Hayley
Je suis contente d'avoir mis les choses au clair avec Jake.
Il a toujours vu James comme un ennemi mais, à présent, il a enfin compris que son beau-père est quelqu'un qui l'a aidé à avoir la vie qu'il a maintenant.
Il a promis de s'excuser alors j'attends de voir ça.
Lorsque nous arrivons dans le salon, Catherine, Mary et James sont dans le canapé. Dés qu'elles aperçoivent Jake, les deux femmes le fusillent du regard.
Elles sont toujours énervées contre lui et c'est compréhensif. A cause de mon père, je sais ce que ça fait de voir quelqu'un que l'on aime critiquer notre moitié, et une chose est sûre: ça fait mal, très mal.
Jake parait assez gêné face à leurs regards. Je le vois baisser la tête. Il doit se sentir honteux. Après tout qui ne le serait pas?
- James, je peux te parler?
Je crois que c'est la première fois que Jake parle gentiment à son beau-père. C'est déjà pas mal.
Catherine crie après son fils.
- Pour quoi faire? Pour encore l'insulter?
Jake me tient un peu plus fort la main. Je sens qu'il a besoin de ma force.
- Non au contraire. J'aimerai m'excuser et lui parler.
Catherine le dévisage.
- Toi? T'excuser?
- Oui mais cela ne te regarde pas maman. Il faut que je lui parle face à face.
Elle se lève du canapé et pointe du doigt Jake d'un air menaçant.
- Comment ça, ça ne me regarde pas? Ça me regarde. C'est ta sœur et moi qui avons supporter ton mauvais caractère et vos disputes à longueur de temps. Nous aussi nous avons subi.
Jake me relâche la main et se rapproche de sa mère. Il prend ses mains dans les siennes.
- Maman, je sais que tu as beaucoup souffert et j'en suis désolé mais il faut que je parle à James. Seul à seul. Je n'arriverai jamais à parler devant vous. Je fais un effort alors j'aimerai que vous m'aidiez.
Catherine lui fait un léger sourire.
- Je comprends. On va aller faire un petit tour dans la ville pour vous laisser entre hommes.
- Merci maman.
- De rien, mon chéri.
Leurs mains se séparent avant que Catherine ne s'adresse à sa fille et à moi.
- Bon bah, on va y aller vu qu'on nous met dehors. On prend nos affaires, la petite et ensuite on y va?
Je lui souris.
- D'accord.
Mary se lève à son tour.
A son expression, on voit qu'elle ne va pas pardonner tout de suite à son frère. Je la comprends. Il a beau s'être excuser pour James, il est encore loin de pouvoir faire ami-ami avec Liam.
Pauvre Mary, la situation est délicate pour elle. J'espère sincèrement que notre sortie lui permettra de retrouver sa bonne humeur.
En tout cas, moi, je suis plutôt contente de voir les choses se résoudre entre Jake et son beau-père et aussi de pouvoir faire une petite sortie avec ma fille, Mary et Catherine.
Une heure plus tard, nous sommes sur le bord de la plage toutes les quatre.
Il fait plutôt bon ce qui est normal pour un mois de mai à Los Angeles. En plus, il n'y a pas tant de monde que ce que je croyais ce qui est très agréable quand on vit en ville.
Nous sommes assises dans le sable et Mary s'amuse avec la petite depuis dix minutes. On dirait une attardée.
- Tu comptes me voler ma fille?
Mary rit légèrement et son sourire s'accentue.
- Non, non, ça ira. Si elle ressemble à son père, elle va être infernale alors vaut mieux que je ne la kidnappe pas. Je deviendrai folle.
Catherine prend la parole.
- C'est sûre que si elle a le caractère de son père, il va te falloir beaucoup de courage.
- A ce point là?
- Oui. Petit, il se mettait encore plus rapidement en colère que maintenant. C'était une véritable tornade parfois.
Je leur fais d'énormes yeux.
Jake ne m'a que très peu parlée de quand il était tout petit, il m'a surtout raconté ce qu'il s'est passée durant son adolescence assez mouvementée.
En plus, je sais qu'il n'aime pas parler de son enfance car il souffre en reparlant de la pauvreté dans laquelle il vivait. La seule chose que je sais réellement c'est qu'il recevait tout l'amour dont il avait besoin. Après tout, c'est quand même ça l'essentiel.
- C'est vrai?
- Oui. Tu ne peux pas savoir le nombre de fois où j'ai voulu lui en mettre une. Il a toujours eu le don de me faire sortir de mes gonds d'un seul coup sans prévenir. Il ne réfléchit pas avant de parler et ça lui a beaucoup porter préjudice pendant son adolescence.
Mary en rajoute une couche.
- C'est sûr qu'il est infernal quand il veut.
- Oui c'est vrai, je vous l'accorde. Mais bon, on l'aime comme il est.
Mary me répond.
- Toi, tu l'as choisi. Nous, non.
- Je te l'accorde, je l'ai bien cherché.
Lucy se met à pleurer légèrement. Mary me la tend instantanément.
- Tiens.
- Merci.
Je récupère ma fille et la serre contre moi.
- Elle a faim?
- Non. Elle dort une petite heure à chaque fois en fin d'après-midi. J'ai juste à la serrer contre moi et elle s'endort en général.
Catherine intervient.
- Pour l'instant, elle n'a pas l'air très capricieuse. En plus, elle est toute mignonne.
- Merci.
Mary nous regarde tendrement. Je perçois une lueur d'envie dans ses yeux. Comme si elle aimerait être à ma place. Intéressant.
- Et toi Mary, t'occuper de ma fille ne te donne pas des idées?
Mary devient toute rouge. Sa mère la regarde fixement.
Bon ok, je l'ai mise dans l'embarras face à sa mère mais bon, j'étais curieuse.
- Et bien euh... je suis jeune donc je n'ai pas envie d'en avoir tout de suite. Avec Liam, on commence seulement à vivre ensemble. Et puis, je préférerais être fiancé ou marié avant de tomber enceinte.
Sa réponse me prouve à quel point elle est posée et consciente des réalités. Elle a raison. Même si elle aime Liam, il vaut mieux avoir une vie de couple assez stable avant de se lancer dans le projet bébé. Et puis, elle est quand même jeune et a du temps devant elle.
- Mais vous en avez parlé? D'avoir des enfants?
Mary me fait un grand sourire.
- Oui.
- Et donc, il en veut?
- Oui. On est d'accord sur à peu près tout. On aimerait une petite famille. Deux enfants dans l'idéal. Et on veut attendre un peu vu que je n'ai pas encore de travail.
Catherine nous interrompt.
- D'ailleurs Hayley, tu as trouvé un travail?
Merde. Point sensible. Je n'aime pas vraiment en parler. Je ne pense pas trouver du travail de sitôt et ça me fait peur. J'ai vraiment envie de travailler, de prendre totalement mon envol.
En plus, je me vois mal rester à la maison pendant je ne sais combien de temps. J'aurai l'impression de devenir une véritable mère au foyer et bien que je trouve que ces femmes ont du mérite, devenir mère au foyer à vingt-cinq ans n'est vraiment pas mon rêve.
- Je n'ai pas encore envoyé de CV vu que je n'ai toujours pas reçu mon diplôme qui certifie que j'ai ma thèse. Mais dès que j'aurai tout, je vais essayer de trouver du travail dans une entreprise.
- Tu ne voulais pas être professeur?
- Si mais si je demande d'être enseignant-chercheur, je vais très probablement devoir vivre loin d'ici.
- Donc tu es prête à abandonner ton rêve?
Je secoue la tête immédiatement.
- Non. Ça fait quelques temps que j'essayais de choisir entre les deux mais finalement, je me dis que dans une entreprise ce n'est pas plus mal. Jamais je ne serai aussi à l'aise que Jake devant autant d'élèves ou une assemblée de chercheurs.
Mary prend la parole.
- Tu vas trouver du travail. Tu es intelligente et puis il n'y a pas tout le monde qui parle couramment français.
Je sais qu'elle essaye de me rassurer.
- Merci.
Catherine se remet à parler.
- Et pour la petite vous ferez comment?
Ça aussi, ça a créé un problème. Avec Jake, nous avons longtemps réfléchi et nous nous sommes mis d'accord très rapidement.
- Jake ne travaille que trois jours dans la semaine à la fac et le reste du temps, il peut travailler depuis l'appartement. S'il le faut, nous prendrions une nourrice un à deux jours dans la semaine.
- Vous avez déjà réfléchi à tout à ce que je vois.
- Oui. Une famille, ça se gère et il ne vaut mieux pas être pris de cours.
Catherine hoche la tête.
- Je suis tout à fait d'accord avec toi. Crois-en mon expérience.
Soudain, mon téléphone sonne. Je le sors de ma poche en essayant de ne pas réveiller la petite qui dort toujours malgré les sonneries. Je regarde l'écran et vois que c'est Jake. Je décroche aussitôt.
- Allô?
- Tu peux revenir si tu veux. J'ai terminé ma petite discussion avec James.
Ses paroles me surprennent.
- Vous venez seulement de finir de parler?
- Oui pourquoi?
- Jake, cela fait plus d'une heure qu'on vous a laissé.
Il ne paraît pas s'en être rendu compte.
- Tant que ça?
Je ne peux que confirmer.
- Oui. Ça c'est bien passé?
Je ne peux m'empêcher d'être anxieuse. Après tout, avec Jake, on ne sait jamais à quoi s'attendre.
- Plutôt bien oui. Je te raconterait tout lorsque l'on sera tous les deux.
Ses paroles me rassurent. Il semble assez calme, ce qui est un fait rare pour Jake.
- D'accord. On rentre. A tout de suite.
Je raccroche rapidement car j'ai hâte de tout savoir. Je suis curieuse et je l'assume.
Je me tourne vers Catherine et Mary.
- Jake m'a dite qu'on peut rentrer.
- C'est vrai?
- Oui.
J'entends Mary marmonner.
- Génial.
Sa mère la regarde en fronçant les sourcils.
- C'est quoi ton problème?
- Tu connais ton fils. Il va encore critiquer Liam et je ne suis pas sûr de pouvoir me retenir. Un mot de travers et je le trucide.
Je tente de calmer les choses.
- Si tu veux je lui demanderai une fois de plus de se calmer. Si je lui en touche deux mots, il devrait être beaucoup plus cool ou il sait que je vais lui tomber dessus.
Mary m'offre un sourire en coin. C'est dingue ce qu'elle peut avoir certaines expressions faciales qui ressemblent à celles de son frère.
- Merci mais j'espère que ça suffira.
- Crois-moi, ça suffira ou j'en ferai une affaire personnelle et je peux te dire que Jake évite les disputes de ce genre car je gagne à tous les coups.
Je les entends rire. Je suis contente d'avoir pu légèrement détendre l'atmosphère.
Après quarante-cinq minutes d'embouteillage pour faire cinq kilomètres, nous arrivons enfin à l'appartement.
Nous sommes toutes les quatre accueillies par James et Jake qui boivent tranquillement côte à côte dans le canapé. Jamais je n'aurai pensé voir une telle scène un jour et pourtant, tout ça est bel et bien réel.
Catherine est la première à parler.
- Et bien je vois qu'on s'amuse bien sans nous.
La petite se met à pleurer. Merci Catherine d'avoir crié aussi fort.
Je me penche vers elle et remarque que ce n'est pas que sa grand-mère qui a dû la réveiller. L'odeur qui se dégage de sa couche est plus que nauséabonde. D'un autre côté, je ne peux qu'être fière de ma fille. C'était pile le bon moment pour qu'elle fasse ses besoins et je ne dis pas ça par ironie.
Grâce à elle, je vais pouvoir m'éclipser dans sa chambre et peut-être même pouvoir entraîner Jake avec moi. Moi qui voulait lui tirer les vers du nez, je suis servie.
- Jake tu peux venir avec moi?
Je semble le déranger car il grogne.
- Tu as vraiment besoin de moi?
- Oui. C'est à ton tour de changer ta fille, pas le mien. En plus, je dois lancer une machine donc je dois moi aussi m'éclipser. Tu comprends?
Il me regarde d'un air incompréhensif. Il ne comprend décidément rien. Le pire c'est qu'il dit me connaître par coeur.
- Tu ne peux pas la changer à ma place?
Je le fixe avec insistance.
- Non.
Mon regard reste ancré dans le sien quelques instants. Par chance, il semble finir par comprendre le pourquoi du comment au bout de quelques secondes.
- Bon bah d'accord, je vais le faire.
J'inspire un grand coup.
- Merci.
Il vient vers moi et me prend la petite avant de partir dans le couloir.
- Lucy n'a plus de body en stock. Je vais lancer une machine et je reviens, ça ne vous dérange pas j'espère?
Ma belle-mère répond avec un grand sourire.
- Oui bien sûr, vas-y.
Je m'échappe aussitôt de la pièce et atterrit rapidement dans la chambre de ma fille.
Jake est en train de lui retirer son body quand il sent ma présence.
- C'était plus fort que toi, il fallait que tu me fasses un interrogatoire tout de suite.
Je souris comme une idiote.
- Tu sais très bien que la patience et moi, ça fait deux. C'était une trop bonne occasion pour la laisser s'échapper.
- Bon alors qu'est-ce-que tu veux savoir?
Je m'approche de lui et me met en face de la table à langer où est allongée Lucy. Je suis bien placée pour voir les réactions de Jake et c'est pile ce que je voulais.
Par contre, lui ne me regarde pas. Il reste concentrer sur sa fille et c'est tant mieux car cela me prouve qu'il prend soin d'elle.
- Vous vous êtes engueulés ? Avec James?
- Aussi dingue que cela puisse paraître, non.
Rien qu'à son visage je sais que lui-même a dû mal à y croire.
- Et donc tu lui as dit quoi?
- Je me suis d'abord excusé pour le comportement que j'ai eu depuis le début avec lui. Il m'a dit que je n'avais rien à me faire pardonner.
Je fronce les sourcils.
- Pourquoi il a dit ça ?
- Il m'a avoué que dans ma situation, il aurait eu le même comportement. Selon lui, s'il était à ma place, il aurait détesté son beau-père.
Une lumière se fait dans ma tête.
- C'est donc pour ça qu'il ne répondait pratiquement jamais à tes critiques.
- Oui. Mais je me suis quand même excusé. Je voulais qu'il comprenne que je n'ai plus de haine envers lui. Il ne la mérite pas. Il se déteste bien assez lui-même.
Je me souviens d'une de mes conversations avec Catherine lors de notre voyage pour Noël en Australie. Elle m'a avouée que James a longtemps eu du mal avec ce que son fils était devenu. Si j'ai bien compris il a même mis deux ans après le procès avant de revoir son fils. Et encore, c'est Catherine qui a dû le forcer. Il a toujours culpabilisé et je crois que ce sera toujours le cas.
- Ça c'est sûr.
- Merci.
Je fronce les sourcils.
- De quoi?
- Sans toi, jamais je n'aurai compris à quel point je me trompais sur toute la ligne. Je l'ai toujours détesté pour pas grand chose en fin de compte. Il ne peut pas être responsable de toutes les actions de son fils. Liam et moi, nous étions très doués pour cacher nos conneries. Même s'il avait été présent, je pense qu'il n'aurait quand même rien compris.
Je ne peux que sourire face à son changement de point de vue.
Il y a encore quelques heures, il considérait que son beau-père était l'équivalent d'un criminel et maintenant, il a totalement changé d'avis. Bien sûr, je ne pense pas que James et lui vont se mettre du jour au lendemain à avoir de réelles relations beau-père/beau-fils. Mais je dois avoué qu'il y a du progrès.
- Je suis fière de toi.
Il tient la petite de ses mains mais relève la tête vers moi.
- Pourquoi?
- Tu changes. Mais en bien. On fait tous des erreurs et toi, en général, tu ne les admets pas. Mais là, tu m'as impressionnée. Tu connais enfin le sens du mot "pardon".
- Ouais bah par contre, il ne faut pas s'attendre à un énorme pardon avec Liam.
Je ricane tandis qu'il reprend sa tâche.
- Ça, je m'en doute.
- Non seulement il a fait du mal à ma sœur mais il a aussi détruit la confiance que j'avais en lui.
En évoquant Mary, j'ai une illumination. Je lui ai faite une promesse et je compte bien la tenir.
- Par contre, tu devrais éviter de critiquer assez méchamment Liam et encore plus devant Mary. Elle en souffre et ce que tu dis ne sert à rien, son opinion sur lui est déjà faite. Elle l'aime alors ménage-la.
- Je sais.
Il finit de rhabiller Lucy et me la tend. Je la prends dans mes bras tandis qu'il place la couche dans un sachet anti-odeur. Il part se laver les mains dans la salle de bain avant de revenir.
- Tu sais Hayley, je compte faire beaucoup d'effort avec James car il n'est pas méchant mais pour Liam, ça va vraiment être plus compliqué.
- Je te comprends. Ça doit être dur mais je sais que tu as la force nécessaire pour lui pardonner. Ne serait-ce que pour le bonheur de ta sœur.
- Oui tu as raison, je vais essayer de lui pardonner petit à petit. Pour ma sœur. Parce ce qu'elle mérite d'être heureuse.
Je bascule tout le poids de ma fille sur ma hanche gauche et utilise ma main droite pour toucher la joue de Jake. Je la lui caresse tendrement car je sais que ça l'apaise. Après une journée comme celle-ci, il mérite d'être un peu tranquille pour l'instant.
Au bout de quelques secondes, il coupe notre petit moment.
- Crois-moi, je pourrai rester là une éternité mais on devrait peut-être y retourner.
Je lui rend le petit sourire qu'il me fait.
- Tu as raison.
Il prend la petite et la porte à son tour avant croiser nos deux mains ensemble. Il me tire vers le couloir quand je le stoppe.
- Quoi?
Je me remets à sourire comme une idiote.
- Je suis vraiment fière de toi.
Et voilà.... Qu'est-ce-que vous en pensez?
A dimanche prochain