Epilogue

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Appuyée contre une voiture de location, je me tenais dans un parking semi-désert, balayé par des bourrasques glaciales. Enfouissant mon visage dans mon épaisse écharpe, je cherchais un semblant de chaleur, me consolant avec la pensée qu'au moins, il ne pleuvait pas.

Après avoir passé les dernières années en mission humanitaire à travers divers pays, j'avais presque oublié la rigueur des hivers dans le nord des États-Unis. Le climat au Congo, Liban et Syrie, où j'avais vécu et travaillé, étaient bien plus cléments.

Revenir aux États-Unis me procurait une sensation étrange. Pour échapper à mon chagrin, j'avais choisi de tout abandonner et de repartir à zéro. Je m'étais lancée dans l'humanitaire, m'immergeant complètement dans mon travail et me dédiant à des causes qui me tenaient profondément à cœur. Mon travail était exigeant : vivre dans des camps ou dans des contrées isolées n'était pas toujours aisé. Néanmoins, ces expériences s'étaient révélées épanouissantes et enrichissantes, et j'étais heureuse de les avoir vécues. Pourtant, il restait un vide au fond de mon cœur que même ces aventures n'avaient pu combler

Un frisson me parcourut en posant les yeux sur l'immense bâtiment qui se dressait devant moi. Terne et lugubre, il représentait à merveille un centre pénitentiaire et sa vue me plongeait dans la mélancolie. Il matérialisait d'une manière trop tangible le vide qui m'avait habitée ces dernières années.

Pourtant, la raison de ma présence ici aujourd'hui n'était pas teintée de négativité. Après six longues années d'incarcération et une remise de peine anticipée, Clemente allait enfin être libéré. C'était Valente, avec qui j'étais restée en contact, qui m'avait annoncé la nouvelle quelques semaines auparavant. Dès l'instant où j'avais appris cela, j'avais pris le premier vol pour les États-Unis, sans une seconde d'hésitation.

Cependant, au fond de moi, je doutais et l'incertitude me rongeait. Des questions se bousculaient dans ma tête : Comment Clemente allait-il réagir à ma présence ? Avait-il changé durant ces années ? Et surtout mon cœur était-il prêt à le revoir ?

Clemente s'attendait à ce que son frère vienne le chercher, mais c'était finalement moi qui étais chargée de le ramener. Si les choses tournaient mal, s'il refusait ma présence, il lui resterait toujours l'option du bus. J'avais proposé à Valente de m'accompagner, mais il avait décliné, insistant pour que j'aie ce moment en tête-à-tête avec son frère. Valente était bien plus optimiste que moi concernant la réaction de Clemente, et j'espérais de tout cœur qu'il avait raison.

Quoi qu'il en soit, je n'avais rien à perdre, si ce n'est peut-être de me faire briser le cœur une fois de plus. En six ans, malgré la distance et le temps, je n'avais pas pu l'effacer de mon cœur. Alors, je devais tenter ma chance, peu importe l'issue.

Un claquement sec, suivi d'un bip sonore, annonça le déverrouillage et l'ouverture de la porte du centre pénitentiaire. Mon regard se fixa immédiatement en direction de cette dernière, impatiente. Mon cœur rata un battement quand une silhouette familière émergea du bâtiment, un petit sac de sport à la main.

Clemente était toujours aussi séduisant, fidèle à l'image que j'avais conservée de lui. Ses cheveux, légèrement plus longs que par le passé, n'étaient pas coiffés en arrière comme il en avait l'habitude, mais tombaient de façon désinvolte sur son front. Vêtu d'un long manteau ouvert et d'un pull noir, il paraissait avoir pris de la musculature. Il avait probablement passé beaucoup de temps à faire du sport pendant ses journées, une manière pour lui d'occuper le temps.

Lorsqu'il m'aperçut, ses yeux s'écarquillèrent de surprise et il se figea sur place. Un voile d'incrédulité traversa son regard.

— Victoire ?, dit-il, comme pour se convaincre de ma présence.

Je hochai la tête, avalant péniblement ma salive, l'anxiété serrant ma gorge. Entendre sa voix après tout ce temps me bouleversa. Peu à peu, il se remit de sa stupeur et s'approcha. Son visage était de marbre, ne trahissant ni colère ni joie, me laissant dans l'incertitude la plus totale quant à sa réaction à venir.

