Chapitre 34

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CHAPITRE 34


Je me précipitai hors de ma chambre et rejoignis celle de Chad. Même si mes pensées me hurlaient d'aller voir Aaron en premier, je parvins à rationaliser la situation en avertissant le frère de la disparue.

Bien entendu, Lucy ne répondait pas au téléphone. Je ne sentais pas son odeur dans les couloirs du lycée, signe qu'elle était sortie il y avait déjà un bon moment.

Au moment de toquer à la porte, je me rendis compte que j'étais en short et débardeur. Je faillis faire demi-tour pour me changer, mais je n'en avais pas le temps.

A peine j'eus cogné un coup contre le battant en bois, que j'entendis les couvertures tomber du lit. Chad ne perdit pas son temps et ouvrit la porte en enfilant un jean, torse nu.

- Oh, désolée, bafouillai-je en détournant les yeux et rougissant.

- Qu'est-ce qui se passe ? s'enquit-il, pas le moins du monde dérangé par sa tenue. Il arborait une expression inquiète, mais ne manqua pas de faire courir ses yeux sur ma peau dénudée.

- Je ne sais pas où est Lucy. Sally aussi a disparu.

Chad ne perdit pas son temps et noua ses baskets, attrapa sa veste et son téléphone portable, puis il ferma la porte de sa chambre à clé.

Je n'eus pas besoin de toquer à la porte d'Aaron. Il entendit mes pensées depuis l'autre bout du couloir, et à peine avais-je fait deux pas qu'il surgit de la pièce, vêtu lui aussi d'un jean déboutonné et sans t-shirt. Son regard se posa une fraction de seconde sur mes courbes, et je rougis à nouveau.

Mais qu'est-ce qui leur prend à se pointer comme ça devant moi ?

- On commence où ? demanda Chad, dubitatif.

- La trappe, répondit instantanément Aaron, en détournant les yeux de mes jambes.

- Quoi ?

- C'est là qu'Aaron a été enfermé pendant une nuit de pleine lune par Turner, informai-je Chad. Je suppose que Sally était aussi sur le coup.

Nous nous ruâmes vers la forêt, trop sinistre et silencieuse à mon goût. Pas un seul oiseau ne piaillait, et le vent ne soufflait plus dans les branches entremêlées. Seul le bruit de nos pas qui battaient le sol résonnait autour de nous. Chad avait du mal à garder l'allure, fermant la marche, tandis que je guidais notre trio. J'étais forcée de ralentir ma course et d'attendre mes deux amis qui traînaient derrière moi.

- On y est.

Je m'apprêtais à me baisser pour soulever le couvercle de la trappe, mais je reçus un coup violent derrière le crâne qui me fit tomber en avant, me rattrapant tout juste de mes bras. Des étoiles devant les yeux, je me relevai non sans mal, cherchant Chad et Aaron du regard.

Ils avaient disparu. Où étaient-ils passés ? Je ne les voyais nulle part. Je m'apprêtais à les appeler, mais me retins au dernier moment. Éviter à tout prix d'attirer plus de monde ici était ma priorité. Et sauver ma peau et celle des garçons, au cas où.

Aaron ? Où êtes-vous ?

Juste-là ! répondit-il.

Je ne vous vois pas.

- On est juste devant toi, Roxane.

Pourtant, je ne voyais strictement rien. Je me remis sur pieds et avançai vers la voix de Chad quand je percutai un mur invisible, qui me barrait littéralement la route. Je longeai la paroi translucide mais ma main appuyée dessus recevait toujours des décharges désagréables au point de me donner des fourmillements dans tout le corps.

Je commençais à paniquer quand un nouveau coup me fit basculer tête la première contre le mur cristallin. Mes os craquèrent et ma vision s'obscurcit. Un cri de rage monta le long de ma gorge en même temps que je me remettais sur pieds.

Maintenant, je le voyais bien ce mur. C'était en réalité un dôme, d'une trentaine de mètres de hauteur, sur une vingtaine de diamètre. Mais j'étais seule à l'intérieur.

On va te sortir de là, Roxy.

Partez chercher Lucy, je vais me débrouiller.

J'entendis des pas résonner, mais ils semblaient lointains et étouffés. Je reportai mon attention à mon agresseur invisible.

Le vent se mit à souffler à l'intérieur du dôme, les feuilles tapissant le sol s'envolèrent et tournoyèrent, et la terre se mit à trembler. Je jetai un regard en l'air, et un éclair zébra la coupole transparente. Une silhouette pris forme en plein milieu, et je distinguai rapidement Blake, la prof de littérature, alias la sorcière du Triangle Obscur.

Un rire doucereux s'échappa de ses lèvres, et ses yeux s'enflammèrent tandis qu'elle levait les bras vers le ciel.

- Chère Roxane Carter, susurra-t-elle. Comme on se retrouve ! Je savais que tu étais assez idiote pour t'aventurer ici, surtout en pleine nuit. L'Élue, dit-on ? Je me demande ce que les Vampires vont faire de toi, si tu es aussi naïve !

Je me projetai en l'air, prête à bondir sur la sorcière, mais un ultrason me cloua sur place, les tympans en sang. Je tombai à genoux, la tête entre les mains, à moitié sourde le temps que mes oreilles guérissent. Quand je me redressai, le souffle m'échappa pendant que Blake faisait tourner sa main dans le vide.

J'en avais assez de me faire manipuler par une sorcière. Je suis l'Élue, je ne peux pas me laisser abattre de la sorte. Je rassemblai toute la force que je parvins puiser au plus profond de mon être et mes crocs s'acérèrent en même temps qu'un long grognement menaçant remontait de mes entrailles. Emportée par l'adrénaline, je me jetai d'un bond sur Blake et la pris au dépourvu.

Clouée au sol, elle se débattait sous mon emprise tandis que je sentis le dôme au-dessus de ma tête disparaître progressivement.

Puis la sorcière cessa de donner des coups dans tous les sens et la brûlure qui remontait le long de mes bras stoppa son avancée.

Tout devint brusquement si calme que c'en était menaçant. J'avais l'impression d'évoluer dans une quelconque dimension, mes sens étouffés comme à l'intérieur d'un bocal en verre, détachée de la réalité.

Je sombrai brusquement dans les profondeurs des ténèbres.

Quand je rouvris les yeux, j'étais allongée dans un lit blanc, emmitouflée dans des draps blancs et entourée de murs de la même couleur.

Je m'assis dans le lit, un peu étourdie et je remarquai un verre vide, posé sur une table de chevet. Je le saisis et jetai un œil au fond. Le même contenu orangé stagnait.

Celui que j'avais bu le jour où j'avais trouvé un cadavre dans mon placard. Celui qui m'avait effacé la mémoire.

D'ailleurs, je ne me souvenais plus de rien à part que...

Lucie.

Elle avait disparu. Il fallait que je la retrouve avant qu'il ne soit trop tard.

La nature de Roxane - tome 1 : MauditsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant