Relation Interdite

By Ame_futuriste

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Lors de l'ère Gojoseon, la guerre entre les loups-garous, les vampires et les humains faisait rage. Après mai... More

Avant-propos 👺 (lire tout)
Prologue 👺
Partie 1
1| Min Yoongi 👺
2| Regards 👺
3| Festival 👺
4| Dossier 👺
5| Touché 👺
6| Aide 👺
7| Tâches 👺
8| Vérité 👺
9| Trajet 👺
10| Séminaire (1/3) 👺
11| Séminaire (2/3) 👺
12| Séminaire (3/3) 👺
13| Dérapage 👺
14| Acceptation 👺
15| Lettres 👺
16| Réponses 👺
17| Démon 👺
18| Chant 👺
19| Coup au cœur 👺
20| Prise de conscience 👺
21| Manque 👺
22| Protection 👺
23| Histoire 👺
24| Âme-sœurs 👺
25| Amis
Partie 2
26| Enquête
27| Folie
28| Présent
29| Doutes
30| Pas comme les autres
31| Bizarrerie
32| Secrets
33| Amour
34| Monde
35| Sale gosse
36| Aléas
38| Retrouvailles tumultueuses (1/2)
39| Retrouvailles tumultueuses (2/2)
40| Partir
41| Confusions
42| Couple
Partie 3
43| Piste
44| Confessions
45| Assommés
46| Indices confus et.. (1/2)
47| Feux d'artifice
48| Déclic
49| Armée
50| Contrôle
...Une partie manquante. (2/2)
51| Six identités
52| Démasqués
53| Secourir
54| Temps
55| Exécution
56| Attente
57| Nouveau départ (1/3)
Extra 1
Besoin d'un résumé ?

37| Meurtre

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By Ame_futuriste

Pour tous les lecteurs qui ont vu l'avalanche de notifications mais qui n'ont pas lu le chapitre 36 et bien ... Faites-le :')
Pour les autres, bonne lecture !

Min Yoongi

« Qu'est-ce que ... »

Une nausée me fait tourner la tête, le sol tangue. Les silhouettes des policiers, aux contours flous comme des négatifs photographiques, défilent autour de moi. Mon corps bascule soudain en arrière, mes fesses prennent le choc. L'odeur métallique du sang me retourne les tripes, la passivité de mon cousin me terrifie. Ce comportement m'éclaire sur la cruauté de ce monde, ce cadavre n'est pas son premier. Il en a vu bien d'autres.

Jimin se poste à mes côtés et me maintient par les épaules.

« Hé, ça va aller ? Je te comprends, ça fait toujours ça la première fois. »

Mon regard se pose sur sa mine inquiète. L'espace d'un instant, tout me revient en pleine figure. Ma première rencontre avec ce professeur charismatique, notre échange verbal puis cet interrogatoire dans la salle de classe. Mon cœur tambourine fort à ces souvenirs. Retrouver cet homme sans vie, sa beauté s'éteignant à petit feu dans cette couverture aussi blanche que la neige, m'assomme. Un coup de massue assourdissant, ma tête bourdonne.

« Tu penses pouvoir te relever ? » Me demande mon cousin, les mains de part et d'autre de mes aisselles.

« Oui, oui vas-y. » Ma voix est faiblarde, le choc est puissant.

Il m'aide à me soulever et me soutient. Nous nous éloignons ainsi du corps qui se fait embarquer par les automates de la mort. Ma salive est ravalée avec peine, ma vue s'accommode de nouveau aux contours des arbres, à la couleur des murs. Mes pas se font hésitants, les forces quittent mon corps. Jimin suit ma marche chancelante et me fait finalement m'asseoir par terre contre le mur.

Mon corps se laisse glisser le long de la surface. Mon cousin fait de même et dépose sa main sur mon genou. Je frotte mes yeux, essaie de laver ma mémoire de ces images d'horreur. Jimin exerce quelques pressions sur ma cuisse avec son pouce, console le peu d'esprit qu'il me reste. Je prends de grandes bouffées d'air, néanmoins, le calme ne s'instaure pas en moi. La parole m'est inaccessible, Jimin m'aide à la retrouver.

