Chapitre 43

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Je le savais. Tels furent les premiers mots qui se frayèrent un chemin jusqu'à mon cerveau embrumé. Mes poumons me brûlaient comme si une braise y crépitait, et mes membres ankylosés m'empêchaient de bouger. J'avais l'impression d'avoir été écrasée sous les décombres d'un immeuble en feu.

Des secousses me ballotaient dans tous les sens, et un bruit de moteur m'assourdissait. J'étais menottée et bâillonnée à l'arrière d'une camionette. Le tissu qui frottait contre ma bouche était imbibé de verveine, et la douleur, cuisante, me vrillait la tête. Je pouvais à peine respirer, et c'était encore pire lorsque j'inhalais de l'air. Toute la trachée me brûlait.

Je relevai la tête avec peine et remarquai Sally, encore dans les vapes. Son visage était caché par ses longs cheveux décoiffés, mais je ne manquai pas d'apercevoir le sang qui maculait son menton et son cou, jusque dans son décolleté. Par moments, elle sursautait ou poussait de petits hoquets à moitié étouffés, puis plongeait à nouveau dans un sommeil profond. Pourtant, je savais qu'il n'était pas de tout repos. La façon dont étaient crispées ses mains montrait bien qu'elle ne voyageait pas chez les Bisounours.

Je fis l'effort de tourner mon visage à droite, puis à gauche, non sans grimacer quand la douleur me lança dans tout le corps.

Nous n'étions que toutes les deux. Il n'y avait ni Aaron, ni Chad, ni Lucy. Leur absence m'effraya comme jamais.

Où étaient-ils ?

Je refusais d'imaginer ne fût-ce qu'une seconde qu'ils puissent être morts. Mon cœur battait plus vite que jamais, et mon ventre s'était noué d'une angoisse dont je ne parvins pas à me défaire.

Je dus déglutir à plusieurs fois avant de recouvrer ma voix, plus rauque qu'à son habitude.

- Sally ?

Elle ne répondit pas. Je tendis tant bien que mal ma jambe pour la toucher du bout du pied, et après plusieurs tentatives acharnées, elle finit par relever la tête.

Quand ses yeux s'ouvrirent, ils brillaient d'une rougeur vampirique. Je sentais très clairement qu'elle était en rogne, et heureusement, sa colère n'était pas dirigée contre moi. Alors qu'elle tenta d'inspirer, elle toussa bruyamment et je crus un instant qu'elle allait cracher ses boyaux.

- Fermez-la, là dedans ! beugla un homme à la voix grave, à l'avant du véhicule. Je captai son regard froid dans le rétroviseur, et ses origines latino-américaines. Le passager installé à côté de lui, un Noir, montra les dents –des crocs aussi aiguisés que les miens. Je ne pus m'empêcher de grogner, ce qui me valut une autre quinte de toux.

Nous avions donc été attrapés par des Surnaturels. Je l'avais senti dès mon réveil, et j'avais même ma petite idée quant aux personnes qui dirigeaient l'opération.

Le passager se tourna une nouvelle fois vers moi, et lança négligemment :

- Laquelle de vous deux est l'Élue ?

J'échangeai un regard avec Sally, qui répondit aussitôt :

- C'est moi. Et tu ferais mieux de ne pas me mettre sur les nerfs.

Le conducteur ricana, et son ami fit passer un flacon de sang entre le grillage aux mailles fines qui nous séparait.

- Alors prends-ça. Ça te remettra sur pieds.

Elle hésita à boire le sang, me consultant du regard. Je hochai la tête. De nous deux, c'était elle qui avait l'air le plus mal en point. Un peu de sang ne lui ferait pas de mal.

Elle déboucha la capsule du mieux qu'elle put, sous l'œil inquisiteur du passager. J'entendis sa peau crépiter sous l'effet de la verveine quand elle essaya de retirer le bâillon, puis elle porta la fiole à sa bouche, et renversa le contenu d'une traite.

La nature de Roxane - tome 1 : MauditsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant