3-Amelia

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Je me tourne sur le canapé qui me sert de lit pour trouver une position plus confortable. J'embarque le drap de dessous avec moi, le tissu râpeux des cousins me gratte et j'ai cette foutue barre transversale dans le dos. Faut que je demande à Daniel qu'on achète un nouveau canap. Il allait bien il y a 4 ans quand je pesais 40kg mais à force de dormir dessus, il s'est complètement affaissé. Ça fait tellement longtemps que je n'ai pas dormi dans un lit... C'était à l'époque où j'avais une chambre, je la partageais mais ça m'étais égale. On avait des lits superposés, je dormais sur celui du bas, c'était comme une grotte, une cabane, un endroit sure qui me protégeais. Je secoue la tête pour évacuer l'idée, je n'aurai pas de chambre à moi avant d'avoir mon propre appart, on n'a pas assez de fric pour se payer plus qu'un deux pièces en ville de toute façon.

Tout à coup, on frappe à la porte. On frappe, c'est bien le mot. J'ai l'impression qu'on y met des coups de pompes tellement le mec tape fort. Je regarde l'heure, 5h54 du matin. Pas de doute, c'est les flics. Daniel sort en caleçon de sa chambre. Cette image est répugnante. Il me lance un regard qui parle pour lui.

— Qu'est-ce que t'as fait?

Je hausse les épaules. Ça fait bien au moins deux semaines que je n'ai pas fait de connerie. Depuis que les flics rodent dans le quartier.

Je me lève, le dos endolorie par ce canapé de torture, ouvre les 4 verrous de la porte et découvre le capitaine Courteix, un flic que je connais bien. Il est seul, les mains dans les poches de son uniforme, les yeux soulignés par des cernes qui illustrent bien la nuit blanche qu'il vient de passer. Ça n'annonce pas une bonne nouvelle.

Daniel comprend tout de suite qu'il n'est pas là dans le cadre du boulot.

— Je vais faire du café.

Courteix le gratifie d'un signe de tête avant de se tourner vers moi.

— Bonjour Amelia, je suis désolé de venir vous réveiller si tôt.

Et merde. C'est pour moi. La mauvaise nouvelle est pour moi.

Je vais immédiatement me rassoir sur mon « lit » pour entendre la sentence. Le capitaine de gendarmerie vient s'assoir à côté de moi. Il a le regard fuyant. Il m'a raconté un jour que pour annoncer un décès, il était très difficile de regarder les gens dans les yeux.

— Qui est mort, je demande n'y tenant plus?

— Personne.

Je pousse un soupir de soulagement et l'étaux qui enserrait mon coeur sans que je ne m'en rende compte se relâche un peu.

— On a été appelé hier soir pour une bagarre dans le quartier Lachaux. Quand on est arrivé sur les lieux, il ne restait que la victime. Sami est dans le coma, il a été passé à tabac. Ses jours ne sont plus en danger, mais il a plusieurs cotes cassées, une épaule déboitée, mais surtout une commotion cérébrale importante. Il est évident qu'il faudrait qu'il se réveil au plus vite.

Les mots me transpercent de par en par, je reste sous le choc. Le petit Sami... Mes yeux restent perdus dans le vide, je ne réalise pas bien la situation. Je lui ai parlé cette après-midi, il allait très bien, riait comme à son habitude, difficile de l'imaginer allongé sur un lit d'hôpital.

Daniel arrive avec le café, il passe une main réconfortante dans mon dos, ça ne m'aide pas pour autant. J'ai horreur qu'on me touche. Mon père faisait tout le temps ça après m'avoir foutu une branlé. Une main dans le dos en me disant que c'était « pour mon bien » après m'avoir cogné de toutes ses forces.

J'ai l'impression que le scénario se rejoue. Courteix vient de m'asséner une baffe et Daniel veut recoller les morceau.

— C'est Veillac, je déclare. C'est forcément Veillac qui lui a fait ça.

Le flic serre la tasse entre ses mains et fixe le liquide noir qu'elle referme, il ne me regarde toujours pas.

— On sait. Mais il n'y a pas de témoin, pas de preuves... Si Sami se réveil, se serra sa parole contre la sienne.

J'attrape le seul bibelot qu'il reste dans le salon et le fracasse contre le mur du fond. Le chat en porcelaine finit en poussière sur la moquette des années 70.

— Bien sur qu'il n'y a pas de témoins! C'est son quartier, personne ne va le dénoncer! Ils ont tous peur de lui.

Courteix hoche la tête de haut en bas. Tout ça, il le sait. C'est bien pour ça qu'il est venu. Il sait que Veillac ne va rien prendre. De toute façon, il ne s'est surement même pas sali les mains, il a envoyé ses sbires.

— Je suis venu te l'annoncer en personne pour te parler, dit-il en me regardant dans les yeux pour la première fois. Il ne faut pas que vous fassiez justice vous même. Il va y avoir des représailles et si ça tourne en guerre de quartier, ils s'en sortiront beaucoup mieux que vous. Ils ont le pouvoir et tu le sais...

Oui, je le sais, et c'est bien ça qui me fout la gerbe. Ces connards font tout ce qu'ils veulent et restent impunis.

Je prend une grande inspiration pour me calmer.

— Je veux le voir. Sami, je veux aller le voir. 

Dix minutes par jourDove le storie prendono vita. Scoprilo ora