« C'était ton fameux professeur Kim Seokjin ? Hoche simplement la tête. » Me dit-il doucement.

Ma tête esquisse un pauvre mouvement affirmatif, mon regard se perd sur les dalles de la cour. Chaque pierre me paraît si lointaine des unes des autres, mon esprit s'évade. Il s'égare sur la scène de crime. Les souvenirs noirs de ce corps me hantent, s'imprègnent sur la toile blanche de ma conscience. Mon cœur s'emballe.

« Calme-toi Yoongi. » Jimin déplace sa main de mon genou à mon bras.

Ses petites caresses me ramènent un peu à moi. Pourtant, mes prunelles n'arrivent pas à croiser les siennes. Le reflet de la vérité en serait bien trop insupportable.

« Je voulais en discuter mais je comprends que tu sois sous le choc. Repose-toi. » M'annonce-t-il, sa voix me paraît lointaine.

Il s'apprête à se lever lorsque ma main s'abat sur son bras, un appel au secours. Des réponses à mes questions, il m'en faut. Mon sang froid circule à nouveau dans mes veines, mes iris percutent ceux de Jimin qui est pris de court par mon soudain changement de comportement. Ses sourcils s'arquent, étonné puis un sourire en coin apparaît sur ses lèvres. Mon caractère fier avait quitté ses pensées et revient se loger dans mon esprit.

« Non, vas-y. Je ne suis pas en sucre. » Lui répliqué-je, accompagné d'un mouvement bref de la tête.

Il se rassoit ainsi à mes côtés, ses yeux parcourent l'ensemble de la cour. Ils s'attardent sur quelques gaillards, tout droit sortis d'un western spaghetti, qui nous observent au loin d'un œil malhonnête puis les experts qui sont montés dans la camionnette avec le corps et enfin, les policiers valeureux qui s'affairent sur le terrain à la recherche de derniers indices. Son attention se redirige sur moi, aucune oreille curieuse ne nous écoute.

« D'abord, je veux savoir pourquoi tu avais fait des recherches sur ce prof. » Chuchote-t-il.

Ses prunelles sont impénétrables, son assurance me fait esquisser l'ombre d'un sourire. Ma tête se repose sur le mur de brique, mon regard rivé sur le ciel taciturne. Mes paupières se closent, je me retrouve dans l'amphithéâtre. Ces yeux acérés me scrutent, inspectent la moindre de mes barrières. Ces questions m'oppressent, ces informations divulguées habitent chaque élève. Le regard terrifié de Taehyung m'est renvoyé comme une tornade. Je rouvre les yeux, le souffle court. Mes pupilles parcourent la terre à toute allure, affolé.

« Dis-moi. » S'enquit Jimin, en percevant mon mal-être.

« Ce prof a parlé de l'existence des démons à tout l'amphithéâtre pendant le cours d'histoire. » Lui répondis-je, ma parole est débitée à toute vitesse.

Mon cousin écarquille les yeux, sa main vient se positionner sous son menton. Son esprit est parcouru de dizaines d'hypothèses, tisse des liens entre chaque élément.

« C'était ton professeur régulier ? » Me demande-t-il.

« Non, un remplaçant. »

Il se pose un instant, réfléchit aux différentes possibilités qui s'offrent à lui. Ses lèvres s'entrouvrent, une lui convient.

« Il avait donc tout préparé. Peut être même qu'il faisait ça depuis longtemps. Il allait d'université en université pour répandre la vérité. »

Cette hypothèse me paraît plausible.

« Mais dans quel but ? »

« Je n'en sais rien. Je ne suis pas jésus. » Me dit-il avec un mauvais accent espagnol.

Sa remarque me fait sourire, un petit rire franchit mes lèvres. Une pensée pour mon vampire me détourne de la discussion, les images du corps sont repoussées au fond de mon esprit.

« C'est marrant que tu me dises ça. Un jour, Taehyung m'a raconté que son petit frère, lors d'une conversation, lui avait sorti qu'il n'était pas "encore" dieu. »

Mon anecdote décoche un sourire à mon cousin.

