18. Rencontre avec le prince (Stella)

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Depuis que je vis chez M. Duval, je me comporte comme une enfant de cinq ans. La preuve est que mange mes tartines en pyjama devant un dessin animé. Je n'ai pas cours ce matin, mais est-ce une raison ?

« Stella, j'ai peur ! »

Théo se blottit contre son oreiller, je le rassure : dans les films pour enfants, les gentils s'en sortent toujours, les méchants sont punis et tout se finit toujours bien.

Si seulement la vie était aussi facile et prévisible. Si seulement la différence entre une bonne et une mauvaise personne pouvait être aussi claire, je ne me poserais pas autant de questions... Pourtant, si je sais de source sûre que la vie est pleine de couleurs, je suis aussi certaine qu'elle n'est pas seulement blanche ou noire. Les nuances, c'est ce qu'on apprend en grandissant. J'ai néanmoins encore du mal à les distinguer clairement.

Par exemple, suis-je une bonne personne alors que je déçois mes parents tous les jours ? Suis-je une mauvaise personne parce que je veux prendre mes propres décisions ? Suis-je lâche ou courageuse d'avoir quitté mon foyer pour trouver ma place et un nouvel équilibre ?

Je ne sais pas. Je me contente de soupirer en observant une équipe de petits chiots sauver le monde et je finis d'avaler mon petit-déjeuner...

M. Duval apparaît soudain dans mon champ de vision, la tête plongée dans son smartphone :

« Comment ça ? s'écrit-il. Mais il nous faut ce mannequin pour le shooting dans une heure, je fais comment pour en trouver un autre, un dimanche ? Non, c'est votre problème, c'est vous le responsable des ressources humaines de la GoldMine ! Ah, laissez tomber ! Je vais me débrouiller, vous ne méritez pas votre titre ! »

Je me retourne, un bras posé sur le dossier du canapé. Matthias ne s'énerve jamais, il doit être super stressé.

« M. Duval, vous avez un souci ? je demande, en le voyant terminer son appel.

Il remonte ses lunettes sur l'arrête de son nez et hausse les épaules – une manière de me faire comprendre que je ne dois pas m'inquiéter.

« Pourrais-tu m'aider à faire les sandwichs pour l'équipe, s'il te plaît ? Tout le monde va arriver d'une minute à l'autre, nous avons un shooting de dernière minute et j'attends des mannequins en plus des informaticiens. Je te payerai si...

— Pas question, je lève une paume vers lui pour lui dire de ne pas insister, je ne vais pas vous demander d'argent alors que vous m'héberger chez vous. Je le ferai avec plaisir !

— Tu es une perle !

— Vous me direz ça une fois que j'aurai emmené Théo au parc, il fait super beau aujourd'hui.

— Ce serait parfait, merci ! Je vais activer mes contacts pour trouver de l'aide, j'ai besoin d'un mannequin pour la séance avec le photographe.

— Ah ouais, alors poser, ce sera sans moi, je ris.

— Si c'est facile, intervient Théo en sautant sur le canapé. Faut dire ouistiti et c'est fini !

— Bonne remarque, sourit Matthias, je ne crois pas que le photographe soit au courant malgré ses années d'expériences. Je vais le prévenir de ce pas. »

Son téléphone sonne soudain et il repart aussi vite vers son bureau. D'après les bribes que j'entends, c'est la sorcière. Il semble qu'elle ait trouvé quelqu'un pour jouer les mannequins au débotté, l'entretien sera dans quelques instants.

Il va être temps de se bouger. Je m'étire comme un chat et Théo m'imite.

« Aujourd'hui, on reste en pyjama ? demande le petit garçon.

— Pas question, je fais la moue. Ton père a invité plein de monde pour travailler, je ne tiens pas à ce qu'on nous voie dans cette tenue, je bats des pieds dans mes pantoufles énormes à tête d'ours.

— L'apparence ne compte pas », rétorque-t-il comme un adulte.

Je ris car c'est la phrase de conclusion de son dessin-animé. Il a raison, mais je n'ai pas envie de me taper la honte devant des inconnus. J'ai mes limites.

« Tu montes t'habiller dans ta chambre et on se retrouve ici dans cinq minutes. Le dernier à être habillé aura un gage ! » je propose.

Théo part comme une flèche avant même que j'aie eu le temps de réagir. Je le suis dans les escaliers, quand soudain un courant d'air s'engouffre dans la maison. La porte d'entrée s'est ouverte et j'ai juste le temps de me retourner pour voir arriver vers moi le plus beau garçon que je n'aie jamais vu de ma vie.

Ses yeux rencontrent les miens.

Sur le coup, j'ai presque un bug et je ne me rends pas compte que ma main est agrippée à la rambarde, alors qu'il se tient devant moi, au pied de l'escalier.

« Bonjour, sourit-il en penchant son visage.

Une fossette apparait au coin de ses lèvres et je cligne des yeux à répétition pour être sûre que je ne rêve pas.

— Je viens pour le shooting.

Il me semble que j'essaie d'articuler un truc, mais rien ne sort de ma bouche. Il me tend la main que je serre sans comprendre ce qu'il m'arrive :

— Je suis le frère de Matthias. Est-il déjà là ?

— Dans son bureau, m'entends-je dire froidement.

— Tant mieux, moins je le vois... soupire-t-il. Merci, euh...

— Stella, je parviens enfin à articuler.

— Pardon ?

Je tends un index sur mon visage.

— Stella.

— Oh, enchanté, Stella ! Je m'appelle Rob, il sourit à nouveau et je le regarde comme on regarde un arc-en-ciel.

Pas étonnant qu'il soit mannequin. Cela ressemble donc à ça, un visage photogénique : des cheveux chocolat, des yeux bleus presque noirs et l'air d'un ange. Il a quel âge ? Dix-huit, dix-neuf ans ?

« Tu fais aussi partie de l'équipe ? Il y a un tableau en pyjama de prévu ? s'étonne-t-il. J'avais entendu dire qu'on travaillait sur une scène de conte de fées aujourd'hui, j'étais censé faire le prince mais je peux repasser.

— Quoi ? »

Soudain, la réalité de la situation me revient façon boomerang dans les dents. Je suis en mini-short, maxi t-shirt rose flashy et chaussée de têtes d'ours.

— Non ! je m'écrie. J'habite ici, je... je vais me changer ! »

Sans lui laisser le temps de réagir, je me précipite au second étage, les joues en feu.

M. Duval a donc un frère qui s'appelle Rob ? Franchement, en dehors de la couleur des yeux, ils n'ont rien à voir. Mon cœur bat très vite. Sûrement à cause de toutes ces marches que je viens de monter à la vitesse de l'éclair.

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