté un œil, mais...

— Mais rien du tout ! elle fait demi-tour en dévalant l'allée. Ne me parle plus jamais.

Je cours à sa poursuite et attrape son bras pour ralentir sa fuite. Ses talons vrillent dans un crissement sur les graviers blancs, nous sommes face à face, son regard furieux me cloue sur place. Elle se dégage d'un coup sec et l'espace d'un instant, aucun de nous ne bouge.

— Je voulais te le rendre, j'explique.

— Menteur... Je ne te crois plus. Garde tes belles paroles pour une autre. A partir de maintenant, je ne veux plus de toi dans ma vie.

— J'habite ici et toi chez mon voisin, tu comptes m'éviter dans la rue et aussi au lycée, je ricane.

— A partir de maintenant, tu n'existes plus. Adieu !

Bon sang, c'est moi qui suis furax, comment peut-elle inverser les rôles si vite ?

— C'est moi qui ne veux plus te voir si tu continues à jouer la mélodie de ce midi, je tente.

— C'est ma chanson, désolée de te casser les oreilles avec mes sentiments. Pas d'inquiétude : c'est la dernière fois que tu entends le son de ma voix !

— Stella, ce n'est pas...

Je n'ai pas le temps de me justifier qu'elle part en courant dans la rue et je n'entends que le son de la porte de chez Matthias claquer pour clore sa fuite.

Comment en suis-je arrivé là ?
Pas question de laisser cette histoire se finir ainsi.

Je rentre chez le voisin bien décidé à m'imposer. Moi aussi, j'ai droit à des explications.

Stella n'est visible nulle part, par contre Matthias passe devant moi avec son oreillette, le visage collé sur sa tablette.
Mauvais timing, mon gars.

Je fonce sur lui et lui arrache sa tablette dès mains pour la lancer sur le canapé.

— Jay, s'étonne-t-il en ôtant son oreillette. Je suis en pleine téléconférence, qu'est-ce que tu veux ?

— Jusqu'ici, je n'ai rien dit à Stella, mais si tu continues à jouer avec mes nerfs, je ne garderai aucune distance.

Matthias fronce les sourcils et semble regarder loin derrière moi.

— Je ne comprends rien, Jay.

Je l'empoigne par le col de sa chemise et le plaque contre le mur du couloir. Il a beau être plus grand que moi, je ne lui cède rien en force à ce geek de mes deux.

— Comment as-tu pu... je souffle. N'y avait-il aucune once d'honneur en toi pour oser enseigner à une inconnue les mélodies de mon meilleur ami. C'est amusant pour toi de voler ce qui ne t'appartient pas ? J'ai entendu Stella le jouer à la pause déjeuner. Tu crois que c'est sain de ta part ?

Je vais effacer son air bien-pensant à coups de poing s'il le faut.

Une main s'agrippe à mon bras et tire de toutes ses forces.

— Lâche, M. Duval. Lâche-le, Jay.

Stella se pend à mon biceps, elle me regarde comme si j'étais un fou.

— Ne prends la défense de ce c...

— Lâche-le, hurle-t-elle. Je jure de ne plus chanter alors lâche-le. Je ne parlerai plus, je le jure.

Elle pleure, sous le choc et la panique. Je relâche le col de chemise de Matthias.

Livide, je recule.

Ce n'est pas comme ça que les choses devaient se passer.

— Stella...

Je tends une main vers elle et aussitôt elle recule dans un silence glacial. Ses petites lèvres roses se pincent à en devenir blanches.
Elle ne me parlera pas.

J'ai perdu.

Encore une fois, je ne m'en sors pas.
Encore une fois, Matthias garde son honneur et moi je perds une amitié. J'en ai marre.
Je suis le roi des cons.

— Tu devrais partir, Jay.

Je dévisage Matthias d'un air mauvais et quitte les lieux. De toutes façons, personne ne veut m'écouter.

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