« Un qui manque pas de culot. Il doit être marrant ou carrément exaspérant. »

Mon impression de Jungkook me revient en mémoire, cet adolescent intrépide qui essayait de me mettre à bout lors de notre première rencontre.

« Non, il est sympa et insolent. » Déclaré-je.

Jimin rigole en entendant ma réflexion. Il m'arrive peu de donner un avis aussi tranché sur quelqu'un. Ce moment nous éloigne de nos tracas un court instant. Mon âme s'allège un peu malgré les images qui la soupèsent. Nous nous laissons aller à la fragrance du vent, l'odeur de l'herbe coupée me chatouille les narines. La conversation est arrêtée, nos mots sont suspendus.

Cependant, les questions assaillent vite mon cousin. Son esprit ne peut s'apaiser trop longtemps. Pour lui, il est difficile de se laisser aller. Contrôler lui permet de garder la tête froide, de ne pas se détourner de ses objectifs. Le passé n'a ainsi pas le temps de le submerger, le présent est son échappatoire. Il se tourne soudain vers moi, mes pupilles s'aimantent aux siennes.

Un déclic s'est fait dans son esprit. Son visage reste neutre pourtant l'excitation embrase son être.

« Il cherchait quelque chose dans cette école. »

Mes sourcils se froncent, sa pensée m'échappe.

« Hein ? Comment ça ? »

Son regard se détache du mien. Il frotte ses mains ensemble, cela lui permet de mieux se concentrer.

« Il était juste remplaçant. Pourquoi serait-il encore là, à traîner dans l'école ? Quelque chose devait forcément l'intéresser ici. »

Son raisonnement déclenche de nouveaux souvenirs en moi. Les yeux rivés dans le vide, mon corps est expédié dans la salle de classe. L'odeur du thé annihile mes sens, ses prunelles percent tout. Elles me mettent à nu, me soumettent au moindre de ses dessins. Ses questions résonnent dans ma tête, la méfiance laisse place à la crainte. Sa bienveillance était bien trop envahissante.

« Il s'intéressait trop à notre famille pour que ce soit anodin ... » Chuchoté-je finalement, perdu dans le cours de mes pensées.

Une de ses mains chope abruptement ma mâchoire et retourne mon visage face au sien. De l'autre, Jimin m'assène des petites baffes sur mes joues rebondies et me fait revenir à moi.

« Allo la terre, on développe ce que l'on sait. » Ses yeux passent sur chacune de mes joues certainement rougies.

Sa tête exécute un bref mouvement en avant, signal de son impatience. Ma parole est alors guidée par les bribes de conversation me revenant en tête.

« J'ai essayé de lui soutirer des informations sur qui il était car il commençait à poser trop de questions sur notre clan. » Bafouillé-je avant de reprendre un peu d'assurance. « Il m'a parlé des anciens clans : le clan Anje et Kijamte. Il m'a clairement fait sous-entendre que notre règne allait bientôt s'éteindre comme celui des deux autres ... Puis ... » Ma gorge se noue, la dernière partie me terrifie.

La révéler m'est insoutenable. Mon cousin approche son visage, ses iris captent les miens.

« Puis ? » Sa voix est moins agressive, il sent que cette révélation est cruciale.

Mes paupières se ferment. J'inspire un bon coup et déballe mon sac.

« Il m'a dit de garder mon père à l'œil, qu'il fallait se méfier des personnes de ma famille. »

Mes pupilles se perdent dans celles de Jimin. L'information se répercute dans son esprit, tant d'émotions le traversent en ce moment. Il m'est impossible pour moi de percer à jour ce qu'il en pense vraiment. Les oiseaux assis sur la branche du chêne de l'école élèvent leur chant, comblent le silence régnant entre nous. Mon cousin se tourne vers eux, le regard perdu dans le vague. Son agitation m'atteint, elle balaie tout tel un ouragan.

Nous restons un moment sans parler, Jimin est perdu dans ses pensées, moi, j'attends qu'il les ordonne. Puis, il relève la tête d'un coup. Un soudain élan d'euphorie s'empare de lui : il se met debout, fait un moon walk et se rassoit directement à mes côtés. Un immense sourire orne son visage. L'incompréhension me gagne.

