Chapitre 19

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Arrivés devant l'hôpital, je reste complètement bloquée devant la porte automatique qui s'ouvre puis se referme. Mathis me regarde avec incompréhension, me faisant signe de le rejoindre à l'intérieur. J'ai beau essayer de toutes mes forces, je n'arrive pas à bouger.

Tous les souvenirs douloureux liés à mon père et les hôpitaux remontent. Effectivement, ça fait trois ans que je refuse de mettre les pieds dans un hôpital. J'y ai passé de longs mois, à passer ces portes avec espoir pour finalement voir partir mon père. Plus je passais ces portes, plus son état empirait. Aucune amélioration. Mais j'ai gardé espoir. Pour rien finalement. Cet endroit ne m'a rien apporté de bon, seulement de la souffrance. Peu importe la ville ou l'hôpital, je ne suis pas sûre de pouvoir y retourner. J'ai juste envie de fuir, courir aussi loin que possible d'ici.

Mathis fait alors le rapprochement puis me rejoint.

—    Je suis vraiment désolé que tu sois ici, mais j'ai vraiment besoin de toi. Il faut que tu arrives à passer ces portes. Je sais que c'est super dur pour toi, je ne te le demanderais pas si ce n'était pas important. Maya est là-bas, seule, et je ne sais même pas si elle est en vie.

—    Je te jure que j'essaye, je veux y aller, mais mon corps refuse. Je suis coincée là alors qu'il y a une fille que j'aime bien qui est dans un sale état. Je suis autant en panique que toi, mais là je te promets que je n'y arrive pas.

Il me prend dans ses bras et me sert fort, comme si j'allais m'en aller, qu'on ne se reverrait jamais. Il finit par me chuchoter à l'oreille : "t'es forte, tu l'as toujours été. Tu dois l'être encore aujourd'hui, affronte tes peurs. Fais-le pour toi, pour moi et surtout pour Maya."

Il s'écarte et s'apprête à partir lorsque je lui attrape le bras.

—    Ne me lâche pas d'une semelle, je ne veux pas être seule là-bas.

Il acquiesce puis nous entrons, moi toujours accrochée à son bras comme une sangsue. J'ai à peine mis un pied à l'intérieur que je suis prête à faire demi-tour. Malheureusement pour moi, Mathis me prend la main si fort qu'il n'y a aucune chance pour que je m'échappe.

Nous allons à l'accueil où une dame d'une cinquantaine d'années nous dirige vers une salle d'attente.

J'ai l'impression d'être dans cet environnement aseptisé depuis une éternité. Les minutes passent si longuement, c'est même pire qu'en cours au lycée.

Tout est si... blanc, si froid. Personne n'ose faire un bruit, le silence en devient lourd. Tout le monde se regarde, essayant de deviner la raison de la venue de son voisin. L'attente est insoutenable, je résiste, mais l'envie de fuir refait surface et m'envahit de plus en plus.

—    Monsieur Alvarez s'il vous plaît.

Mathis se lève d'un bon et se précipite vers cet homme qui est probablement le médecin qui s'occupe de Maya. Je le rejoins pour avoir enfin toutes les réponses aux questions qui tournent en boucle dans ma tête. Et surtout échapper aux regards insistants des personnes dans la salle d'attente.

—    Excusez-moi madame, vous êtes ? demande le médecin d'un air sévère.

—    Euh... Alex, dis-je me cachant presque derrière Mathis.

—    C'est une amie proche, dit-il finalement.

—    D'accord, dit-il perplexe. Maya a subi un gros choc au niveau de la tête. Elle a ce qu'on appelle un traumatisme crânien sévère. C'est pour cela que nous avons décidé de la plonger dans un coma artificiel...

J'ai l'impression que mon cœur vient de s'arrêter et le mot coma résonne douloureusement. Je sens clairement mon corps lâcher et le monde autour devient totalement instable. Le bruit s'est estompé, tout est flou comme si je devenais myope d'un seul coup. J'essaye de garder les yeux ouverts, je me concentre pour entendre le médecin, mais c'est beaucoup trop dur. Je prends sur moi et, sans savoir comment, mes sens reviennent petit à petit.

—    ... je ne sais par quel miracle, mais elle n'a aucune fracture. Évidemment elle a plusieurs hématomes, mais on a espoir qu'elle se remette bien s'il n'y a pas de complication.

—    Je peux la voir ? demande Mathis la voix tremblante.

—    Oui, mais pas mademoiselle, dit le médecin me désignant du coin de l'œil.

Mathis s'excuse du regard puis suit le médecin jusqu'aux portes battantes. Je le rattrape en courant.

—    Tu as prévenu ses parents ? demandé-je dans un éclair de logique.

—    Euh...

—    Passe-moi le numéro de tes parents, je m'en charge.

—    Je te l'envoie.

Il s'éloigne puis quelques secondes après, je reçois un message avec les numéros. Je tourne les talons et me retrouve seule, dans cet endroit immense, froid, voire flippant. Je me sens terriblement mal, des bouffées de chaleur, la tête qui tourne, il faut que je sorte d'ici.

Je cours le plus vite possible et en quelques secondes je me retrouve dehors. Je respire de nouveau, mes esprits reviennent peu à peu.

Lorsque je suis de nouveau apte à parler correctement, j'appelle la famille de Mathis pour les prévenir. Je suis restée seule, dehors, dans le noir, devant l'immense bâtisse en attendant l'arrivée des personnes qui sauraient gérer cette situation.

Les minutes passent si lentement, je ne tiens pas en place, je veux juste rentrer chez moi, loin d'ici et des mauvais souvenirs. Je ne sais pas comment gérer tout ça, plusieurs sentiments s'entremêlent et j'essaye juste de comprendre et de reprendre le dessus sur mes émotions, mais je me sens comme submergée par tout un tas d'informations.

Habituellement si sûre de moi, je me retrouve complètement désarçonnée face à cette situation. Je me laisse totalement porter par les événements sans faire ce que toute personne sensée aurait fait à ma place. Je me sens si bête.

Appeler les parents, c'est clairement une étape primordiale. Je n'imagine même pas la peur que peuvent ressentir les parents de Maya qui sont à l'autre bout du monde. À vrai dire, je ne sais même pas s'ils sont encore au courant. Ils font de l'humanitaire dans des régions reculées où la connexion est plutôt difficile. Si ça se trouve, ils vivent tranquillement sans se douter un instant de ce qui est en train de se passer.

La voiture des Alvarez fait son arrivée sur le parking d'un grincement de pneu. Je les vois descendre à la hâte en courant vers moi. À mon niveau, ils m'inondent d'innombrables questions auxquelles ma seule réponse est le silence. Aucun mot n'est sorti de ma bouche. Ils sont alors partis sans moi à l'intérieur, me laissant seule une nouvelle fois.

Maya me manque tellement, je sais que rien que sa présence me rassurait. Ses gestes tendres effaçaient toute trace de doute, un simple contact qui pouvait faire fuir toutes mes peurs. Pour une fois, j'avais une fille qui me comprenait, comme me comprenait mon père. Maya, tu ne peux pas me laisser, tu dois te réveiller. Tu dois aller mieux.

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