14-Jess

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En descendant du bus, poussée par la foule d'élèves qui se précipitent vers le lycée comme s'ils étaient heureux d'y aller, je me fais bousculer. En tournant sur moi même pour éviter le sac trop rempli d'un seconde, j'aperçois la nouvelle. J'ai décidai que je ne l'aimerai pas. J'ai voulu lui parler dans le car. Elle est ma nouvelle voisine, nous allons nous côtoyer tous les jours, j'ai voulu faire un geste. Et voilà qu'au moment où je fais l'effort difficile d'un pas en avant vers elle, bien qu'en ce moment j'ai à peu près envie de tout sauf de faire la conversation, elle me fait comprendre à l'aide d'une paire d'écouteurs qu'elle ne veut pas me parler.

S'il n'y avait eu que ça, j'aurai pu comprendre. Je suis la mieux placée pour concevoir qu'on ait pas envie de parler. Sauf que la conversation d'Hilena, elle, n'avait pas l'air de le déranger. Ça me met hors de moi qu'elle y arrive encore, à hypnotiser tous les gens qui la rencontrent. Tous sauf Julien. Je rajoute mentalement un +1 dans la case de mon copain. En tout cas, apparemment, la nouvelle a un penchant pour les filles. J'ai vu son sourire, c'était celui d'un prédateur devant ça proie.

Prise par un élan de taquinerie je m'approche de la nouvelle. Elle a la bouche entre ouverte et deux soucoupes à la place des yeux. Elle vient de comprendre, subjuguée par le spectacle de la petite punk accrochée au cou du capitaine de l'équipe de rugby, qu'elle n'avait aucune chance. Je m'avance à sa hauteur.

— Surprise.

J'ai voulu dire ça sur un ton de méprit à l'égare de celle qui m'a snobée. Pourtant, la voix sortie de ma bouche ressemblait plus à l'observation d'une gamine déçue.

— J'y crois pas, dit-elle plus pour lui même que pour moi. Un sportif. Elle est sérieuse.

J'imite sa posture en croisant mes bras sur mon ventre.

— C'est deux là sont inséparables, ils ne laissent aucune chance au commun des mortels, dis-je amusée.

Oui, parce que maintenant, ça m'amuse, de les voir, comme ça, s'embrasser comme si l'avenir du monde en dépendait, comme si leur seul moyen de survivre était de fourrer sa langue dans la bouche de l'autre.

— Elle avait l'air sympa, dit-elle d'un ton écoeuré. Et voilà qu'elle sort avec un gros balourd avec des muscles plus gros que son cerveau.

Je n'aime pas qu'on dénigre Benjamin. D'accord, il m'a mis le râteau de ma vie, d'accord ses choix en matière de sentiments laissent vraiment à désirer. Mais c'est un gars bien. Un des rares à se soucier du reste du monde plutôt que de sa petite personne. Pour être honnête, j'aimerai beaucoup lui ressembler.

— Il gagne a être connu.

Miss Blouson-en-cuir-pour-aller-au-lycée décroise ses bras pour se tourner enfin vers moi. Elle m'examine de la tête aux pieds d'un air dédaigneux. Elle éprouve autant de méprit à mon égare qu'à celui de Ben. Je vois très bien ce qu'elle fait, elle juge un livre à sa couverture. Je déteste ça. Ses yeux de gamine surpris reprennent ce qui semble être leur expression naturelle. Un mélange de souffrance et de colère. Cette fille pourrait brandir une pancarte « Je vous emmerde tous » au dessus de la tête, se serait pareil.

— Laisse moi deviner, dit-elle d'un ton froid. Toi aussi. Tu te dis que si les gens prenaient la peine de te connaitre, ils se rendraient compte qu'il y a quelqu'un sous les couches de fond de teint.

Je reste un moment, là, à la regarder. Ma première envie est de lui mettre un baffe. Je comprends vite que c'est ce qu'elle cherche. Je préfère partir et rejoindre Julien dans le hall du lycée.

Mon copain regarde le menu de la semaine sur le panneau d'affichage. En voyant la grimace qu'il fait, j'en conclu qu'ils ont remis les choux de Bruxelle à une nouvelle sauce. À ma vue, son visage s'illumine. Pas à la façon de Marc devant Myriam mais sa grimace se change en sourire et j'aime beaucoup. Il m'enlace tendrement et m'embrasse pour me dire bonjours. Je ne suis pas fan de ces bisous du matin. Ils me semblent trop formelles et dénués de toutes émotions. Enfin, si on fait abstraction de ceux de Ben et Hilena.

Dix minutes par jourWhere stories live. Discover now