Four Aces Of Cards

Chapitre 35 : Prendere il toro per le corna

POV CLEMENTE

  Ça faisait déjà plus d'une semaine que nous étions rentrés de New York, et depuis lors, Victoire m'ignorait complètement. Elle m'évitait, ne répondait pas quand je lui posais des questions, et me lançait des regards blasés chaque fois que nous étions dans la même pièce. Si j'avais eu le choix, j'aurais préféré affronter sa colère, ses reproches, voire ses insultes. Au moins, cela aurait permis de percer l'abcès et de rétablir une relation normale entre nous.

Assis à mon bureau, je tapotais nerveusement mes doigts sur la surface. Depuis mon arrivée au casino, j'étais une véritable boule de nerfs, incapable de me concentrer sur quoi que ce soit. Je comprenais qu'elle m'en voulait, mais je n'aurais jamais pensé que la situation serait aussi tendue. J'avais fait l'effort de lui laisser du temps, d'être aussi doux et discret que possible, espérant que cela améliorerait son humeur, mais sans succès. Cependant, j'étais loin d'être patient et j'étais désormais à bout.

Je n'avais jamais été en couple auparavant, je ne maîtrisais aucun des codes qui permettaient à une relation de s'épanouir, ou dans notre cas, de démarrer. Je naviguais à l'aveugle avec elle, et cela me frustrait énormément. Malheureusement, le fait que nous soyons en froid m'irritait encore plus et me poussait à fournir des efforts pour améliorer la situation. Jamais je n'aurais imaginé me prendre autant la tête à cause d'une femme.

En moins d'un mois, j'avais accompli des actions que je n'aurais jamais imaginé faire jadis. J'avais pris la décision de la protéger, même si cela signifiait m'opposer à ma famille. J'avais radicalement modifié mes habitudes, jusqu'à quitter mon domicile, et j'avais enduré bien plus venant d'elle que de quiconque. En plus de tout cela, même mon comportement semblait s'être modifié. Je cherchais son attention, j'appréciais de la taquiner et savourais son air boudeur qui s'ensuivait, et je m'inquiétais énormément pour elle. Où était donc parti le Clément qui ne se souciait aucunement des femmes et de leur état d'âme ?

Mon téléphone sonna, affichant le nom de Renato. Je soupirai, je n'étais vraiment pas d'humeur pour ça, mais je n'avais pas le luxe de ne pas décrocher. Lorsque le Consigliere prenait la peine de vous contacter, on répondait. Il m'informa de sa venue après-demain. Notre parrain l'avait chargé de superviser les négociations pour l'acquisition d'un nouvel entrepôt avec Valente. Dès que je raccrochai avec lui, je composai le numéro de mon frère pour confirmer une supposition. Je connaissais l'entrepôt qu'ils prévoyaient d'acquérir, une négociation simple que même Valente pouvait gérer. Ça ne nécessitait pas la venue du Consigliere.

— J'ai appris que Renato doit venir t'aider à négocier l'achat d'un entrepôt. Ça m'a surpris qu'il se déplace pour ça.

— Je suppose que tu as deviné que ce n'est qu'une excuse. Il n'en a rien à faire de cet entrepôt, il vient ici pour vous surveiller.

— C'est ce que je pensais. Notre oncle a envoyé son bras droit, rien que ça, il semble prendre très au sérieux notre affaire.

J'avais pu discuter avec Giovanni avant de quitter la demeure familiale. Il m'avait de nouveau mis en garde sur les conséquences d'un mensonge et m'avait fait part de sa perplexité vis-à-vis de notre relation. Je savais que sa sœur lui montait aussi la tête contre nous. Qu'il ne me laissât pas tranquille ne me surprenait pas. Surtout que j'avais appris qu'il devait rencontrer le parrain des Russes dans deux semaines. Je me retrouvais donc avec le Consigliere sur le dos d'un côté et une Victoire énervée de l'autre. Autant dire que j'avais une raison de plus à résoudre ce problème avant la venue de Renato. Maintenant, comment faire était une autre histoire.

— Valente, as-tu une idée de comment je pourrais me réconcilier avec Victoire ? lâchai-je.

Le rire jubilatoire de mon frère de l'autre côté du fil me fit immédiatement regretter de lui avoir demandé de m'aider.