La nature de Roxane - tome 1 : Maudits

Chapitre 53

- Tyler. Et toi tu es Roxane. L'Élue, hein ?

Je fronçai les sourcils. C'était loupé pour l'anonymat.

- Je ne suis pas l'Élue. J'en ai fini avec tout ça. Comment connais-tu mon nom, au fait ?

Il rit, puis se reprit voyant que je ne perdais pas mon sérieux.

- Tu es connue parmi nous. En plus, je vois ton tatouage.

J'ignorais comment cela se faisait qu'il puisse le voir. Lui, et le réceptionniste de l'hôtel que j'avais squatté. Ça commençait à faire beaucoup.

- « Nous » ? repris-je, sceptique.

- Les vampires. On attend tous impatiemment que tu nous délivres de la malédiction. Des soulèvements ont eu lieu, et des affrontements mortels se sont répandus entre les partisans du Triangle Obscur et les nôtres. L'agitation s'étend à travers tout le pays, et il sera de moins en moins question de discrétion. Il faut vraiment arrêter ça.

- Je n'en ai rien à faire. Tu n'as pas entendu la première fois ? J'en ai fini avec toute cette histoire. Cherchez-vous quelqu'un d'autre.

Son regard s'assombrit, puis il insista :

- Tu es l'unique Élue.

Oh, je n'en doutais pas !

Je ne répondis plus et repris la route. Il me suivit, dans le plus grand silence en veillant à respecter une dizaine de mettre d'espace entre nous. Plus loin il était, mieux je me portais. Nous arpentions les ruelles et boulevards, vides. Il n'y avait pas âme qui vive, j'avais l'impression de me trouver dans une ville fantôme. Le vent sifflait dans mes oreilles et les feuilles séchées volaient, tels des oiseaux de feu dans cette nuit argentée. De la fumée s'échappait de quelques cheminées, et une agréable odeur de feu de bois embaumait l'air.

Je retournai à l'hôtel, soudain fatiguée. J'étais sur le point de congédier Tyler, mais il s'arrêta de lui-même sur le pas de la porte, en disant qu'il monterait la garde. Je n'avais besoin de personne pour veiller sur moi, mais je me contentai de claquer le battant derrière-lui.

Je me jetai sur mon lit et m'endormis presque aussitôt, malgré l'imminente arrivée de l'aube.

Pour une fois, aucun cauchemar ne vint agiter mon sommeil.

Je me réveillai vers dix heures, Tyler toujours posté à l'extérieur, devant la porte. Je fis couler un bain, y versai une demi bouteille de savon parfumé à la rose et au jasmin, et me prélassai dans l'eau une bonne heure. Je ne m'étais pas lavée depuis deux jours et du sang avait séché sur ma peau. Heureusement que les vampires ne transpirent pas. De ce fait, je ne sentais pas mauvais.

Deux coups résonnèrent sur la porte et je criai à Tyler d'entrer, agacée qu'il me dérange. Pourtant, je ne bougeai pas de l'eau, et quand il toqua à la salle de bain, je l'y invitai également, sans pudeur.

Tyler se figea aussitôt quand il me vit mais ne détourna pas le regard. Au contraire, il profitait de la vue de mes seins.

Je grognai :

- Qu'est-ce que tu veux ?

- J'ai faim. Je suis venu te prévenir que j'allais me chercher de quoi manger.

Il m'avait donc dérangée pour ça ? Je sortis finalement de l'eau, et une fois vêtue et coiffée, je quittai l'hôtel, en quête de sang.

Je commençais à mourir d'ennui. Ma vie se révélait plate et sans intérêt. Nous étions à la mi-octobre, et Samain approchait à grands pas. J'avais refusé d'y penser depuis si longtemps, mais à présent qu'il ne restait plus que deux semaines avant la supposée libération, je ne pouvais chasser cette idée de mon esprit.