Chapitre 37

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La dernière fois que j'avais fait mes bagages, c'était pour venir ici. Clara m'avait aidée à fourrer mes vêtements dans la valise, et elle avait insisté pour que j'emporte ma robe noire en dentelle. Je me souvins de la difficulté que j'avais eue à retenir mes larmes quand je lui avais dit adieu après le dîner. Je l'avais hypnotisée plus tôt dans la journée afin qu'elle arrête de s'inquiéter pour le divorce de ses parents et qu'elle ne se morfonde plus au sujet de sa rupture avec Matt. Depuis, plein de choses avaient encore changé. C'était comme une spirale sans fin, qui, à chaque tournant empruntait un chemin plus sinueux et profond dont il était impossible de s'en sortir.

- Prenez tout l'argent liquide que vous avez, dis-je à Lucy et Sally. Il faudra à tout prix éviter de retirer, pour ne pas être pistés.

Depuis que nous avions retrouvé Lucy et Sally, cinq jours plus tôt, nous nous étions montrés plus discrets que possible ; aucun cours séché, aucune remarque désagréable à l'encontre d'un prof, aucun regard de travers. C'était à peine si nous osions parler entre nous dans les couloirs. Nous ne trainions pas à la cafétéria, préférant les repas en comité réduit à l'écart des oreilles indiscrètes. Dès que nous avions du temps libre, nous nous réunions dans le bureau de Mr Kade afin de mettre en place un plan. Je ne traînais pas avec Sally en public, afin que Turner, Blake, ou n'importe quel prof de mèche avec eux ne soupçonnent rien.

Aaron m'avait sciemment évitée tout ce temps. Il m'adressait à peine la parole et ses regards, non seulement rares, étaient dénués de toute expression. Même ses pensées étaient verrouillées. La veille, lors de la pleine lune, il avait refusé que je l'accompagne dans la forêt, car il n'est pas « un chien qui a besoin d'être baladé et surveillé », d'après ses dires. Son comportement me blessait plus que tous les sorts que pouvait me jeter Blake. Je me sentais horriblement coupable, et j'en voulais aussi à Chad, pour m'avoir embrassée.

- Ne charge pas ton sac inutilement, on ne part pas en camping, lançai-je à Sally qui s'apprêtait à enfourner une troisième paire de chaussures dans sa besace pleine à craquer.

Je fourrai deux pulls, des sous-vêtements, un pantalon et un bas de jogging dans mon sac, les quelques billets que mes parents m'avaient donné avant de partir et mes papiers d'identité.

Lucy s'affairait à côté de moi tandis que Sally gardait ses distances, près de son lit. Le calme régnait dans la chambre, interrompu uniquement par le frottement des vêtements.

La nuit se décida enfin à tomber, après avoir suffisamment résisté au jour. Nous nous étions donné rendez-vous dans la forêt, à une heure du matin. Il serait convenablement tard pour s'enfuir en sécurité. La lune n'étant pas pleine cette nuit, nous ne risquions pas de tomber sur une meute de loups-garous enragés, prêts à nous déchiqueter à pleines dents.

- Je vais chercher du sang à la cafétéria avec Lucy. Pendant ce temps, tu montes la garde, dis-je en levant le menton vers Sally.

- OK, répondit celle-ci.

Il y a intérêt.

Le réfectoire était vide, l'heure du dîner étant dépassée depuis un moment. Pourtant, un serveur était encore occupé à nettoyer le comptoir. Je remplis un broc de sang que je vidai dans deux bouteilles vides. Je ne pouvais pas en prendre trop d'un coup sans que l'homme se doute de quelque chose. Aussi mimai-je à Lucy que j'allais me servir directement dans la réserve, à l'arrière de la pièce.

Elle acquiesça presque imperceptiblement et se servit un morceau de tarte aux poires qu'elle enfourna aussitôt dans sa bouche, avant d'avaler un verre de jus en une gorgée. La vitesse à laquelle cette fille mangeait me fascinait.

La nature de Roxane - tome 1 : MauditsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant