À vrai dire, s'il avait toujours peiné à apprécier la fantasy — il n'avait jamais fini le premier tome d'Harry Potter, cadeau pour son huitième anniversaire —, c'était parce que la magie lui semblait trop abstraite, trop lointaine... impossible à reproduire dans sa vie. Pourquoi rêver de choses qui n'existeraient jamais ? Il y préférait les films d'action qui, à défaut d'être plus vraisemblables, employaient des armes authentiques. Jamais on ne verrait de guerres remportées à coup de boules de feu, après tout...

L'école des arts visuels traditionnels était un immense doigt d'honneur à son raisonnement.

Alors qu'il marchait, un dragon de glace passa au-dessus de sa tête, avant d'exploser dans une nuée de flocons, sous le plafond de verre du château. Il fut promptement remplacé par un vol d'oiseaux multicolores, qui décollaient d'un des balcons surplombant la cour et planaient en cercle. Le bruit de leurs battements d'ailes s'ajoutait aux dizaines de discussions différentes. Au sol, les stands de vente de matériel artistique succédaient aux Artistes qui s'exerçaient à la magie, et dont les œuvres provoquaient des effets plus impressionnants les uns que les autres. Partout, l'art servait l'imagination débordante des Artistes.

Au milieu de ce tourbillon de manifestations surnaturelles, Valentin voyait les limites de son entendement pulvérisées. À sa première visite de l'école, la veille, il s'était accroché à l'idée que tout n'était qu'illusions, ou effets spéciaux particulièrement bien maîtrisés. Mais il avait rapidement dû céder, et admettre qu'il avait tort : la magie existait. Il était possible de se battre à coup de boules de feu. Il n'avait plus aucune raison de ne pas apprécier la fantasy.

Une fois qu'il s'était remis de ce choc dans sa mentalité, sa curiosité avait été piquée. Peut-être pouvait-il, lui aussi, accomplir de tels prodiges ? Il n'en revenait pas.

Mais l'adulte ne le laissa pas s'émerveiller plus longtemps — ce qui n'était peut-être pas plus mal. Ensemble, ils gravirent un escalier en colimaçon, au coin du fort, jusqu'au troisième balcon ; ce semblant d'effort physique rappela à Valentin les entraînements d'athlétisme, et une excitation incompréhensible s'empara de lui. Une fois en haut, ils traversèrent l'allée, sans prendre le temps d'admirer les tableaux accrochés au mur. Ils s'arrêtèrent devant une porte de bois, semblable à celle de la veille ; bien qu'elle arbore un numéro différent, sur une plaque dorée, au-dessus de la poignée. Sans qu'il ne comprenne comment, Johanna la déverrouilla et s'engouffra dans l'atelier.

Comme la dernière fois, la pièce le déçut. Après tout ce qu'il avait aperçu, il allait passer donc la journée dans ce bureau grand comme un placard, à peine éclairé par une lampe de chevet ?

« Sérieux, t'avais rien de mieux ? s'indigna-t-il. D'accord, je mérite pas un palace, mais tu peux pas nous ouvrir un portail vers un endroit plus... confortable ? »

Maintenant qu'il était plus réveillé, son anglais retrouvait de la consistance.

 « Tais-toi et assieds-toi. »

Il pesta, et se retourna pour partir, mais elle bloquait totalement l'entrée. Il fut forcé d'obéir.

« Pour ta gouverne, je peux pas ouvrir de portail vers n'importe où. Personne ne le peut. Soit tu es déjà allé dans un endroit, soit tu l'as créé, soit tu empruntes un portail créé par quelqu'un d'autre, soit tu te débrouilles sans magie.

— C'est nul.

— C'est l'art. Ça permet plein d'autres choses, et c'est ce qui te permet d'être ici. Parles-en mieux. »

Je parle comme je veux, grogna le dessinateur pour lui-même.

« D'ailleurs, concrètement, elle fait quoi, ta magie de l'art ?

Artistes 1 - Le masque mimétiqueWhere stories live. Discover now