Chapitre 56

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J'eus tout le mal du monde à reprendre mes esprits. Ce ne fut que lorsque du sang pénétra mes lèvres que je rouvris les yeux, avant d'écarter en vitesse le poignet d'Aaron.

- Je ne veux plus boire de sang. Jamais.

Il me fit un sourire compatissant et me caressa le visage avant de déposer un baiser sur mon front. Son contact me fit frémir et je fermai les yeux. Une fois de plus, je constatai combien il m'avait manqué.

Je regardai autour de moi. Le soleil allait bientôt se coucher, et les teintes rosées prenaient peu à peu vie dans le ciel, redevenu bleu. En revanche, la lune semblait beaucoup plus imposante qu'à l'accoutumée. D'un reflet orangé, elle brillait presque autant que le soleil. On aurait dit qu'elle prenait vie.

- Il faut rentrer, mon cœur. Les autres vont s'inquiéter.

- Je suis tellement désolée. Aaron, je m'en veux, je suis un monstre. Pourquoi veux-tu encore de moi ?

- Hé, ce n'est pas ta faute, OK ? Tu n'étais pas toi-même, il t'était impossible de raisonner humainement.

Il s'assit sur le rocher et m'installa sur ses genoux.

- Je vais te raconter une histoire.

Je faillis protester, mais me ravisai juste à temps. Il dut percevoir mes pensées parce qu'il fronça les sourcils avant de se radoucir aussitôt.

- Je t'écoute, l'encourageai-je avec un sourire.

Aaron m'embrassa tendrement la tempe avant de commencer.

- C'est l'histoire d'un grand-père Cherokee qui raconte à son petit-fils le combat d'une vie. A l'intérieur de chacun de nous se trouvent deux loups qui se battent incessamment. L'un deux est bon, bienveillant. Il connaît la paix, l'amour, la sérénité. Et l'autre est méchant. Il sème le mal autour de lui, transforme les cœurs tendres en morceaux de charbons, et ne connaît que la colère, l'arrogance, la jalousie, l'avarice. Le petit-fils demande à son grand-père lequel est supposé gagner, et celui-ci lui répond : « Celui que tu nourris. »

J'étais perplexe, mais son histoire me fit chaud au cœur.

- C'est beau.

- Quel loup veux-tu nourrir, Roxane ?

- Le bon, sans hésiter, répondis-je.

- Alors tout va bien. Suis-moi, maintenant. Il faut y aller.

J'attrapai la main qu'il me tendait.

J'ai peur de rentrer, Aaron.

Je sais. Mais ça va bien se passer. Une fois qu'ils auront vu que tu es redevenue toi-même, tout rentrera dans l'ordre.

Je ne voulais pas paraître pitoyable en me plaignant, alors je me tus.

Clara nous avait attendus en haut de la falaise, et elle avait fait la route avec nous, dans le plus grand silence. Elle n'en revenait toujours pas d'être passée si près de la mort.

Dans quelques heures, soit nous serions délivrés de la malédiction, soit elle serait scellée à nouveau pendant un demi millénaire. La première issue était quasiment impossible, puisque je n'avais toujours pas tué Aiden –raison de plus pour m'en vouloir. Et la seule possibilité de briser la malédiction encourrait des conséquences désastreuses pour un sort de cette ampleur. J'étais perdue, voilà tout.

Et revoir mes proches après tout ce que je leur avais fait subir me mettait non seulement mal à l'aise, mais me stressait au plus haut point. Quelle serait leur réaction ? Allaient-ils me rejeter ? Il y avait de grandes chances pour qu'ils réagissent de cette manière, et leur refus me ferait plus de mal que tout le reste.

La nature de Roxane - tome 1 : MauditsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant