Chapitre 4

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Sur le chemin du retour, c'est le silence total. Aucune discussion. Rien. À vrai dire, j'ai juste envie de retrouver mon lit. Oh oui mon lit, mon dieu ce qu'il me manque.

En me déposant devant chez moi, Éva me regarde longuement avec cet air si spécial qu'elle a quand elle s'apprête à m'engueuler.

—    Alex, t'avais promis...

—    Non je n'avais rien promis du tout. Tu sais très bien que je tiens toujours mes promesses. Et le meilleur moyen de les tenir c'est de ne pas en faire.

—    Honnêtement, tu me fatigues. Tu devrais faire attention. Un jour tout te retombera dessus et ça risque de faire mal.

—    Ne t'en fais pas, je ne crains point la douleur ma chère.

C'est désespérée par mon attitude enfantine qu'Éva enlève le frein à main et démarre en trombe.

Cette soirée était loin d'être la meilleure comme loin d'être la pire. Je ne me suis prise qu'une claque, je n'ai couché qu'avec une seule personne ; enfin je me souviens d'avoir couché avec une seule fille je veux dire.

Puis le bilan niveau alcool n'est pas si terrible. Je n'ai vomi qu'une seule fois et là je suis un peu patraque, mais franchement une bonne sieste et c'est reparti. Le seul point qui me titille c'est la honte que je me suis prise face au râteau. Tout le monde se prend des râteaux, c'est normal, mais d'un, ça m'arrive rarement, et de deux, elle l'a fait avec tellement de grâce que ça m'a terriblement gênée. Or, être gênée n'est pas du tout dans mes habitudes.

Lorsque je rentre chez moi, je tombe nez à nez avec ma mère. Elle me regarde d'un air sévère, puis je vois son visage s'adoucir.

—    Alors qui est ce jeune homme qui te fait rentrer si tard ?

Je la regarde, perplexe, puis remarque que je porte les vêtements beaucoup trop grands de Mathis.

—    Ah ça non. C'est les vêtements d'un ami. On a fait la fête hier soir chez lui et on m'a renversé du coca dessus donc il m'a gentiment prêté tout ça.

C'est un petit mensonge, rien de grave. Seulement, vous voyez, ma mère est typiquement le genre de femme qui pourrait débarquer à une fête juste pour me ramener à la maison par la peau du cul. Donc ça m'a pris des années pour qu'elle me fasse confiance. Et ce n'est pas maintenant que ça doit s'arrêter. Puis je sais très bien qu'elle ira envoyer un message à Éva juste pour avoir confirmation. Heureusement pour moi, ma meilleure amie me suit dans tous mes mensonges, surtout quand ça concerne ma mère.

—    C'est bien dommage, j'aurais préféré que tu nous présentes enfin quelqu'un.

—    Maman, j'ai seulement dix-huit ans, j'ai le temps de me trouver le prince charmant.

Et oui, évidemment, j'ai aussi la mère la plus catholique du monde, qui pense que tous les garçons sont à mes pieds et que sa fille chérie va se marier avec un beau jeune homme blanc (oui, pour ne rien arranger, elle est raciste sur les bords) qui sera évidemment le gendre idéal.

Et pour couronner le tout, je ferais des minis moi avec le prince charmant. Beurk. Rien que d'y penser, ça me donne la nausée. Cette image, plus la gueule de bois, ça ne fait pas bon ménage.

—    Oui enfin bon tout de même, tu ne nous as jamais parlé d'aucun garçon. Tu devrais peut-être mettre des robes ou des jupes. Quelque chose de féminin au lieu de tes pulls à capuche dix fois trop grands pour toi.

Et pour finir la présentation, ma mère est vraiment convaincue que je suis hétérosexuelle à cent pourcents. Et qu'un jour, je finirais par être une jolie princesse avec une magnifique robe.

Dix-huit ans que je vis sous son toit et elle n'a jamais remarqué mon penchant plutôt prononcé envers les femmes. Pourtant, la terre entière le sait, mais elle non. Elle préfère fermer les yeux sur tout ce qui pourrait lui mettre la puce à l'oreille à propos de ma sexualité.

À vrai dire, je ne lui ai jamais clairement dit les choses, mais je n'ai pas de travail, pas d'argent et je tiens beaucoup trop à mes petites sœurs pour être expulsée de mon foyer par ma mère. C'est exactement ce qu'il se passerait si elle l'apprenait. Je serais reniée à tout jamais.

Du coup, je préfère mentir pour le moment et lorsque j'aurai tout pour être autonome, je lui dirai tout. Si ça se passe bien, elle m'expulsera en criant, et si ça se passe mal, je ne serais plus de ce monde.

—    Un jour peut-être tu me verras en robe, qui sait, si tu pries assez, un miracle se produira.

C'est exaspérée qu'elle repart dans la cuisine finir de préparer le déjeuner. Je la préviens de mon absence au repas, prétexte une migraine et monte m'affaler sur mon lit. Je n'ai pas à attendre longtemps avant de m'endormir pour une durée indéterminée.

IdioteWhere stories live. Discover now