Chapitre 39 (partie 1)

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J'ai dû la traîner pendant une heure dans la forêt ; elle n'a pas arrêté de se plaindre toutes les cinq minutes, à se stopper toutes les quinze minutes en disant qu'elle ne voulait plus marcher. Pour mon plus grand bonheur, elle recommence encore une fois et s'assoit par terre les bras croisés.

—    Je bouge plus, j'en ai marre ! Elle est nulle ta surprise.

—    Écoute je galère un peu avec la carte que m'a donnée le guide, mais normalement ce n'est plus très loin. Alors lève-toi et on arrivera plus vite.

—    Non, c'est bon, ça fait une heure que tu me dis qu'on est bientôt arrivées. Je suis sûre qu'on est perdues et qu'on va mourir ici.

—    Roh arrête tes bêtises.

Vu que madame a décidé de ne plus bouger, je n'ai pas eu d'autres choix que de la porter en sac à patate pour continuer d'avancer. Il fait extrêmement chaud et malgré le fait que Maya soit légère, il commence à se faire difficile d'avancer dans un bon rythme.

Je finis par m'arrêter pour boire et reprendre mon souffle. J'en profite au passage pour enlever mon tee-shirt complètement trempé par ma transpiration.

Maya s'est décidée à marcher, et comme pour une petite fille, je dois la tirer par la main pour la faire avancer.

Cinq minutes plus tard, nous arrivons enfin au fameux lieu, une somptueuse cascade. Moi qui m'attendais à voir pas mal de touristes, je suis ravie lorsque je vois qu'il n'y a personne. Maya n'a encore rien dit, mais j'ai vu dans ses yeux qu'elle était surprise et qu'elle a juste trop de fierté pour m'avouer que ça valait le coup.

J'ai du mal à croire que je suis bel et bien dans ce décor somptueux. L'immense chute d'eau finit sa course dans un petit bassin naturel formé par les rochers aux alentours. L'eau n'est pas turquoise, mais plutôt claire. Nous sommes entourées par la forêt, coupées du monde, le soleil tapant au-dessus de nos têtes.

Nous finissons par nous installer au bord de l'eau sur le rocher le plus plat que nous avons trouvé. Je ne perds pas de temps pour enlever mes chaussures et tremper mes pieds dans l'eau fraîche qui adoucit les douleurs causées par la marche. Maya m'imite, toujours dans le silence le plus total.

—    Ça valait le coup, dit-elle tout doucement en fuyant mon regard.

Je souris, fière d'avoir réussi à l'épater. Elle reprend alors une mine plus sérieuse.

—    J'ai besoin de savoir ce qu'il s'est passé dans ta tête ce soir-là, pourquoi tu m'as balancé toutes ces horreurs ?

Ah d'accord, elle attaque direct comme ça. Elle me prend tellement de court que je mets plusieurs secondes avant de réussir à sortir un mot de ma bouche.

—    Je ne sais pas.

—    On va aller loin avec ça, dit-elle en soufflant.

—    C'est juste que t'étais là avec ce mec, à lui sourire, à le regarder et moi j'étais juste spectatrice d'une scène que je ne voulais pas voir.

—    Mais il y a un truc que je ne comprends pas. La veille, tu embrassais une fille à pleine bouche, pourquoi moi je ne pouvais pas faire de même ? Moi aussi ça m'a déplu de te voir avec une autre fille, mais je ne pouvais rien dire puisqu'on n'était pas ensemble.

Elle s'arrête quelques secondes avant de reprendre.

—    Après l'accident, tu as été tellement là pour moi, tu étais si attentionnée que j'ai pensé qu'il pourrait y avoir quelque chose entre nous, plus que de l'amitié... dit-elle en baissant la tête. Ce soir-là, quand je t'ai vu dans les bras d'une autre, j'ai bien compris qu'il n'y aurait rien entre nous, alors quand j'ai embrassé Adrien, je n'ai vraiment pas compris ta réaction.

Elle attend alors un signe, une réponse de ma part, mais je me contente de fuir son regard.

—    En réalité, je ne te comprends pas du tout Alex. Tu peux être la fille la plus gentille du monde et en une seconde devenir la pire connasse. Explique-moi ce qui ne tourne pas rond chez toi parce que cette fois, je veux savoir exactement ce qu'il se passe.

Ça y est, je suis bloquée. Je veux lui expliquer, je veux tout lui dire, mais rien ne sort. Je reste muette alors que je devrais tout lui avouer. Je la regarde, impuissante, et pourtant au fond de moi je lui crie que je suis désolée, mais aucun son ne sort, pas même un bruit.

—    Si tu n'es toujours pas décidée à parler, on ferait mieux de rentrer. J'en ai marre de me battre pour savoir ce que tu penses ou ressens. J'ai besoin d'une personne qui arrive à exprimer ses émotions, peu importe de quelle manière, mais toi tu n'exprimes rien, tu laisses les autres deviner alors que tu sais pertinemment qu'ils auront tout faux. Moi j'en ai marre des devinettes, soit tu me parles, soit demain soir nous deviendrons des connaissances l'une pour l'autre en rentrant en France.

—    Je n'arrive pas. Je n'arrive pas à dire quoi que ce soit. En fait, même ce que je viens de te dire est un exploit.

Je regarde au loin pour ne surtout pas croiser son regard. Je joue avec mes doigts frénétiquement. C'est un tic que je n'ai plus eu depuis un moment. Je le faisais souvent quand j'étais anxieuse ou inquiète pour mon père. Je ne sais pas vraiment en quoi ça m'aide, mais à ce moment précis j'ai besoin de ça pour réussir à parler.

—    J'ai peur de toi, dis-je très sérieusement.

Maya, surprise, lâche un petit rire, mais elle s'arrête rapidement quand elle comprend que je suis réellement sérieuse.

—    Attends, tu vas me dire que toi, Alex, tu as peur de moi ?

—    Oui.

—    Il faut que tu m'en dises plus là parce que je t'avoue que je ne comprends pas trop.

Je respire profondément en jouant de plus en plus avec mes doigts.

—    Tu me fais ressentir beaucoup de choses que je ne connaissais pas ou alors que je n'avais pas ressenti depuis des années. J'essaye encore de déchiffrer tout ça, mais je n'y arrive pas trop.

—    On peut essayer de le faire ensemble, dit-elle en posant sa tête sur mon épaule.

Je regarde tout mon environnement, les arbres avec leurs feuilles secouées par la légère brise, l'eau qui s'écoule de la cascade, les rochers sculptés par la nature. Elle est là, avec moi, et pourtant, pour la première fois, je ne veux pas la regarder. Je ne veux pas parce que je sais qu'elle verra dans mes yeux toutes les émotions que j'ai toujours essayées de cacher.

Elle passe sa main le long de ma joue, et fait dévier ma tête dans sa direction. Par instinct, je ferme les yeux.

—    Pourquoi tu ne veux pas me regarder ?

—    Parce que si j'ouvre les yeux, tu me verras, moi, la Alex fragile au cœur bousillé.

—    Ok alors garde les yeux fermés et réponds seulement comme tu peux à mes questions.

J'acquiesce de la tête en respirant profondément.

—    C'est quoi la première chose que tu t'es dite en me voyant la première fois ? me demande-t-elle.

IdioteWhere stories live. Discover now