« L'enquête. »

Tout ça pour un mot. Non, deux mots. Au temps pour moi.

« De quoi ? » Mes sourcils se froncent.

« Ce mec savait. Il savait tellement de choses ... » Susurre-t-il pour lui-même.

Ma main passe devant ses yeux. Son attention m'est de nouveau dédiée. Je le regarde éberlué, haussant des épaules.

« Je ne comprends pas Jimin, explique-moi. »

Il lève les yeux, ce qui a le don de m'irriter.

« Ce Seokjin, il était au courant de tout. »

« Mais de quoi à la fin !? » Haussé-je le ton.

Jimin écarquille les yeux, ses mains se brandissent en avant pour me montrer quelque chose d'invisible, qui a l'air pourtant si évident pour lui.

« Mais l'enquête de ton père Yoongi ! » S'exclame-t-il.

Mon regard se perd dans le sien. Je pince l'arrête de mon nez et reprend mes esprits. Nous sommes tous les deux à cran, il vaut mieux que l'on se ménage un peu.

« Rajoute quelques éléments s'il te plait. Je suis perdu. »

Le volume sonore redescend. Le calme revient et mon cousin prend conscience de ses erreurs.

« Oh oui, pardon. C'est vrai que tu ne le sais pas ... »

Une moue coupable apparaît sur son visage. Ma main se dépose alors sur son genou et le frotte délicatement. Il nous arrive souvent d'être trop impulsif, lui comme moi ne le savons que trop bien. C'est pourquoi des broutilles dans ce genre ne durent jamais bien longtemps.

« Bon, je risque gros en te révélant ces informations alors ne les divulgue jamais à quiconque, pas même à Taehyung ... Compris ? » Ses iris implosent dans les miens, je hoche la tête avec frénésie. Ses yeux parcourent une dernière fois la cour, méfiant. « J'ai retrouvé dans le bureau de Chonay une ancienne loi, datant d'il y a 10 ans. Elle devait permettre aux vampires de révéler leur démon, les laisser se délivrer de leurs pendentifs qui restreignent leur pouvoir. Cependant, la loi n'est jamais passée. De plus, ce genre de papiers officiels d'époque est normalement rangé, de côté, et personne n'y a accès sauf les plus hauts responsables du GM. Avec tout le respect que je porte à Chonay, il n'en fait pas parti. La seule manière pour lui d'avoir pu se procurer ce document est de manière illégale. »

Sa révélation me laisse bouche bée. Jamais, je n'aurais pensé mon père capable d'une telle chose. Soudain, le souvenir de son enquête, son état de santé misérable, notre discussion, tout me revient en tête.

« En parallèle, il enquête sur un mec ... »

« Un homme qui a volé des dossiers dans la base du GM, c'est ça ? » Le coupé-je, l'adrénaline guide mes actions.

Il opine du chef. Savoir comment je sais ce genre d'informations lui passe complètement par-dessus la tête. Jimin ne s'arrête pas sur ces détails, il va à l'essentiel.

« Donc, tu penses qu'il est au courant de tout ça ? »

Ses sourcils s'arquent, ma question l'étonne de par son évidence.

« Je suis même quasiment sûr que c'est lui qui est à l'origine du vol de dossiers. »

Mes sourcils se froncent, ma main se pose sur son avant-bras comme si j'allais réussir à canaliser l'adrénaline qui traverse son corps en cet instant. Ses hypothèses sont intéressantes et remarquables néanmoins, ses conclusions sont précipitées et dangereuses.

« Attends, attends ... Ce n'est pas un peu rapide, tirer des conclusions hâtives ainsi ? Puis tu as dit "quasiment". »

Ma remarque l'agace, ses lèvres se pincent. Ses mots sanglants restent bloqués dans sa gorge et laissent place à d'autres plus mesurés.

« Mais non, c'est l'évidence même ! Je vais me rendre chez lui pour trouver des indices. »

Il s'apprête à se relever mais ma prise sur son bras l'en empêche. Un grognement sort de sa gorge. Je secoue la tête, les doutes immobilisent mes pensées.

