Chapitre 36

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La première chose que je vis dans le regard d'Aaron fut la douleur. Sa moucheture dorée dans son iris gauche sembla scintiller, et mon malaise ne fit que s'accentuer. Chad serra la mâchoire, mais il ne cilla pas, bien trop fier pour montrer un quelconque signe de faiblesse.

L'air crépitait presque autour de nous et je soupçonnais Aaron sur le point de s'attaquer à Chad, mais il n'en fit rien, à mon plus grand soulagement.

- C'est l'heure, dit-il simplement, la voix plus dure que je ne l'avais jamais entendue, voilant à peine la menace qui pesait sous ces propos.

Quand je compris qu'Aaron faisait référence au sauvetage de Lucy, je repris tous mes esprits.

- Je viens avec vous, chuchotai-je.

La dénégation se refléta dans les yeux des deux garçons. Pourtant, au bout de quelques secondes Aaron hocha sèchement la tête.

- Prépare-toi. Tu as une minute.

Puis ils sortirent de la petite pièce.

J'ouvrai le placard dans l'espoir de trouver des vêtements propres mais il n'y avait qu'une blouse d'hôpital.

Sous le lit, souffla Aaron.

Je me penchai, soulevai le matelas et m'emparai d'un pantalon et d'un débardeur noirs. Mes baskets étaient disposées sous le lavabo. Je m'attachai les cheveux, me passai de l'eau sur le visage et ouvris la porte.

Chad et Aaron étaient chacun postés d'un côté de l'embrasure, mais ils ne se lâchaient pas du regard. On aurait dit un combat silencieux.

Finalement, ce fut Aaron qui rompit le silence.

- Par-là.

Nous le suivîmes dans le couloir obscur, éclairé d'une ampoule tous les quatre cinq mètres. Nous bifurquâmes à droite avant de descendre un escalier sur trois étages. Soudain, nous atterrîmes à l'extérieur du bâtiment, du côté de la forêt.

Je distinguai Mr Kade dans la pénombre, et je me sentis obligée de poser une question.

- Comment fait-on si quelqu'un entre dans ma chambre à l'infirmerie ?

- Personne n'y entrera, j'ai réussi à convaincre l'infirmière de te laisser sortir, répondit Mr Kade.

J'étais cependant sceptique, mais n'en montrai rien.

- OK, par où est-ce qu'on est censés arriver aux cachots ?

Le père d'Aaron montra le mur du lycée, et je remarquai une grille au ras du sol, haute d'une cinquantaine de centimètres.

Chad se pencha pour la retirer, mais il n'y parvint pas. Aaron n'essaya même pas, mais son regard se posa sur moi.

- J'ai compris, fis-je embarrassée d'être la seule capable d'ouvrir ces barreaux.

Je m'accroupis et tirai sur les barres de fer, que je parvins à arracher du mur sans effort. Mr Kade passa le premier, suivi par Chad. Aaron me fit signe d'entrer à mon tour, et il ferma la marche.

Autant le campus respirait la modernité, autant ces couloirs en étaient tout le contraire. Sur les murs en pierre étroits et sales pendaient des toiles d'araignées. Certaines rejoignaient même le sol inégal et poisseux.

Mr Kade avait attrapé une torche au passage, et Chad l'avait allumée. Bien que je n'aie pas besoin d'être éclairée, la flamme chaude me rassurait quelque peu.

Nous évoluions dans les ténèbres à mesure que l'atmosphère se rafraîchissait, et que l'oxygène se raréfiait. Je ne nécessitais pas de beaucoup d'air, mais mes amis oui. Leur respiration se faisait plus saccadée et leurs pas hésitants. En revanche, ils ne reculaient pas, et nous poursuivions notre incessante progression.

La nature de Roxane - tome 1 : MauditsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant