2-Jess

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10 euros. C'est tout ce qu'il me reste en poche. Hors j'ai besoin de faire des courses. Je suis à court d'après shampoing, mascara et anti cernes. 10 euros ne suffiront pas. Je ne peux pas emprunter l'anti-cernes de ma mère, elle le prend deux teintes plus foncées que moi. Je tiens ma peau pale et mes cheveux blonds de mon père. Ce qui m'amène à ma deuxième conclusion. Ma mère utilise un après shampoing pour cheveux colorés. Ce sera donc le mascara que je lui emprunterai.

Mais je ne suis pas stupide, un nouvel après-shampoing durera 3 semaines. Un mois en faisant attention. Sans compter que le réservoir de mon scooter crie famine. Il faut que je trouve un job, et rapidement. Je ne peux pas demander à Sixtine de me dépanner éternellement. Elle est la seule au courant de la « situation » et ne me juge pas pour autant. Elle est mon rayon de soleil. La petite Sixtine, toujours un peu effacée, celle qui fait moins de bruit que les autres mais surgit toujours de nul part quand on en a besoin. Je la gratifie d'un sourire de l'autre bout de la table du réfectoire avant de m'apercevoir qu'elle n'a pas la moindre idée de ce à quoi je pense. Elle aussi fait semblant d'écouter Tiphanie, Marie et Pauline déblatérer à propos de je ne sais quoi.

— Vous parlez de quoi?

Julien, mon rugbyman de petit copain, pose la question en s'installant à côté de moi. Il dépose un baisé sur mon front avant de rester une longue minute à m'observer. C'est le temps qu'il me faut pour comprendre que c'est à moi que la question est adressée. Je n'en ai pas la moindre idée. J'ai décroché dès que Tiphanie a ouvert la bouche. J'ai de plus en plus de mal à me concentrer en ce moment.

— De la soirée d'anniversaire de Tiphanie, vient Pauline à mon secours.

L'étonnement du petit blond se manifeste par un haussement de sourcils.

— C'est pas en novembre?

— Si, acquiesce l'organisatrice, mais je voulais faire une suggestion aux filles.

Tiphanie appuie ses coudes sur la table en repoussant sa salade sans sauce avant de joindre ses mains. Elle prend une posture de chef d'entreprise s'apprêtant à soumettre un projet à son comité de direction.

Il y a quelques mois, c'était moi qui tenais ce rôle au sein du groupe, celui de leader si l'on peut dire. Mais, force étant d'avoir des tracas en tête un tantinet plus sérieux que d'assortir nos vernis à oncle, j'ai petit à petit délaissé mes responsabilités. Ma chère amie aux cheveux châtains parfaitement lisses a naturellement pris le relai. Je ne lui en veux pas, je dirais même qu'elle me rend service, qu'elle en ait conscience ou non, je la remercie.

— Je disais donc, poursuivit-elle, que je comptais inviter toute l'équipe de Rugby.

Julien esquisse une grimace. Pour je ne sais quelle raison, il n'est pas en très bon thermes avec la plupart des ses coéquipiers. Enfin, j'avais tout de même une petite idée sur le pourquoi du comment.

— Tous? s'inquiéta Marie à son tour.

Toute notre table, à l'exception de Sixtine qui trompe de moins en moins de monde à faire croire qu'elle nous écoute, tourne la tête vers la table au fond du réfectoire. Celle sur laquelle mon coup de coeur de l'année dernière, Benjamin Dubois, mange en tête à tête avec sa chère et tendre, j'ai nommé le diable en personne, la pire catin que le lycée ait connu, le suppôt de Satan, la mouche dans ma glace à la framboise, la punk des bacs à sable, Hilena David.

— Tous, affirma Tiphanie. Enfin... Si Ben veut bien laisser son toutou dehors.

Julien ricane en silence. Il sait aussi bien que moi que Benjamin ne va nul part sans elle et surtout pas à une soirée où mon petit ami sera présent. Il lui en veut encore parce qu'Hilena lui a sauté dessus en soirée l'an dernier, en grosse allumeuse qu'elle est.

— C'est pour ça, ajouta la directrice des opérations, que ça pourrait encourager l'équipe à se déplacé au complet si nous étions toutes en couple avec l'un d'entre eux.

La remarque s'adresse directement à la seule d'entre nous qui ne sort pas avec un sport étude. L'observation était claire, mais Tiphanie prend tout de même le soin de fixer Sixtine, toujours occupée à hocher la tête, le regard dans le vide. Après quelques secondes de silence, Marie se décide à lui donner un coup de coude.

L'intéressée, sortie brutalement de sa rêverie, secoue ses cheveux récemment coupés à la garçonne pour se réveiller.

Elle est comme ça Sixtine, toujours dans la lune. Ça contribue à son charme. En vérité, si elle le souhaitait, elle pourrait facilement être plus populaire que Tiphanie. Sa beauté est naturelle, elle n'a nullement besoin de maquillage ou d'une diversion capillaire pour arrêter le regard de quiconque croise son chemin. Elle est magnifique et n'en sait rien, c'est la toute sa magie.

Quand ses cheveux courts décolorés sont de nouveau en place, elle lève les yeux en soufflant un:

— Hein?

— Je crois que Tif veux te caser avec Pollux, répond Pauline.

« Tif », ce surnom est horrible mais lui va tellement bien, la nouvelle reine de l'école est tout en cheveux. Quand à Pollux, d'où que lui vienne son surnom, c'est le seul Rugbyman célibataire.

— Hors de question, s'indigne Sixtine. Je ne vais pas me mettre en couple avec qui que ce soit sous prétexte que Tiphanie se prend pour la capitaine des pompom girls dans un lycée américain.

Je réprime un sourire. Cet été, avant de se faire couper les cheveux, Sixtine travaillait dans le resto de ses parents avec des étudiants en fac. Ces nouvelles fréquentations lui ont apporté une assurance dont je suis littéralement fan. Jamais auparavant elle n'aurait osé hausser le ton devant qui que ce soit. Mais depuis la rentrée, elle s'est épanouie et je suis on ne peut plus fière.

Elle croque dans une fritte pendant que Tiphanie la fusille du regard. Julien vient calmer les ardeurs. Il passe doucement une main dans mon dos et déclare qu'une voix calme:

— Pollux est de toutes les soirées, il viendra quoi qu'il arrive.

Ses mots ne désamorcent pas la situation pour autant, Tiphanie a prit un coup dans son égaux mais Sixtine est déjà repartie dans le monde plus joyeux de ses pensées. Je remercie le ciel que la sonnerie retentisse. Elles auront tout oublié se désaccords après une heure de maths. 

Dix minutes par jourWhere stories live. Discover now