Arrivé à seulement un mètre de distance, Clemente s'immobilisa. Nos regards se plongèrent l'un dans l'autre, nous nous détaillions mutuellement après tant d'années de séparation. Il entrouvrit légèrement les lèvres, comme s'il allait prononcer des paroles, mais resta finalement muet. Son hésitation était palpable, il était visiblement perplexe face à ma présence ici. Sans lui laisser le temps de rassembler ses pensées, je pris l'initiative, ma voix précipitée trahissant mon état d'agitation intérieure.

— Je sais que tu as mis fin à notre relation, et je suppose que tu ne t'attendais pas à me trouver ici. Valente m'a tenu au courant de ta libération, et j'ai pensé que tu apprécierais peut-être que quelqu'un vienne te chercher. Prendre le bus n'est certainement pas l'idéal, n'est-ce pas ? Alors, me voilà, prête à te ramener, me justifiai-je, ma voix trahissant un manque d'assurance.

Il fronça les sourcils, me dévisageant avec encore plus de scepticisme. Je ne comprenais pas pourquoi j'avais donné une excuse aussi maladroite. Après tout, il avait son frère, Nero et une armée d'hommes de main à sa disposition pour venir le chercher. Pourquoi aurait-il besoin de moi ?

Je me frottai nerveusement le visage, murmurant contre mon manque de courage évident. Puis, baissant les yeux vers le sol, je pris une grande inspiration, cherchant à rassembler ma détermination, avant de reprendre cette fois avec plus de sincérité.

— Pour être honnête, dès que j'ai appris pour ta libération, j'ai pris le premier avion. J'avais tant envie de te revoir.

Je relevai mon regard pour croiser celui de Clemente, empreint de sérieux et d'attention.

— J'ai suivi tes conseils : j'ai voyagé, réalisé mes rêves, vécu pleinement. Pourtant, malgré tout cela, je n'ai jamais pu t'oublier, mon cœur t'appartient toujours, lui confiai-je, ma voix emplie de détermination.

Il me fixa en silence, son regard sondant le mien. Cette attente et ce silence ne m'aidèrent pas à dissiper mon angoisse. Puis, un sourire léger se dessina sur ses lèvres et une étincelle d'amusement illumina ses yeux.

— Je suis soulagé de l'entendre. Je n'ai pas non plus réussi à t'oublier. Chaque jour, tu étais dans mes pensées, et le regret de notre séparation me hantait, révéla-t-il finalement, brisant le silence avec ses mots réconfortants.

Son sourire s'épanouit, irradiant de chaleur. Il étendit les bras, m'invitant dans son étreinte. Sans une once d'hésitation, je me blottis contre lui, aspirant profondément son odeur si familière qui m'avait tellement manqué.

— Je gardais l'espoir secret de te voir ici, aujourd'hui, murmura-t-il, enfouissant son visage dans mes cheveux avec une douceur infinie. L'idée que tu puisses être là semblait irréelle, mais maintenant, c'est une source de bonheur incommensurable. Mon souhait le plus cher s'est exaucé.

Dans l'atmosphère froide et lugubre de ce parking, nous étions heureux et à notre place, blottis l'un contre l'autre dans une étreinte qui reflétait la profondeur et la sincérité de nos sentiments. Après tant d'épreuves, nous étions enfin réunis. Et j'étais convaincue, dans cet instant parfait, que notre avenir ne pouvait être que radieux.

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Voici la fin de Four Aces Of Cards, j'espère que vous avez apprécié cette histoire sans prétention écrite en 2017.Replonger dans cette histoire et la réécrire était un travail intéressant, je pensai reprendre que quelques passages, mais j'ai finalement fait bien plus de modification que je le présentai au départ. J'ai apprécié de retrouver cet univers, bien que certains passages et la manière dont j'écrivais auparavant m'ont parfois fait grincer des dents. Ayant fini mes deux romans en cours, je vais pouvoir désormais me lancer dans d'autres projets ! Vous pouvez me retrouver sur Instagram : https://www.instagram.com/milki_auteur/

Four Aces Of CardsOnde histórias criam vida. Descubra agora