Chapitre VI

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      Le palais entier s'active pour le couronnement. La plus grande salle de bal a été préparée pour l'occasion. Je passe tout mon temps avec Thor et les guerriers, voulant le soutenir. Je n'ai pas revu Balder depuis notre dernière entrevue. Je ne sais pas si je dois m'en réjouir ou m'en effrayer.
     Le jour tant attendu par les Asgardiens arrive enfin. Je me lève aux aurores, assez heureuse à l'idée de voir Thor s'asseoir sur le trône du père de toute chose. Ma tenue est déjà prête, accrochée à l'armoire. Je me plonge d'abord dans un bain chaud, et ressors pour enfiler ma robe. Celle-ci est blanche, les manches sont transparentes comme le tissu qui recouvre mon dos, un épais ruban ocre vient entourer ma taille. La jupe est lisse et vient frôler le sol et un décolleté plongeant fait voir mon médaillon. Ayant vue plusieurs fois Bertha me coiffer, je n'attends pas qu'elle vienne m'aider et tresse mes cheveux sur le côté en y plaçant ces fleurs blanches à l'odeur enivrante. Je ne me ferais jamais à l'image de Freyja dans le miroir. Cette chevelure blonde et abondante, ses yeux bleus, ce visage parfait m'effraie quelque peu.
    J'ose enfin sortir de ma chambre et me rend dans les appartements de Thor. Il est en plein habillement, je l'attends donc dans un immense salon qui précède sa chambre. Il sort enfin vêtu de son armure officiel faite d'or, d'une cape pourpre lui arrivant aux mollets, ses cheveux blonds fondent sur ses épaules, seules quelques mèches sont attachées à l'arrière de sa tête.
   Je me lève et ne retiens pas un sourire. Avec un moue comique je m'incline.
« Votre Majesté.
— Vous prenez vite les bonnes habitudes Freyja. (Ses lèvres se tirent en un sourire).
— Je suis heureuse pour vous Thor.
— J'espère être à la hauteur.
   Je fais un geste signifiant que je ne m'inquiète pas. Nous nous asseyons sur l'un des canapés attendant les ordres de Sif et des guerriers, les trois guerriers étant en charge de l'armée donc Commandants.
— Vous avez l'air ailleurs Freyja. (Thor me regard inquiet).
— L'émotion sans doute. (J'essaye de cacher la véritable source de mon trouble, Balder évidemment).
— J'aimerais que Loki soit là pour ce grand jour.
   Je lève mes prunelles bleus sur le dieu. Les souvenirs de Loki passent dans ma tête en boucles.
— De là où il est... il est avec vous. (J'étrangle un sanglot avant de changer de sujet). Nous devrions peut-être partir à l'avant des guerriers.
   Je me lève tout sourire suivis de Thor. Au moment même où nous sortons entourés de gardes, Sif arrive nous annonçant que tout est prêt et que la cour attend son souverain. Je lance un regard à Thor pour lui montrer mon soutien et prend la direction de la salle du trône.
    Une place est réservée pour moi juste devant l'estrade où le trône est plus rayonnant que jamais. Les voix s'élèvent pour tenter de se faire entendre par leurs interlocuteurs. Je fais glisser mon regard sur la foule, souriant face aux visages joyeux. Mais je m'arrête net lorsque je croise un regard qui m'est familier. Le vert de ses yeux me détaillent intensément, une chaleur vient étreindre tout mon corps. Un grand bruit se fait entendre dans la salle, les derniers murmures s'éteignent. Je détourne le regard puis le repose aussi instantanément, mais il n'est plus là. Était-ce une hallucination où Loki était vraiment là à me regarder? J'ai beau poser mes yeux sur tous les visages de la salle, je ne le trouve plus. Je replonge dans ma tristesse, injuriant mon imagination.
   Thor entre entouré de gardes. La musique se fait plus violente, il marche avec fierté tout en affichant ce sourire qui lui est propre. Face au trône il se tourne vers la foule et salut sous les hurlements du peuple. Fandral s'agenouille et apporte un coussin rouge où est posée la couronne royale. Dans un silence respectueux, Thor soulève la tiare et d'un geste lent la pose sur sa tête. Au même instant des exclamations de joie parcourent la foule, Thor lui même est déstabilisé par cet élan d'allégresse. Les personnalités viennent s'agenouiller une par une devant lui.
