Dix minutes par jour

39 - Jess

 Je n'ai malheureusement plus la chance de prendre le bus avec Amelia qui préfère sa fichue moto, et fait fait maintenant beaucoup trop froid pour que je monte derrière elle. C'est dommage, j'appréciais vraiment ces 10 minutes par jours partagée avec elle et elle seulement. Sauf que voilà, cela fait plus d'une semaine que nous avons partagées notre dernière nuit ensemble et ça me parait une éternité. Surtout maintenant que notre opérateur a coupé nos lignes téléphoniques pour factures impayées. On a pu sauvé que le portable de mon père en attendant une réponse pour un boulot.

Impossible d'échanger avec celle qui a élue domicile dans mon coeur. Enfin impossible... Nous nous sommes vu. Étant d'accord pour garder notre relation secrète, aucun échange à la vue de tous au lycée n'est autorisé. Mais durant cette longue semaine, il ne fut pas rare que nous nous accordions une petite séance « d'étude de l'anatomie féminine » comme elle les appel, cachées dans un placard, sous les escaliers du gymnase ou encore dans un box des toilettes du lycée. Seulement durant quelques minutes, entre deux cours, autant dire que nous n'avons pas pris le temps de discuter.

Elle me manque. J'aime passer du temps avec elle, et pas seulement pour l'embrasser. Nos discutions me manquent. Surtout le soir, lorsque je la vois fumer à sa fenêtre et que je dois me contenter d'un simple signe de main en guise de bonne nuit.

Pour palier à mon manque de vie social hors du lycée, Sixtine s'est portée volontaire comme chauffeur pour que les filles se retrouvent toutes pour passer un samedi après midi chez Tiphanie. C'est ainsi que je me retrouve à peindre les ongles de pieds de Pauline, sur le couvre lit en satin de Tiphanie pendant qu'elle et Marie décolorent les cheveux de ma meilleure amie.

— C'est quand même dingue, commente Marie, qu'ils vous aient coupé la ligne sous prétexte que vous refusiez leur abonnement 5G. Je ne vais pas leur faire de la pub, je t'assure.

C'est le seul mensonge qui m'est venu sur l'instant pour justifier mes absences des réseaux sociaux.

— Ce n'est rien, je répond, on va changer d'opérateur et puis c'est tout. Même si ça doit durer un mois...

— Un mois sans internet! s'exclame Pauline. Comment tu vas tenir?

Je lui adresse un petit sourire sincère.

— J'espère que mes amies me prêtent généreusement leur portable!

Tiphanie désigne le sien d'un signe de tête .

— Vas-y, je t'en pris. Check tes mails et prend au moins un selfie histoire de prouver au monde que tu es en vie.

Je rigole de sa plaisanterie et attrape le téléphone en question. Ma première réaction est de me connecter à Facebook dans l'espoir de voir un message d'Amy. Ça ne manque pas et un sourire se dessine sur mon visage naturellement.

Amy: Cher Jessica,

Il n'est pas dans mes habitudes de laisser des messages romantiques à une fille, mais je suis d'humeur fleur bleue ce soir. Le fait que je ne sache pas quand est-ce que tu pourras le lire me motive un peu. Peut-être que ton téléphone retrouvera du réseau alors que tu es nue dans ton bain, ou en pleur par manque de moi, ou bien peut-être dans des années alors que nous seront désormais à une vie l'une de l'autre. Peu importe.

Je viens de te voir, à ta fenêtre, derrière l'ombre de ton rideau, troquer ta tenue d'écolière pour un T-shirt trop grand et je dois dire que cette vue m'a ravie, jusqu'à ce que je réalise la distance entre ton corps et le mien. Ton parfum embaume encore mon cou après notre petit rendez-vous derrière le réfectoire et le gout de tes lèvres me manquent déjà.