« Non Jimin, les gars qui l'ont tué ... C'est sûr, ils ont déjà tout foutu en l'air chez lui. Je ne pense pas que ce soit aussi simple. Si c'était lui, les dossiers auraient été retrouvés par ceux qui l'ont tué et remis à leur place. » Lui déclaré-je.

Mon cousin rebondit sur mes propos et les tournent à son avantage.

« Ou alors, eux aussi les voulait pour X raisons ... » Jimin se perd dans ses pensées avant de reprendre. « Bon écoute, je sais ce que je fais ok ? » Il enlève ma main de son bras et s'arrête de bouger un moment. « De toute manière, il y a peu de chances pour que ton père me permette d'y aller vu l'ampleur de la situation ... » Marmonne-t-il.

Soudain, un appel micro retentit et coupe mon cousin. Nous relevons la tête et écoutons :

« Tous les élèves sont priés de se rendre au gymnase dans les quinze minutes qui suivent, sous ordre du directeur. Rappel : tous les élèves sont priés de se rendre au gymnase dans les quinze minutes, sous ordre du directeur. »

Mon cousin se tourne vers moi et m'inflige une tape sur le bras contrastant avec son air joyeux.

« Va rejoindre ton vampire, vous êtes appelés on dirait. »

Je frotte mon bras endolori et lui frappe aussi le bras, en guise de revanche. Un rire franchit mes lèvres lorsque mon cousin m'offre une de ses plus belles grimaces : un triple menton des plus seyants.

« Ouais, j'y vais idiot. »

Je me relève et lui tend ma main qu'il saisit sans hésiter. Je lui fais un bref mouvement de main et m'éclipse loin de l'horreur du terrain. Tous les policiers ont d'ailleurs quitté la cour, il ne restait plus que nous.

•••

Kim Taehyung

Cette couverture blanche me hante.

Onze ans, c'est mon âge. Je me sens ridicule face à ces grandes silhouettes qui ne peuvent me voir. Tapis dans l'ombre, j'attends une ouverture pour pouvoir m'élancer vers eux, les voir une dernière fois. Ce voile sombre s'abat soudain sur moi, il paralyse mes jambes. La terreur m'envahit, le souvenir de cette nuit-là me submerge. Le sang, les cris, la fuite, cette honte qui m'attrape et me fout à terre car je ne suis pas sous ces couvertures. La peur de mourir grandit.

« Tout va bien jeune homme ? »

Mon regard se pose dans celui de la vieille dame aux cheveux blonds vieillissants. Les buissons ne me cachent plus, la forêt ne m'emprisonne plus. L'odeur du désinfectant et des médicaments enveloppent de nouveau mes sens. La lumière traverse les petits vitraux en haut du mur blanc. Mon corps demeure dans l'infirmerie.

Je hoche simplement la tête en guise de réponse. Ses yeux s'attardent un moment sur mes traits, confus, je lui offre alors un sourire timide. Elle lâche finalement l'affaire et se retourne vers le petit évier au coin de la salle. Mes prunelles détaillent ses actions, sa maigre silhouette transporte une bassine remplie d'eau à bout de bras. Ses mouvements amples la rendent plus belle. Elle plonge une serviette dans la bassine avant de l'essorer et se tourne vers moi. Un sourire bienveillant aux lèvres, elle positionne délicatement la serviette sur mon front. C'est froid, c'est agréable.

Soudain, on toque à la porte. Des hommes entrent dans la pièce, ils n'ont pas attendu la permission. L'infirmière se tourne vers eux et leur sourit poliment.

« Bonjour messieurs, que puis-je pour vous ? »

L'un d'eux plutôt petit, le regard vif, portant le chapeau comme une mauvaise réplique d'Indiana Jones, s'approche de nous. Ses pas résonnent dans la pièce, plus personne ne parle. L'impression que nos respirations se sont coupées.

« Bonjour madame, nous sommes de la police. Je suis l'agent Hyun. Voici l'agent Choe » Dit-il en montrant l'homme baraqué derrière lui. « Et voici l'inspecteur Jung. » L'homme au long manteau à ses côtés fait un bref salut de la tête.

« Nous aurions quelques questions à vous poser, si cela ne vous importune pas. » Lui informe-t-il, en sortant un petit carnet de son veston.

Ce flic sort tout droit des années 80, sa dégaine est aussi jeune que celle de Colombo. La vieille infirmière passe de l'autre côté du lit et tire des chaises pour les agents.

« Je vous en prie, est-ce grave si nous restons ici ? Je dois surveiller l'état de cet étudiant. » Lui répond-elle en me désignant du plat de la main.

Tous les regards se braquent sur moi, le policier replace son col et prend place sur l'une des chaises.

« Non bien sûr, il n'y a aucun problème. » Déclare-t-il en me faisant une œillade.

Son collègue baraqué prend également place sur l'une des chaises à droite de l'infirmière, cependant, le denier aux allures de Dracula, préfère rester dans l'ombre, posé contre le mur.

« Pour commencer madame, que faisiez-vous hier soir et ce matin ? » Demande le policier, fourrant le nez dans son calepin.

« Hier soir, je suis rentrée chez moi et ai passé ma soirée avec mes dix chiens. Puis, j'ai commencé à classer mes médicaments par ordre alphabétique et ensuite les ai regroupés par utilité. J'ai regardé ma liste de médicaments manquants à l'école pour les ramener ce matin à l'infirmerie. »

L'homme baraqué relève les yeux sur la vieille femme, une petite étincelle y réside.

« Pourrions-nous avoir accès à la liste des médicaments manquants et ce que vous avez donné aux élèves aujourd'hui pour vérifier que tout est en ordre ? Le tueur aurait très bien pu utiliser un de vos médicaments sur la victime. »

Elle opine du chef, ses doigts s'entremêlent ensemble. Son sourire est crispé, ses gestes maladroits. Sa nervosité n'atteint la pitié d'aucun des policiers. Les questions continuent.

« Connaissiez-vous la victime : le professeur Kim Seokjin ? »

Mes yeux s'arrondissent, ce prénom me rappelle de lointains souvenirs à chaque fois que je l'entends. Un prénom chaleureux que bon nombre de personne porte.

Je ressens soudain une pression sur moi, mes prunelles se relèvent dans celles de l'inspecteur, adossé au mur. Son regard est aussi froid que le vent d'Antarctique. Ma salive a du mal à descendre. Les voix des autres personnes deviennent imperceptibles, mes sens ne perçoivent plus que cet homme intimidant. Par réflexe, mon esprit se bloque. Une crainte se loge au creux de mon estomac.

L'inspecteur esquisse un mouvement et vient s'asseoir à son tour sur une chaise. Il ne me quitte pas des yeux, cet échange m'est désagréable.

« Vous le connaissiez jeune homme ? » Me demande-t-il, sa voix rauque me fait sursauter.

Le timbre ne m'est pas inconnu, il est sombre et menaçant. Cet homme éveille en moi des souvenirs que je préfèrerais oublier. Mon pouls accélère, mes mains se referment sur le drap. Son regard perce mes barrières, ma réponse presse. Je déglutis faiblement.

« Non, je n'ai jamais eu ce professeur. Il était juste remplaçant d'après mon pet- euh ... Ami. » Répondis-je enfin, le feu me monte aux joues.

L'un des policiers hausse un sourcil, un sourire amusé au bord des lèvres. Ma gourde l'amuse, cependant, il est loin de se douter pourquoi je me suis rattrapé sur l'appellation.

« Quel est votre nom ? » Me demande l'inspecteur Jung d'un ton cynique.

« K-Kim Taehyung. » Ma voix est tremblotante, mon âme vacille à la lueur de ses pupilles malfaisantes.

L'homme hoche simplement la tête avant de prendre sa petite mallette marron et en extirper un ordinateur. Mon sang se glace dans mes veines, mon cœur tambourine fort. L'impression d'être enchaîné à une chaise face à lui, dans une pièce lugubre et sale. Un douloureux interrogatoire m'attend. Le son des touches fait pulser mon cœur à toute vitesse. Ma poitrine est prête à se déchirer.