Après quoi, le nouveau roi est escorté jusqu'à la salle de bal. Seul les nobles peuvent entrer dans la pièce et assister aux festivités royales. En marchant vers la salle, j'aperçois Sif mal à l'aise dans sa robe.
« Vous êtes ravissante Sif.
Celle-ci me jette un regard perdu.
— Je ne suis pas dans mon élément.
— J'ai cru comprendre cela.
Je passe son bras sous le miens pour l'aider se déplacer. Elle me remercie en riant. Je vois ses yeux suivre Thor de loin, je ressens tout son corps transir sous le poids de l'amour.
— Voulez-vous me demander quelque chose Sif? (Je souris au coin en la voyant rougir).
— Rien de particulier Freyja...
— Vous pouvez me demander n'importe quoi.
— Je ne veux que son bonheur.
— Et si son bonheur était de vous avoir près de lui?
Sif me lance un regard interrogateur, je lui répond par un clin d'œil.
Thor se doit d'inviter une femme à danser pour l'ouverture du bal. Je vois Sif à l'opposé de moi, ses cheveux bruns tombent sur sa poitrine qui se soulève au fur et à mesure que Thor jette un regard sur la foule autour de lui. Le souverain pose ses yeux sur moi et me souris, grâce au collier je recouvre l'apparence de Sif que seul lui peut voir. Il fronce les sourcils puis souris en comprenant mon intention. Il cherche la guerrière des yeux puis la trouvant enfin derrière plusieurs femmes insignifiantes, il s'approche et lui tend la main. La jeune femme glisse ses doigts dans les siens et avance sous les regards de la foule agglutinée. La danse s'exécute parfaitement, Sif ne quitte par les yeux du roi, lui même la regarde. J'entends les battements du cœur de Sif s'accentuer au fur et à mesure que la danse se prolonge. Enfin les musiciens s'arrêtent. Elle respire irrégulièrement, Thor l'amène vers les boissons sous un tonnerre d'applaudissement.
La soirée continue dans la bonne humeur. Thor vient me voir alors que je me place sur le balcon pour prendre l'air.
« Avez-vous apprécié la cérémonie?
— Magnifique, je n'ai pas d'autres mots.
— Freyja vous savez... vous êtes devenue comme une soeur pour moi. (Il me regarde tristement). Je ne supporte pas de vous voir si triste.
— Vous vous trompez je n'ai pas été aussi heureuse depuis longtemps.
— Mais ce bonheur est passager Freyja, vous le savez aussi bien que moi.
Je baisse les yeux sur la balustrade pour cacher mon trouble.
— Est ce que retourner sur Midgard vous ferait du bien?
Je dresse la tête étonnée par cette proposition.
— Je ne pense pas que cela soit une bonne idée.
— Pourquoi pas? Vous rêveriez vos amis, vos...
— Je suis navrée Thor, je préférerais me retirer dans la campagne Asgardienne.
— Mais tout vous rappèlera Loki.
— Je ne peux pas accepter. (Je me mords la lèvre inférieur prête à laisser couler quelques larmes).
— Comme vous voudrez. N'oubliez pas que je suis votre roi mais aussi votre frère. »
Il passe ses bras autour de moi et me serre contre lui, pour ensuite s'éloigner vers ses invités. Je lève les yeux sur le ciel bleu où le soleil illumine le palais. La blessure s'est rouverte dans ma poitrine, l'image de Loki ne me quittera jamais.
« Je suis là Freyja, plus besoin de rêver.
Je tourne mon visage vers Balder qui regarde l'horizon avec un sourire au coin.
— Ne m'adressez pas la parole Balder où je fais scandale.
— Que diriez-vous? Que le pauvre Balder vous a avoué ses sentiments?
Je me détourne pour partir vers la salle de bal, mais il m'attrape le poignet et me ramène auprès de lui.
— Accepteriez-vous une danse ma chère? (Son sourire méchant me donne envie de le frapper).
Il m'entraîne sur la piste où il commence une valse sans la moindre tendresse.
— Votre bijoux me fait de l'œil mademoiselle. (Il fait glisser son regard sur ma poitrine où le Brisingamen est posé). Ou vos attributs féminins je ne sais pas.
