Chapitre 23

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—    Allez Alex, réveille-toi !! Debout !! Bouge tes grosses fesses.

Qui ose me faire ça ! Genre vraiment, on est le matin, je suis sûre qu'il est tôt et que ... Attends, pouce. Je suis censée être seule dans cette baraque. J'ouvre les yeux à la vitesse de l'éclair et regarde autour de moi. Ma chambre est plongée dans le noir et ma seule source de lumière est le bouton ON/OFF de la multiprise.

—    Bouh !! crie Valentine en illuminant son visage avec la lampe de son téléphone.

Je sursaute tellement que j'en tombe de mon lit. Cause du décès : crise cardiaque due à une mauvaise blague de sa petite sœur de quinze ans suivie d'une chute mortelle.

—    Putain mais tu fais chier ! râlé-je tout en me frottant le genou qui venait de s'exploser par terre.

Devinez qui est morte de rire pendant que je souffre du genou. Je finis par la chasser de la chambre à coups d'oreillers, tout en prenant soin de fermer la porte à clé derrière elle. Il n'y a pas pire comme idée pour me mettre de mauvaise humeur. Le réveil, c'est sacré, il se fait dans le calme, personne me parle tant que je n'ai pas mangé et tout ira bien. Mais alors me réveiller en me faisant peur, ce n'est pas possible. Ma revanche sera terrible.

Je finis par sortir de ma chambre pour faire mon entrée de star dans le salon pour saluer les revenantes. J'avais complètement oublié qu'elles revenaient aujourd'hui. Heureusement pour moi, j'avais passé tellement de temps à l'hôpital que je n'ai pas eu l'occasion de mettre mon bordel.

—    Alors comment c'était ? demandé-je en direction de ma mère qui se retourne pour me faire face.

—    Super ! On a pu voir tes grands-parents et tes oncles, c'était super sympa. C'est dommage que tu ne sois pas venue, il y avait tes cousins. D'ailleurs ça parlait beaucoup de toi.

—    Qu'est-ce que tu veux, je suis une star, dis-je amusée.

—    Oui enfin ils ont surtout raconté beaucoup de bêtises tu sais. Ils ont essayé de faire croire que tu buvais énormément et que tu participais à d'énormes soirées.

Oups. Rappelez-moi d'enlever toute personne de ma famille de mes stories Instagram. Je vais encore devoir la rassurer sinon elle va recommencer à fouiner.

—    Et encore, ce n'était pas le pire, reprend-t-elle de plus belle. Ils ont dit que tu étais lesbienne ! dit-elle en riant à plein poumons.

Merde, merde, merde. Je vous hais les gars, sérieusement. Oui, la terre entière le sait à part ma mère. Ce n'est pas une raison pour tout lui révéler d'un coup comme ça sans mon autorisation. Je n'étais pas du tout préparée à lui faire face là. D'abord le réveil horrible de ma sœur puis maintenant ça ? Décidément la journée ne s'annonce pas fameuse.

—    Ça ferait quoi si c'était le cas ? dis-je en essayant de prendre la température.

—    Tu sais bien que ce n'est pas possible ma chérie. Dieu ne l'autorise pas.

Ok Alex, calme-toi. C'est ta mère, tu es habituée alors souffle un bon coup. Je prie pour que ça marche, sinon je risque de tout lui révéler d'une minute à l'autre alors que je sais très bien que c'est une mauvaise idée. N'oublie pas, tu n'es pas encore autonome, tu as besoin d'un toit. Être toi-même ça sera pour une autre fois.

—    Puis il te faut un homme pour faire des enfants, conclut-elle.

—    Qui a dit que je voulais des enfants ?

Merde et encore merde, ça y est, le moment de ma mort est arrivé. Pourquoi mon cerveau n'est jamais connecté à ma bouche dans ces moment-là. Sa tête en dit long, pourtant ma bouche n'est décidément pas prête à s'arrêter. Ça y est, la machine est lancée, il n'y a plus rien à faire.

—    Une femme n'est pas obligée d'aimer un homme, elle n'est pas obligée non plus d'avoir des enfants.

—    Bien sûr que si, ne dis pas de bêtise. C'est le but d'une vie, un mari aimant, de beaux enfants et un travail qui te plait.

—    Pas forcément. Ça, c'est ton but dans la vie, pas celui de toutes les femmes de cette terre. Moi, par exemple, je veux juste voyager et profiter de chaque instant de ma vie. Je ne veux pas d'un homme ni d'enfant.