Soudain, une main se pose sur mon bras. Mes yeux se détournent du policier et se perdent dans ceux de l'infirmière. La vieille femme prend ma fièvre et enlève la serviette. Son action me fait revenir à moi, les murs blancs m'aident à m'orienter. Elle se dirige à nouveau vers la bassine et la trempe dans l'eau glacée. J'entends alors du mouvement, un rire cynique retentit entre les murs de la pièce. Mes yeux se posent de nouveau sur l'inspecteur.

« Tiens, vous avez été deux fois à l'hôpital en très peu de temps ... Pourtant, votre dossier n'apparaît pas dans la base de données ... »

La voix de l'inspecteur est basse, mes prunelles terrifiées rencontrent les siennes. Ces tourbillons noirs aspirent mon âme et l'emprisonnent de ténèbres. Mon cœur s'emballe, une sueur froide passe dans mon dos. Je me sens tourner de l'œil, pourtant, je tiens bon et garde la tête haute. Son regard me transperce de toute part, tous mes mensonges font table rase. Il n'y plus que lui et moi. L'air me manque.

Soudain, quelqu'un toque à la porte.

« Entrez ! » Dit la vieille femme.

La porte s'ouvre. L'apaisement s'immisce en moi lorsque mes prunelles se fondent dans celles de mon loup. Un soupir de soulagement franchit mes lèvres sans que je puisse le retenir. Mes poumons se dilatent, le nœud dans mon estomac se dénoue. Mes paupières se ferment, mon esprit peut enfin se vider. Il entre dans la pièce, je le sens.

« Bonjour messieurs. » Sa voix douce me fait rouvrir les yeux.

Il regarde les policiers puis l'infirmière, lui adressant un bref sourire.

« Si ça ne vous dérange pas. Je dois amener Taehyung au stade. Le directeur a demandé le rassemblement des étudiants. Enfin, s'il se sent mieux. » Me sourit-il.

Je hoche la tête avec frénésie, un sourire nait sur mon visage. Je suis soulagé, il est là. L'infirmière se lève de sa chaise et m'ausculte une dernière fois, prenant ma fièvre.

« Ça a l'air d'aller mieux. Vous pouvez partir. »

Elle me sourit gentiment et enlève la serviette de mon front.

« Merci madame. » Dit Yoongi.

Il s'approche de moi et m'offre son bras pour m'aider à me relever. Ma tête se baisse immédiatement, mon regard fuit celui de cet inspecteur inquiétant.

« Passez une bonne journée. » M'adressé-je à eux d'une petite voix.

Je ne vois pas leurs visages, ne ressens aucune réaction. Seule sa voix grave me répond comme un rappel, celui de toujours se méfier.

« Merci d'avoir répondu à mes maigres questions. »

Son ton sarcastique et son rire gras me foutent les jetons. Mes poils s'hérissent, mes jambes faiblissent. Yoongi a l'air de sentir mon affaiblissement et ne perd pas une seconde pour m'emmener dehors. Il referme la porte. L'aura de cet inspecteur ne m'encercle plus.

Ses mains prennent mon visage en coupe, mes prunelles se relèvent dans les siennes, inquiètes. Un fin sourire étire mes lèvres en un pénible effort. Il n'est pas dupe mais décide de ne pas me poser de questions. Il continue l'observation minutieuse de mon visage et replace une de mes mèches derrière mon oreille. Ses iris caressent mes traits, comblent mon âme de douceur. Sa main droite câline ma joue, y dépose de la tendresse et balaie ma crainte. Mes muscles se détendent, un vrai sourire se dessine sur mon visage. Mes lèvres accueillent soudain les siennes, Yoongi m'offre un chaste baiser. Mes paupières se ferment.

Il se détache et m'observe encore un peu. Son regard est doux, son nez se frotte contre le mien. Son action m'arrache un petit sursaut, des frissons de bien-être parcourent mon corps. Je rouvre les yeux, un sourire craquant illumine ses traits. Un autre se dessine sur mes lèvres. Il prend alors ma main et m'emmène à travers les couloirs. Mes pas s'emboîtent aux siens.

« Où l'on va ? » Dis-je confus.