Il lâche un petit rire, je réponds a sa réflexion déplacée en lui écrasant le pied. Il fait un grimace sous la douleur. Alors que le dernier pas nous fait nous rapprocher, il penche la tête vers mon oreille et murmure:
— J'aurais ce médaillon Freyja.
— (Je pince les lèvres). Si vous le voulez, il faudra d'abord me passer sur le corps.
— J'y compte bien. »
Il s'écarte de moi dans un rire salace qui me fait tressaillir dans mon intimité de femme. Je vois Thor occupé à bavarder avec les guerriers, il me fait un signe pour les rejoindre mais je m'avance vers les coupes et en avale une d'une traite.
« Décidément l'alcool est votre partenaire lors de soirées.
Je me fige entièrement sous la douceur de cette voix. Mes doigts serrent le verre que je tiens déjà fermement, je le pose sur la table, prend un grosse bouffée d'air et me tourne. Loki est là. Devant moi. Revêtu de l'uniforme royal. Ses cheveux noirs toujours fondant sur ses épaules, ses sourcils épais légèrement froncés, et ses prunelles émeraudes plus intenses que jamais. J'ai l'étrange impression de déjà vue...
— Loki... (les larmes viennent embuées ma vue, je tremble).
— Freyja. (Il s'incline respectueusement). Vous dansez?
Je ne prend pas la peine de lui répondre et avance vers la piste de dance. Je m'immobilise au milieu, attendant qu'il se place devant moi. Il se met face à moi, je n'ose pas lever les yeux sur lui, ne voulant pas être l'objet d'autres hallucinations. Je vois son bras se plier, sa main se présenter pour que j'y glisse mes doigts. Lorsque ma main rencontre la sienne et que ses doigts se referment sur les miens, l'autre vient se poser sur ma hanche m'envoyant au passage quelques décharges électriques pour raviver mon coeur éteint. Je laisse mon autre main caresser son bras pour venir se poser sur son épaule. Cette fois je relève les yeux pour rencontrer son regard. Il fait un pas, puis deux, et m'emmène dans une valse magique. Lorsque celle-ci se calme peu à peu j'ose ouvrir la bouche:
— Où étais-Tu?
   Il ne s'arrête pas de danser et lève les yeux vers le plafond cherchant ses mots.
— Loin, très loin.
   Je remarque soudain que personne n'a remarqué son retour. Je m'arrête donc de danser.
— Qui a-t-il? (Il ne lache pas sa prise et me regarde inquiet)
— Pourquoi personne ne remarque ta présence? (Je lève mes prunelles bleus sur lui).
— Je ne suis visible que pour toi.
— Et pourquoi cela?
   Il baisse la tête desserrant ainsi  son étreinte. Je me dégage violemment sachant ce qui allait se passer. J'avance vers la sortie et me retrouve dans les couloirs.
— Freyja!
  Je me tourne pour lui faire face, n'essayant pas de cacher mes larmes.
— Tu vas repartir c'est cela?
   Il s'arrête à quelques mètres de moi et recouvre une expression triste.
— Je suis obligé.
— Pourquoi être revenu?
— J'ai appris le décès d'Odin, je voulais voir si Thor allait bien.
— Il va très mal mais il garde la tête froide. (Je contracte tout mes muscles essayant de ne pas pleurer de plus bel).
— Je voulais te voir aussi... voir si tu avais survécu...
— Oui j'ai survécu, mais ma mort est imminente si tu pars une fois de plus. (Je baisse les yeux sur le sol, laissant les gouttes salés venir y tomber).
— Je n'ai pas le choix. (Ses lèvres se crispent... cette petite moue m'est si familière mais en même temps si éloignée...).
— Tu as le choix. Tu peux rester.
— Pour faire de l'ombre à mon frère? Pour continuer à te faire souffrir?..
— Loki! (Je le coupe dans son élan). Ne penses-tu pas que repartir aussi vite que tu es arrivé ne me fera pas plus souffrir encore? »
    Voyant qu'il ne répond rien je me détourne vivement et m'enfuis à travers les couloirs pour atterrir dans mes appartements. Si Loki doit partir une fois de plus je ne peux plus vivre dans ce monde.

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