J'aurais pu m'arrêter là et limiter les dégâts, mais j'ai plutôt tendance à aimer me mettre dans des situations qui ne sont pas à mon avantage.

—    Et puis maman, je respecte ta croyance en ton dieu. Ça, c'est ton choix et je ne critiquerais jamais tes croyances, mais tu dois aussi respecter que je ne les partage pas, et que dans mes croyances à moi, deux personnes du même sexe peuvent s'aimer sans que cela soit déplacé.

Je la sens prête à argumenter, mais elle se ravise avant d'ajouter :

—    Alors tout ce qu'ils ont dit est vrai ?

—    Je ne sais pas ce qu'ils t'ont dit réellement, mais oui j'aime les filles et je n'y peux rien. Ce n'est pas un choix, ni une maladie, c'est seulement une préférence. Je pensais que tu finirais par le voir au bout d'un moment. Je suis un cliché lesbien ambulant.

Son visage se décompose et elle manque de s'écrouler.

—    Prends un sac et va-t'en, dit-elle, se laissant tomber sur une chaise. Je ne veux plus te voir ici. Emporte ce que tu veux, mais dans quinze minutes, tu es partie.

Je vois dans son regard la déception, celle que je redoutais. J'aurais pu argumenter, essayer de la convaincre, mais je sais très bien que j'aurais perdu mon temps, mon énergie, et en l'occurrence, mes quinze minutes. Ma mère fait partie de ces personnes homophobes qui pensent que l'amour, c'est un homme et une femme.

L'amour pourtant, c'est seulement deux personnes qui s'aiment ou plusieurs personnes qui s'aiment. Pourquoi faut-il toujours que tout le monde juge l'amour. On s'en fiche qu'une femme aime plusieurs hommes si c'est ce qui lui convient. On s'en fiche qu'un homme aime une femme de trente ans son ainé. On doit accepter l'amour sous toutes ses formes. Malheureusement, je crains que ma mère ne le comprenne jamais.

Quinze minutes plus tard, ma chambre est débarrassée, j'ai tout tassé à l'arrière de la Twingo. J'ai emporté les réserves de chips et des packs d'eau. J'ai pris tellement de choses que ma voiture est pleine à ras bord, mais j'avais juste peur d'oublier un truc.

—    Tu pars où ? demande Sofia en sortant de la maison.

—    Mais dit donc, c'est que la petite princesse a beaucoup bronzé ! Tu es toute belle.

—    Maman pleure, elle a dit que tu ne reviendras jamais.

—    Maman et moi on s'est disputées. Donc pour la laisser respirer, je vais partir un peu chez Éva. Mais ne t'en fais pas, ça va s'arranger.

—    Je ne suis plus un bébé tu sais.

—    Ok alors non, je ne sais pas quand est-ce que je vais revenir ou si ça va s'arranger, mais tu n'as pas à t'inquiéter, je reviendrais vous voir en secret, Valentine et toi. Et si tu as besoin de moi, tu prendras ton nouveau téléphone.

Je la prends dans mes bras, la serrant de toutes mes forces. Valentine vient s'ajouter à ces adieux poignants avant que ma mère ne vienne tout gâcher.

—    Ça fait quinze minutes. Les filles, rentrez, dépêchez-vous.

Mes sœurs me lancent un dernier regard plein de tristesse avant de disparaître derrière ma mère. Évidemment, elle ne prend pas le temps de me dire au revoir et ferme la porte, me laissant seule devant ce qui était encore ma maison quinze minutes avant.

Je suis traversée par tellement d'émotions que je ne sais même pas par laquelle commencer. Je suis énervée et en même temps triste. Je suis déçue, mais finalement soulagée. J'ai peur, mais j'ai aussi hâte. Je me dis que c'est arrivé pour une bonne raison et que maintenant il y a peut-être quelque chose de mieux qui m'attend. Tout du moins j'espère sinon j'aurais laissé mes sœurs pour rien. Mon père, lui, ne m'aurait jamais mise à la porte comme ça. Évidemment, il a fallu qu'il parte avant. Le dicton est donc vrai, les meilleurs partent toujours en premier.

Actuellement, un dilemme se présente à moi : dois-je appeler Éva pour m'héberger ou est-ce que je trouve un plan pour m'en sortir afin de n'inquiéter personne ? Je valide la deuxième option, il est hors de question que quelqu'un sache.

IdioteWhere stories live. Discover now