Yoongi se tourne vers moi, les sourcils arqués et un petit sourire en coin.

« Au gymnase, t'as pas entendu l'annonce du professeur ? » Me demande-t-il.

Je secoue la tête, à ce moment-là, je devais être emprisonné dans mes souvenirs. Il me sourit pour toute réponse et continue sa route. Nous nous dirigeons ainsi vers le gymnase. La tranquillité des couloirs m'est étrangère, cette absence de monde est plaisante. Pourtant, au début de l'année, me retrouver seul dans ces couloirs m'aurait enchaîné à ma solitude mais maintenant non. Il est là, sa présence m'entoure. Son parfum me suit où je vais.

Arrivé au niveau des portes, plusieurs étudiants sortent également dehors pour rejoindre le stade. Par réflexe, je lâche la main de Yoongi et me poste à ses côtés. Je sens son regard sur moi, néanmoins, il ne dit rien. Il comprend mon action aussi blessante soit-elle, pour lui comme pour moi. La confusion et la honte se mélange en moi. Sa chaleur me manque déjà.

Nous sommes alors embarqués par la foule, nos corps serrés dans la masse. Le pire est le passage des portes, tout le monde se marche sur les pieds comme s'il y avait le feu. Au stade, le directeur a déjà commencé son discours. Sa voix se répercute entre les murs et plie le moindre élève à l'écouter. Les étudiants se mettent en ligne au fur et à mesure qu'ils avancent. Je me retrouve séparé de Yoongi malgré moi. Une personne me tient prisonnière et me place dans une des rangées. Il se trouve à l'autre bout du pavillon, vers le milieu de la rangée. Un soupir m'échappe.

Mon attention se tourne ainsi vers Monsieur Xiong, posté fier derrière son pupitre. Son regard dur parcourt la salle, je suis sûr qu'il sait exactement quels élèves sont présents ou non.

« Bien, comme je le disais, au vu de ce tragique accident qui s'est produit au sein de notre établissement. Je confère une semaine de repos à l'ensemble des étudiants. Je pense qu'il est bien de garder la tête froide au vu des examens finaux et de l'organisation du festival qui arrivent à grand pas. »

Personne n'ose parler, s'exclamer ou exprimer leur joie à la suite de cette nouvelle. Les étudiants restent de marbre, par peur des possibles sanctions qu'ils pourraient subir.

« J'aimerais profiter de ce rassemblement pour vous déléguer une information de la plus haute importance. Nous avons la chance de vivre dans une société où la paix est entretenue et notre population se porte bien. Cependant... » Ses yeux s'affairent dans la salle, un air sérieux peint sur ses traits. « Des meurtres comme aujourd'hui, il y en a. Notamment dans les pays où la paix n'est pas établie, les victimes se comptent par milliers. J'aimerais donc vous sensibiliser aux diverses actions que vous pouvez effectuer pour les aider. Je vais vous parler d'une en particulier : l'armée. » Il marque un temps. Tout le monde l'écoute, certains sont en transe. « L'armée est importante, elle fait la force de notre nation. En ce moment, nos armées se battent sur place pour instaurer la paix. Néanmoins, en ces temps durs, nous n'avons plus assez de renforts. » Sa voix s'élève, sa parole est saisissante. « J'appelle donc tous les élèves à réfléchir sur la question. S'engager est une très bonne voie pour servir son pays. J'ai moi-même été dans l'armée à votre âge et suis toujours rattaché à elle. Si vous êtes intéressés, venez me voir à mon bureau que je récupère toutes les informations nécessaires. »

Ses prunelles tracent un chemin dans la salle jusqu'à ce qu'elles trouvent les miennes. L'impression qu'il me fixe à travers la foule me perturbe. Je me balance sur mes pieds nerveusement. Une lueur sombre se loge dans le fond de ses prunelles. Une sueur froide passe dans mon dos, mon corps est paralysé.

Sa voix grave retentit dans le stade. Elle résonne en moi et injecte dans mes veines une angoisse lancinante.

« N'oubliez pas, l'armée est la clé. Personne ne peut aller contre l'armée. Sur ce, l'assemblée est levée. Bonne semaine à tous. »

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