17-Amelia

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Je tapote mes doigts sur le Zing du toit sur les contours du velux de ma chambre. J'ai bien finis ma clope depuis un quart d'heure mais je reste là, à observer Barbie dont l'ombre se dessine derrière les rideaux de sa chambre, de l'autre côté de la route. Je ne comprend toujours pas ce qu'il s'est passé ce soir. J'étais sortie fumer ma clope en douce pendant que Myriam faisait à manger. Et là, le silence de la nuit a été déchiré par un bruit horrible. J'ai vraiment cru qu'elle allait y rester. Marc est remonté d'un cran dans mon estime, il a été un héros sur ce coup là.

Je n'aime pas cette meuf, elle est superficielle et pourrie gâté. La preuve en est qu'elle a fait une crise d'angoisse d'après ma soeur. Elle angoisse pour quoi? Sa nouvelle paire d'escarpins? Et pourtant, j'ai eu franchement la trouille. Je ne l'aime pas mais de là à la laisser crever sous mes yeux... Je ne me suis jamais sentie aussi impuissante. Elle souffrait, ça lui en déformait sa tronche en plastique, et moi, tout ce que je pouvais faire, c'était regarder. Quelqu'un lui aurait fait du mal, j'aurais pu lui foutre mon poing dans la gueule, mais là, c'était son propre corps qui l'attaquait.

Marc m'a expliqué qu'en cas d'hyper-ventilation, il fallait respirer dans un sac pour que du CO2 rentre dans les poumons où je ne sais pas quoi. J'ai repéré les sacs en papier dans la buanderie, je ne me ferais pas piéger deux fois.

Il faut que j'arrête de mater ses faits et gestes comme ça, ça fait pervers.

Je vais me poser dans ma chaise de bureau et cherche un idée. Je veux comprendre ce qu'il s'est passé. Pourquoi? Je n'en ai pas la moindre idée. Tout ce que je sais c'est que la reine des glaces à un problème et que je veux savoir lequel.

J'ouvre mon ordi et me connecte sur Facebook. Je cherche Jessica Roland. Tiens, la voilà, pas si difficile que ça. Tiens, c'est marrant, la seule amie qu'on a en commun c'est Hilena. J'avais pourtant cru comprendre qu'elles ne pouvaient pas se piffrer. J'hésite, l'index figé au dessus de la sourie. Je vais me prendre un gros vent. Tan pi, ça se tente. Je clic sur « envoyer une invitation ».

Je fais rouler ma chaise devant le velux. Je la vois debout dans la lumière de sa chambre. Elle se retourne à ce qui doit être le son d'une notification. Elle attrape le portable sur ce que je suppose être son lit. Elle fixe l'écran, trente bonnes secondes, et s'assoit sur l'hypothétique lit. Je jette un oeil a mon ordi, elle n'a pas accepté. Je retourne a la fenêtre, elle regarde toujours l'écran. Elle n'a pas refusé non plus.

« Tulut. »

Je retourne en roulant à mon ordi. Me voilà maintenant amie virtuelle de Barbie. J'ouvre une fenêtre de conversation. Je cherche quelques minutes quoi écrire et tout ce qui me vient c'est:

Amy: Salut!

Non mais quelle conne. Pourquoi j'ai mis un point d'exclamation. Genre: « hé! regardes la bouffonne que je suis! ». Non mais sérieux. Les conversations sur les réseaux sociaux ont été inventé pour oublier la ponctuation. Ça nous fait mal interpréter des intentions louables. Par exemple, une voisine sympathique qui s'inquiète un peu sans vouloir l'avouer et qui se retrouve à mendier de l'attention avec un putain de point d'exclamation.

Dans sa chambre de la maison d'en face, la princesse scrute toujours son écran.

Jess: Salut.

Voilà, elle a mis un point. Ça coupe toujours la possible conversation qu'on aurait pu avoir.

Amy: Ça va?

Sérieux, moi la fille qui se la joue cool et un peu mystérieuse, je suis un véritable boulet par écrit.

La princesse des neiges s'est relevée et fait le 100 pas dans sa tour, toujours le portable à la main. Les trois petits point s'agitent en bas de l'écran en même temps que les battements de mon palpitant. Attends, c'est quoi ça? Je stresse pour une conversation Facebook avec une fille que je ne peux même pas sentir? Cette ville vous rend taré je vous jure.

Jess: Mieux.

J'y crois pas, deux minutes qu'elle écrit pour taper un mot.

Amy: Ça t'arrive souvent des crises comme ça?

Une fois encore, les roulettes de ma chaise de bureau font du rallye entre mon ordi et le velux. Je vois Barbie jeter son portable sur le lit et retourner à ses devoirs sur bureau.

Je laisse ma tête pendre en arrière tellement je me sens conne. C'était quoi cette question? Oui ça lui arrive souvent pour que ses voisins gardent des sacs en papier dans leur buanderie. Puis elle ne me dira rien. Elle me croit aussi superficielle qu'elle. Elle a passé la journée dans la même maison que moi sans me dire un mot qui ne soit pas une pique moqueuse. Toujours polie mais pleine de sarcasme, elle s'amuse de moi. Alors pourquoi elle me confirait quelque chose? Et qu'est ce que je peux bien en avoir à foutre de ce quelque chose?

« Tuluts. »

Sans même que je lui en donne l'ordre, mon véhicule bureautique m'a ramené devant mon ordi.

Jess: Tu as déjà eu l'impression que quelque chose était cassé en toi?

Un sourire se dessine malgré moi sur mon visage.

Amy: à peu prés tous les jours depuis 12 ans. 

Dix minutes par jourWhere stories live. Discover now