Chapitre 22

2.1K 208 12
                                    

CHAPITRE 22

À peine fus-je relevée que le loup s'accroupit, ventre à terre, prêt à attaquer une nouvelle fois, un éclat ténébreux qui reflétait la lune dans ses iris sombres.

Lorsque le loup-garou sauta dangereusement pour ensuite m'atterrir dessus, une ombre cuivrée se mêla à celle, noirâtre et menaçante. La bête qui venait d'arriver enfonça brusquement ses longs crocs ivoire dans le flanc de mon assaillant et du sang gicla. La bête poussa un long hurlement de douleur.

La créature auburn me jeta un regard à la dérobée. Je reconnus l'étincelle de ses yeux entre toutes. Cette moucheture dorée dans l'œil gauche n'appartenait qu'à Aaron.

Je restai plantée là, démunie de toute réaction, quand soudainement, ce fut au tour de mon ami de crier.

L'autre loup, apparemment remis de sa blessure, lui avait asséné un énorme coup de crocs qui lui avait déchiré tout le flanc jusqu'au milieu du ventre. Le sang coulait à flots, et Aaron tituba sur quelques mètres avant de s'étaler de tout son long sur le sol de la forêt. Ses yeux perdaient peu à peu de leur étincelle tandis qu'il plongeait dans l'obscurité.

Je fis un bond et attrapai le monstre noir par le cou, menaçant de lui briser la nuque.

Un problème venait pourtant s'interposer.

Le loup.

Je ne pouvais pas le lâcher, de peur qu'il nous attaque à nouveau. Malgré mon envie pressante de le tuer, je me rendis compte que je ne souhaitais pas réellement l'exécuter.

Mais tu es obligée ! Ce sera lui qui vous tuera, sinon ! L'animal rugit une fois de plus, et en tournant sa tête dans tous les sens, il me mordit le dessus de la main. Ne réfléchis plus, passe à l'action. Dans un mouvement brusque et dépourvu de réflexion, je brisai la nuque de la bête.

Le loup s'effondra, dénué de vie, les yeux vitreux, le cœur silencieux.

J'ignorais si je devais me sentir fière d'avoir sauvé Aaron au prix de la vie d'un autre, ou révulsée d'avoir tué un animal. Qui plus est, n'en était pas un.

C'était un humain. Un être surnaturel comme moi, comme tous ceux qui me côtoyaient ces temps-ci. J'avais tué un des miens !

Il voulait te tuer lui aussi ! Ravalant ma bile, je me relevai, pour me souvenir enfin de la présence d'Aaron étendu au sol, se vidant de son sang et balançant entre la vie et la mort.

Il avait repris forme humaine et semblait encore plus mal en point.

Je me précipitai sur lui et mordis dans mon poignet pour lui offrir mon sang, mais il secoua tant bien que mal la tête.

- Aaron, déconne pas. Bois-ça.

Je posai sa tête sur mes genoux, et un faible sourire s'afficha sur son visage.

- À une condition, gémit-il.

- Laquelle ?

Mais il ne répondit pas, et ses paupières se fermèrent.

- Aaron !

Affolée, je pris son visage froid entre mes mains, le secouai, mais rien n'y fit. Je donnai finalement des coups de poing sur son torse nu, mes mains battant contre ses muscles denses. Je posai finalement ma paume contre son cœur.

Dieu merci, celui-ci battait. Je l'entendais si faiblement qu'il se mêlait au mien, courant le marathon.

Je fis à nouveau couler le sang de mon poignet pour faire glisser quelques gouttes entre les lèvres mi-closes d'Aaron, mais il reprit connaissance entre temps et les serra du mieux qu'il put.

- Aaron, arrête de résister. Tu te vides de ton sang et tu risques de mourir.

Ma voix faiblit, pour ne devenir qu'un murmure apeuré.

- Je ne veux pas te perdre, Aaron.

Des larmes chaudes se mirent à couler le long de mes joues, tandis que ma gorge se nouait atrocement.

- Embrasse-moi, dit-il.

- Quoi ?

Mais j'obtempérai et posai mes lèvres sur les siennes. Il me rendit mon baiser, et je mordis ma langue avant de la pénétrer dans sa bouche, et le sang y coula.

Aaron se raidit, mais se mit finalement à lécher le sang sur ma langue et nos cœurs battirent au même rythme effréné. Il reprit rapidement ses forces, et, toujours la tête posée sur mes genoux, il m'embrassa férocement. Il m'attira vers lui, afin que je m'asseye sur son torse sculpté. J'étais bercée par la douceur de ses bras sur mon dos, qui descendaient dangereusement sur mes hanches, avant de glisser sous mon t-shirt. Le contact de ses doigts tièdes sur ma peau m'envoya des frissons dans tout le corps, et j'empoignai ses cheveux, avide de ses baisers, de ses lèvres.

De lui.

Je n'avais jamais ressenti autant de choses, le peu de fois où j'avais embrassé Chad. En pensant à lui, je me figeai, certaine que je faisais une énorme erreur.

Je ne pouvais pas me laisser aller alors qu'Aaron avait frôlé la mort.

Et que je venais de tuer quelqu'un.

J'enlevai les mains d'Aaron de mes hanches et me relevai, la tête ayant laissé place à un essaim d'abeilles.

- Il faut y aller, les autres vont s'inquiéter, lâchai-je bêtement.

Aaron semblait troublé et blessé, mais il hocha la tête et me laissa partir.

Je découvris que le loup que j'avais tué avait repris forme humaine, gisant au sol comme une feuille d'arbre tombée de son perchoir.

C'était une femme que je n'avais jamais vue sur le campus. Son visage, à moitié dissimulé par ses cheveux noirs en bataille arborait une teinte cadavérique, tandis que ses yeux noisette vitreux fixaient le ciel, comme s'ils avaient suivi son âme s'envoler dans les airs avant de se perdre dans le vent.

Je masquai mon dégoût et tous les sentiments horriblement douloureux qui s'amusaient à poignarder mon cœur, et je m'en allai, le cœur serré et lourd de sentiments.

La nature de Roxane - tome 1 : MauditsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant