Chapitre 52

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Je traversais la forêt en sens inverse sous la lueur de la lune qui éclairait le sentier cahoteux. Il s'étendait à perte de vue. A croire qu'il ne terminait jamais. Comme les ennuis, songeai-je.

Je commençais à croire que j'étais perdue, car je ne me souvenais pas avoir emprunté ce chemin à l'allée.

Je continuais dans ma lancée. Je finirais bien par arriver quelque part. De plus, les coups que m'avait portés Aaron m'avaient affaiblie, et j'avais besoin de sang. Il fallait que je trouve une veine juteuse au plus vite.

Aaron aurait pu m'attirer de sérieux problèmes. Il aurait pu me tuer, tout simplement.

Mais il ne l'avait pas fait, et je ne comprenais pas pourquoi. Mais je me sentais trahie. Aaron avait toujours été là pour me protéger. Il n'avait jamais levé la main sur moi, et il me défendait envers et contre tout. Il ne lui avait fallu qu'un maudit prétexte pour essayer de m'achever. Et il disait m'aimer, en plus ! Je ris amèrement. Je n'y croyais pas le moins du monde. Je le détestais de tout mon être.

Rancœur et haine étaient les deux seules émotions qui m'habitaient en permanence.

Finalement, j'accélérai le pas pour arriver plus rapidement à la ville, quand ma tête me tourna. Je chancelai et me retins de justesse à un tronc d'arbre, tandis que les vertiges redoublaient d'intensité. Des bourdonnements incessants s'immiscèrent dans mes oreilles et une migraine me vrilla le crâne. Je tombai à genoux, le souffle court, les yeux brûlants.

J'allais me faire emporter dans une vision.

- Non ! hurlai-je au vent, un son guttural et profond s'échappant de ma gorge.

Je croyais que tout ceci était terminé. Que je n'avais plus rien à voir avec cette foutue malédiction. Pourquoi s'acharnait-elle toujours à me rattraper, ou que j'aille ?

Des taches jaunâtres barrèrent mon champ de vision, et juste avant de sombrer, je crus apercevoir la silhouette d'Aaron au loin, dissimulée sous les feuilles des arbres.

Je jetai un regard courroucé au scintillement bleuté au fond long tunnel sombre, comme si je le tenais responsable de ce qui m'arrivait. C'était la vérité. Je fis abstraction de la douleur, et sans même faire l'effort d'activer mon poltergeist.

N'oublie pas... me susurra Aiden.

- Ta gueule, ordonnai-je tout haut.

Cerise sur le gâteau, je m'assis sur le sol brut, les pieds toujours enracinés jusqu'aux chevilles. A quoi bon m'embêter alors que plus rien ne comptait ? Je n'avais plus aucune motivation pour briser la malédiction, même si je me rappelais vaguement avoir promis à quelqu'un que je ne cesserais de chercher. Ils n'avaient qu'à tous crever, je n'en avais rien à faire. J'étais en vie : c'était tout ce qui comptait.

N'oublie pas, répéta Aiden.

Un courant d'air passa devant moi, et je m'attendais à recevoir un pieu en plein cœur, mais il ne se passa rien.

Pour un hybride millénaire aux sens décuplés, j'ai comme l'impression que ton ouïe fait des siennes. Serais-tu en train de vieillir, papa ? susurrai-je intérieurement.

Je n'eus pas la chance d'obtenir une réponse car le sol se fit soudain étrangement moelleux, et l'obscurité fut rapidement remplacée par une lumière accrue qui m'éblouissait, même les yeux clos. L'odeur humide du renfermé avait cédé à celle du feu de bois. Je n'étais plus assise, mais allongée.

J'ouvris les yeux pour de bon et je bondis littéralement hors du canapé dans lequel j'étais allongé, l'emportant dans ma chute. J'atterris sur les fesses, et manquai de me cogner contre une table basse massive.

La nature de Roxane - tome 1 : MauditsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant