13- Amelia

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 Je descend les marches de l'escalier qui descend dans la pièce à vivre de ma nouvelle « maison » en tentant de garder les yeux ouverts. Marc et le petit Léo sont déjà dans la cuisine. Ils me sourient tous les deux. Ils sont chelous. On pourrait presque croire qu'ils sont contents que je sois là. C'est le gamin qui me fait le plus flipper. Moi qui croyait que j'effrayais les gosses, apparemment, celui là n'a peur de rien. Il ne m'a pas lâchée hier soir, un vrai pot de colle.

Marc pose un café dans un mug à côté des neskik de son fils. Il laisse tomber un sucre dedans. Comment il peut bien savoir ce que je prends au petit déj? Ma question trouve sa réponse quand ma soeur sort de la salle de bain. Elle porte un pantalon slim et une chemines bouffante bordeaux sous ses boucles noires. Elle a vraiment changé de look depuis ses 16 ans. Du haut de ses 28 ans, elle ressemble aux meufs dans desperate housewise. J'ai envie de lui dire que ça la vieillit mais m'abstiens. Son cher mari lui sert un café sucré dans un Mug. C'est décidé, je me mets au café noir.

— Bien dormi, demande l'automate au sourire sur commande?

Non. Bien sur que je n'ai pas bien dormi. Le weekend a été trop chargé, que ce soit en événements ou en émotions. En plus, mon lit est trop petit, j'ai les pieds qui dépassent. J'ai passé ma nuit à fumer à la fenêtre. Faut que je fasse gaffe. J'avais que trente balles en liquide sur moi quand j'ai suivi Myriam jusqu'ici, ça va limiter ma consommation de tabac. En restant accoudée au velux, j'ai vu la voisine par la fenêtre éclairée de ma maison d'en face. Une poupée barbie dans une baraque de luxe qui pourrait faire passer la caisse de Myriam pour un taco, ça m'a conforté dans l'idée que je n'ai rien à foutre ici.

Bon, certes, la situation a ses avantages aussi. J'ai une chambre. Alors elle est minuscule, je peux à peine tenir debout sous les poutres et ne contient qu'un lit une place, une commode qui suffit largement au peu d'affaires que j'ai et un bureau, le tout entre des murs décorés de petits éléphants qui jouent avec des ballons de baudruche. Mais hier, quand le petit Léo a poussé la porte en disant « c'est ta chambre », ça m'a fait quelque chose. Un lieu à moi, rien qu'à moi, c'est la première fois.

— Prêt pour ton premier jour d'école?

Ce gars me parle comme si j'avais l'âge de son gosse. Je jette un coup d'oeil sur le sac eastpak dans l'entrée. Il m'y a mis une trousse, des cahiers et un bleu de travail tout neuf. Où il a pu trouver tout ça un dimanche, ça, mystère. Son sourire trop blanc doit avoir des super pouvoirs. Il m'a dit que le lycée prêtait les caisses à outils. Dans mon ancien bahut, ils se les seraient fait piquer en deux jours.

Il me fixe. Il attend une réponse. Gars, il est bien trop tôt pour faire la conversation. Myriam quitte l'ilot central avec son café et me parle sans me regarder.

— Dépêche toi d'aller t'habiller, ton bus passe à 7h.

Voilà, encore un truc qui me gave. Alors c'est chouette la campagne, mais il faut que je me lève à 6h30 pour prendre leur putain de bus. On a mis 5 min hier pour passer de « la ville » à ce trou du cul du monde. Si j'avais un véhicule, je pourrais me lever une heure plus tard. Mais non, je ne peux pas, il faut que je me coltine une heure de car parce qu'on est les premiers de la tournée. Je finis ma tasse et remonte troquer mon bas de jogging contre un jean et un T-shirt avant d'aller me brosser les dents.

Avant que je ne monte dans l'immonde car scolaire, Marc me rattrape à la course. Il me tend un smart phone avec des écouteurs enrouler autour.

— Tiens, dit-il. C'est mon ancien portable. Il est un peu vieux mais le forfais est toujours valide. T'as 50 gigas d'internet, appels et sms illimités et un abonnement à spotify que je n'ai toujours pas arrêter. Ce soir, j'irai t'acheter un ordinateur pour les cours, se sera plus facile.

Je lui lance un regard suspicieux. Il a un souci ce gars, sérieux. Beaucoup trop amical pour ne pas cacher quelque chose.

Je m'installe sur une banquette au fond du bus poussiéreux et songe à m'endormir. On doit bien attendre la voisine au moins 10 minutes... Elle grimpe à la hâte et fait la bise au chauffeur.

— Encore en retard Jessica, dit-il sur un ton qui ne contient pas le moindre reproche.

— Désolée Jojo, problème de liseur. Promis demain je serais à l'heure.

— Tu dis ça tous les matins.

Ils se marrent, surement un plaisanterie entre eux. La blonde s'aperçoit de ma présence et fait un pas dans ma direction. Je connais ce genre de fille. Jean Ikks sur le cul, obsédée par son poids qui supporte à peine de trainer son épaisseur de cheveux. Une pouf, c'est le meilleur mot pour décrire ce type de meuf. J'ai horreur de ça. Je la décourage de venir me faire la conversation en enfonçant mes écouteurs dans les oreilles. Elle s'assoit devant pour discuter avec Jojo.

Je vais devoir supporter ça toute l'année. 5 min seule avec elle dans le bus avant d'arriver à la civilisation. 10 aller-retour. Je vais devoir endurer ça 10 minutes par jours.

— Jojo, demande-t-elle, tu peux allumer la lumière de l'allée s'il te plait, faut que je révise ma chimie.

Au putain, elle s'en prend directement à mon sommeil là, ça va être long un an.

40 minutes plus tard, le bus s'arrête dans la rue principale. Une fille monte. Une brune, un look bien grunge, de beaux yeux gris. J'en enlève les écouteurs. Ça, c'est mon genre. Un sourire sur mes lèvres se dessine. Si je dois vraiment rester dans ce bahut, autant me faire des amis. La fille boite, je devine une attelle à sa cheville. Pourtant Jojo redémarre alors qu'elle tente de garder l'équilibre dans l'allée. Personne ne va lui faire une place putain. Ils évitent tous son regard et laissent leurs sacs bien tranquillement installés et faisant semblant de ne pas l'avoir vu. Je pousse le mien dès qu'elle s'approche à ma hauteur. Elle me jette un regard méfiant mais s'assoit.

— Toi, t'es nouvelle, dit-elle.

Je lui tends une main pour me présenter.

— Amelia. À quoi tu le vois?

— Déjà, parce que je ne te connais pas depuis la maternelle. Et puis tu me laisses une place. Tu ne le ferais pas si tu étais saine d'esprit.

Je vois qu'elle plaisante, je continus sur le même ton.

— Pourquoi? Tu es quoi, une sorte de sorcière qu'il ne faut pas approcher?

Elle sourit, mais c'est un sourire jaune, ma blague est tombée à plat.

— On peut dire ça.

Elle me dit merci d'un signe de tête et s'apprête à mettre son casque sur les oreilles. Je l'arrête d'un petit geste.

— Tu ne m'as pas dit ton nom.

— Hilena, Hilena David. 

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