CHAPITRE 68

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— Alors ? demanda l'inspecteur Norton à son collègue. Comment ça se passe avec le jeunot ?

— Je ne sais pas trop quoi penser, avoua Wesley. À peine arrivés, les autres ont invoqué le droit de garder le silence, et ils ont tous demandé le même avocat véreux. Rien d'anormal en somme, ils sont tous bien informés sur leurs droits et préparés. Lui, il n'a pas ouvert la bouche depuis qu'il est arrivé, mais l'équipe de Jay a retrouvé son permis dans une des voitures. Il s'appelle Alistair Hastings. Il a vingt-quatre ans et n'a pas de casier judiciaire. Il est inconnu des services.

Les deux hommes fixèrent le blond à travers le miroir sans tain. Ça faisait une demi-heure qu'il patientait, sans rien dire. Il semblait complètement perdu. Norton secoua légèrement la tête. Cet Alistair avait l'âge de son fils. Il en avait vu défilé, des jeunes délinquants, dans sa carrière, mais celui-ci n'avait pas le même profil.

— Tu as pu avoir des informations via les autres interrogatoires ?

— La plus part n'ont pas l'air de le connaître plus que ça. Ils le présentent surtout comme... commença Wesley, gêné.

— Comme ? questionna Norton en se tournant vers lui.

— Comme une sorte de favori de Aaron O'Leary. Leurs discours coïncident tous, sauf un.

— Lequel ? s'intéressa l'inspecteur.

— Vladimir Slava. Celui qui a l'air de tout prendre à la légère.

Norton hocha la tête. Il voyait parfaitement qui était le fameux « Vlad ». Il donnait déjà du fil à retordre à son équipe en jouant délibérément les idiots. Il le soupçonnait d'être, en réalité, d'une intelligence redoutable, agrémentée d'une touche de folie.

— Qu'est-ce qu'il en dit ?

— Que Alistair a l'habitude de participer à leurs magouilles. Mais je doute de son témoignage, souligna Wesley avec une grimace.

— Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

— Il a assuré qu'il nous dirait tout s'il avait la garantie de partager sa cellule de prison avec Alistair.

Norton grimaça à son tour, et serra les poings. Ce chantage était tout simplement tordu, et malsain. Il plissa les yeux, et reporta son attention sur le blond, qui avait la tête baissée sur ses mains menottées. Son intuition lui soufflait que ce jeune homme était plus une victime qu'un criminel. Mais les faits étaient là : il avait été présent sur une scène de trafic d'arme.

— Qu'est-ce qu'on fait ? demanda Wesley. Il a l'air plus effrayé qu'autre chose.

— On profite de cette peur, trancha Norton au bout de quelques secondes de réflexion. C'est souvent ceux qui sont les plus affolés qui parlent. J'y vais. Tu restes ici, et tu analyses ce qu'il dit.

Dans la salle d'interrogatoire vide, Ash se triturait les doigts, stressé. Il entendait le tic-tac angoissant de la pendule au-dessus de lui. Il était déjà dix-sept heures passées. Ça faisait quatre heures qu'il était arrivé au poste de police. Son téléphone lui avait été confisqué, et il s'était retrouvé isolé. Il était alors passé par plusieurs émotions. Le choc. La tristesse. La peur. Aaron était mort. La scène se jouait dans sa tête, encore et encore. Il le revoyait s'effondrer devant lui, et le fixer de ses yeux émeraude.

Une nouvelle fois, le blond sentit les larmes lui monter aux yeux. Il se sentait misérable, dans la peau d'un criminel. Il s'imaginait déjà derrière les barreaux pour complicité. Jamais il ne s'était senti aussi seul et isolé. Il avait peur d'être mis dans le même panier que les autres, de ne pas être entendu. Soudain, la porte dans son dos s'ouvrit dans un grincement discret. Ash sursauta légèrement, et se retourna. Un homme de grande carrure lui faisait face. Ses cheveux étaient poivre et sel, et ses yeux d'un vert foncé étaient encadrés de pattes d'oie. Sa barbe était rasée de près, mais il avait une épaisse moustache, parfaitement entretenue.

Toucher le ciel [EN RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant