Chapitre 46 : Comme un cheveu sur la soupe

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POV CLEMENTE

Les hurlements de Victoire me déchiraient le cœur. Je n'osais même pas tourner mon regard vers elle, ne me sentant pas le courage de la voir effondrée. Je savais qu'elle mettrait du temps à se remettre de ce terrible événement. Elle, si innocente avant de me rencontrer, était désormais plongée jusqu'au cou dans les méandres les plus sombres de notre milieu. À mes côtés, elle avait tout vécu : un enlèvement, des conflits externes et internes et à présent un assassinat. Heureusement, je savais qu'à l'avenir, elle serait entre de bonnes mains. Valente et mes proches feraient tout pour la protéger et l'accompagner dans son deuil. Ils l'aideraient aussi à retrouver une vie normale. J'avais également l'espoir que, sans moi à ses côtés, Nicola n'aurait plus aucun intérêt envers elle et la laisserait tranquille. Le temps lui panserait ses blessures.

Je levai mon visage en direction de Nicola, nos regards se plongeant l'un dans l'autre. Ce monstre jubilait sans se cacher. Il avait fait du mal à mes proches, m'avait fait passer pour un traître à la famille, moi qui m'étais fait un honneur d'honorer le nom Santini et désormais, il allait mettre fin à ma vie. Il avait gagné, son plan malsain avait été accompli.

Dire qu'il y a à peine une semaine, je vivais ma vie sereinement, sans réel souci. Je travaillais, je gérais mes affaires et profitais de Victoire, appréciant et découvrant ce que signifiait être en couple avec quelqu'un. Les événements s'étaient enchaînés de manière si abrupte qu'ils me semblaient totalement surréalistes. J'avais encore au fond de moi l'espoir de me réveiller de ce cauchemar. Je m'assiérai dans mon lit, repensant à ce mauvais rêve, et je regarderai Victoire dormir à mes côtés, avant de la rejoindre de nouveau dans les bras de Morphée.

Hélas, ce cauchemar était tenace et, quand Nicola vérifia son revolver, je sentis mon rythme cardiaque s'emballer. Trente-trois ans, cela me paraissait si prématuré pour passer l'arme à gauche, presque l'âge de ma mère, qui nous avait, elle aussi, quittés trop jeune. Heureusement, à la différence d'elle, je ne laissais pas d'enfant derrière moi.

Je me demandais comment se passerait la gestion de mon casino après mon décès. Valente pourrait-il en assurer l'intérim ? Nicola le lui laisserait-il ? Le connaissant, il refondrait pas mal de choses, et il ne serait pas étonnant que Valente soit mis sur le banc de touche. Dans un sens, j'étais heureux de ne plus être là pour la suite. Je n'aurais jamais pu supporter de laisser Nicola diriger ma vie.

— As-tu une dernière chose à dire, Clemente ? m'interrogea Nicola, interrompant le fil de mes pensées.

Des derniers mots ? Difficile de résumer en quelques phrases tout ce qui me passait par la tête. Je doutais également que faire mes adieux à mes proches les soulagerait de ma perte. Je décidai alors de réserver mes dernières paroles à l'homme qui allait me tuer.

— Je n'ai pas d'inquiétude pour l'avenir de cette famille. Avec ton comportement, tu me rejoindras bien assez vite, Nicola, et les Santini retrouveront leur honneur. De mon côté, je me ferai un plaisir de t'accueillir en enfer lorsque le moment sera venu.

Mon cousin fronça les sourcils et je vis sa lèvre se crisper légèrement. Chez lui, c'était un signe d'énervement. J'avais visé juste, et j'étais ravi d'emporter comme dernière image du monde des vivants son visage irrité. J'essayai d'afficher un sourire mesquin, tâche difficile lorsqu'on a une arme pointée sur soi, afin de bien accroitre son agacement. Je respirais profondément, régulant ma respiration pour contrôler ma peur. Je craignais peu de choses dans la vie, mais au bord de la mort, j'étais, comme tous, effrayé par l'inconnu.

Je décidai de fermer les yeux, me concentrant uniquement sur les battements de mon cœur et mon souffle. Puis, un bruit puissant résonna dans la pièce. Le coup de feu était parti.

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