Chapitre 41

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Tout le monde dormait, à part Aaron. Il était assis sur un carton, tourné vers la fenêtre crasseuse d'où filtraient de faibles rayons de lune. Il semblait subjugué par la vue médiocre.

Il ne se retourna pas quand je posai une main sur son épaule.

Donc, il est en colère.

Je ne suis pas en colère, protesta-t-il.

Alors retourne-toi.

Si je me retourne, je vais flanquer une raclée à ce sorcier.

Je réduisis la distance qui nous séparait et le contournai, avant de me poster juste devant lui. Il refusa de me regarder. En fait, il m'ignorait totalement.

Si c'est contre Chad que tu es énervé, alors pourquoi refuses-tu de me regarder dans les yeux ?

- Je ne suis pas énervé ! s'emporta-t-il, à voix haute.

Sally ouvrit ses yeux ensommeillés et grommela :

- Si vous pouviez faire votre dispute de couple dehors, franchement, ça m'arrangerait.

Tu empestes son odeur ! poursuivit-il, hors de lui.

On parlait. Puis il m'a mise sur les nerfs, alors je l'ai giflé. Mais... Je crois que j'ai fait de l'électricité. Ensuite, il a essayé de m'embrasser, et il a pris le jus encore une fois. Je l'ai repoussé, Aaron.

Il ne répondit pas.

OK. Comme tu voudras.

Je tournai les talons, furieuse, et me réfugiai dans la pièce d'à côté.

Là où nous nous étions embrassés plus tôt. Juste avant que nous nous fassions attaquer.

Les souvenirs resurgirent brusquement, aussi poignants que si je les vivais à nouveau. Je suffoquai et dû me retenir au mur pour ne pas tomber, tant mon corps tremblait sous l'effet de la mémoire. Je me revoyais embrasser fiévreusement Aaron. Puis il y avait eu un fracas assourdissant dans le hangar, et je m'étais ruée sauver mes amis, inconscients. Après avoir abreuvé Chad de mon sang, je m'étais évanouie, plongée dans une vision. Et là, alors que je faisais avancer mon poltergeist, j'avais été poignardée en plein cœur par un homme. J'avais à peine eu le temps d'apercevoir son visage que je sombrais déjà.

Puis j'étais morte.

Pourtant, les yeux de cet homme... Ils me rappelaient quelqu'un, que j'avais déjà croisé. J'ignorais où et quand, mais j'en étais certaine.

Soudain, une peur étouffante et oppressante s'empara de moi, grimpant et s'insinuant lentement et doucereusement dans mes veines, et rampant dans mon échine. Si, dans cette vision, j'avais été tuée, dans la précédente, j'avais failli l'être. Qu'est-ce que cela signifiait-il en vue de la prochaine ? Serait-ce le même scénario ? Il n'y aurait peut-être personne pour m'aider la fois suivante, et alors, je serais vraiment partie. Pour toujours.

Car même l'Élue, peut mourir.

Je me laissai glisser contre le mur et pris mon visage entre mes mains. Mes sinus me piquaient, et je luttai pour refouler les larmes.

Je suis forte. Je vaux plus que cela. Je suis forte, répétai-je comme une litanie.

Mon crâne grésillait si vigoureusement que je n'entendis pas Aaron rentrer et refermer doucement la porte derrière-lui. Je ne m'étais même pas rendue compte que, malgré mon acharnement, mes larmes coulaient.

Je ne fis même pas l'effort de sécher mes joues humides et me laisser aller dans ses bras tendus.

Sa colère semblait s'être envolée. Trop facile, avais-je envie de protester. Tu m'ignores quand j'essaie de te parler, et tu accoures dès qu'une larme s'échappe.

La nature de Roxane - tome 1 : MauditsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant