La nature de Roxane - tome 1 : Maudits

Chapitre 58

Je lorgnais l'élégante robe rouge incrustée de pierres précieuses, posée sur le lit, la motivation filant peu à peu.

- Allez, enfile-la ! s'impatienta Clara, toujours en robe de chambre, soit dit en passant.

- Pourquoi se mettre sur son trente et un alors qu'on sait pertinemment que tout va voler en éclats ce soir ? Autant rester en tenue décontractée ; c'est plus simple s'il faut se battre ou s'enfuir.

Ma meilleure amie prit mes mains dans les siennes et son regard émeraude me fixa intensément.

- Personne ne va fuir ou se battre ce soir, OK ? Tu vas juste briser cette malédiction avec Lucy et Aaron, puis tout rentrera dans l'ordre !

Je ris amèrement.

- Rien ne se passe jamais comme prévu. J'ai un mauvais pressentiment, et l'expérience m'a démontré qu'il faut toujours se fier à son instinct. Si je te dis qu'un nuage noir plane au-dessus de nos têtes, j'ai probablement raison.

Des pas s'arrêtèrent quelques secondes devant la porte close de la chambre avant de s'éloigner. Je reconnus la démarche de Chad.

- Je reviens, prévins-je Clara.

- Mais... Tu dois te préparer !

N'en faisant qu'à ma tête je m'élançai après mon frère qui était déjà loin de ma chambre.

- Chad ! le hélai-je au milieu du couloir alors qu'il s'apprêtait à sortir par la porte d'entrée.

Il ne se retourna pas. Je pensais qu'il ne m'avait pas entendue, puisque le flot d'invités incessant me permettait à peine de distinguer le haut de sa tête. Tant bien que mal, je me frayai un chemin parmi la foule qui envahissait les couloirs pour rejoindre la grande salle de cérémonie, ou l'extérieur du manoir.

A force de jouer des coudes, je parvins à gagner la sortie. Je rappelai Chad qui avait atteint l'arrière de la bâtisse entre-temps, mais il ne répondit pas une nouvelle fois. Je le rejoignis aussi vite que possible.

A l'extérieur, d'innombrables lanterne éclairaient le chemin vers l'entrée de la grande demeure des Jackson. Des dizaines de tables étaient collées les unes contres les autres, revêtues de délicates nappes, tout comme les chaises. Toute sorte de nourriture ornait les plats. Les odeurs auraient pu être alléchantes si j'avais été humaine, ou du moins, pas un vampire. Seule celle du sang m'intéressait. Je songeai à faire un crochet par le banquet pour me servir un verre avant de rejoindre mon frère, mais je m'en dissuadai à temps.

- Chad, appelai-je encore, cette fois derrière le manoir.

Il était de nouveau dans mon champ de vision, entouré par l'obscurité. Ses pas ralentirent et il s'approcha du grand olivier qui se dressait fièrement derrière la résidence. Cette fois, j'en eus assez de lui courir après sans obtenir de réponse, alors je fonçai droit sur lui et m'arrêtai à quelques centimètres de son visage. Il semblait surpris de me trouver aussi près de lui, aussi recula-t-il de quelques pas.

La douleur était aussi poignante que si l'on m'avait poignardée en plein cœur. Craintive d'être rejetée à nouveau, je ne bougeai pas d'un pouce et mon visage se fit si impénétrable que même les plus talentueux des devins n'auraient pas deviné ce qui se tramait dans mon cerveau. Pourtant, à l'intérieur je bouillais. J'avais envie de pleurer, de hurler, de frapper. J'avais envie de supprimer cette barrière invisible qui m'empêchait de serrer mon frère dans mes bras. J'avais envie de tuer la source de mon problème. Sauf que cette fois, pour mon grand malheur, Aiden n'était pas mon problème.