Chapitre 44

Depuis le début
                                    

Ça ne me plait pas, tout ça, grogna Aaron.

Et pour Alec et Peter, comment on fait ?

Nous avions convenu que si vous n'étiez pas là-bas dans quarante-huit, ils viendraient sans vous.

Un bruit sourd retentit dans la cellule d'en face. Un taureau cognait les barreaux de toutes ses forces, pourtant le métal ne flancha pas.

Un taureau ? Non, ce n'était pas possible... Je clignai des yeux, mais je ne rêvais pas.

Clara était bel et bien en face de moi, enfermée elle aussi.

Vous avez emmené Clara avec vous ?! Ses parents la croient disparue !

Elle s'est vraiment enfuie de chez elle, Roxy. Elle était en route pour votre campus quand on l'a croisée. Elle était dans tous ses états, la pauvre. Et elle t'en voulait beaucoup pour ne lui avoir rien dit.

Un sentiment familier me prit à la gorge. La culpabilité me frappait de plein fouet. Mais je me sentais vexée, également. Même si Clara avait toutes les raisons de se sentir trahie, elle avait l'habitude d'être très compréhensive. Un peu trop, parfois. Et le fait qu'elle ne se soit pas mise à ma place pour comprendre pourquoi je ne lui avais rien dit me blessait.

Puis je me sermonnai intérieurement, en me disant qu'elle aussi avait ses soucis, et qu'elle n'avait pas la tête à réfléchir. Ses parents étaient en plein divorce, sa meilleure amie s'était envolée pour un lycée dont elle n'avait jamais entendu parler, à l'autre bout du pays, et elle s'était vue changer de nature du jour au lendemain. Elle, contrairement à moi, n'avait personne pour l'aider à comprendre ce qui lui arrivait. La fugue lui avait semblé être le meilleur moyen de résoudre ses problèmes. Et comme elle s'était probablement renseignée sur le campus dans lequel j'avais été envoyée de force, elle avait dû penser que c'était la meilleure chose à faire.

Clara reprit forme humaine quand elle me remarqua et s'agrippa aux barreaux, les yeux larmoyants.

Je fis le lien entre sa présence et ce que m'avait dit ma mère.

Ne me dis pas que vous l'avez emmenée ici exprès ? explosai-je.

Bien sûr que non ! Dès que je l'ai reconnue, j'ai senti qu'elle n'était plus humaine. Puis ses yeux étaient orange, à cause de la peur, et je me suis souvenue que les iris des métamorphes changeaient de couleur en fonction de leurs émotions. Alors nous lui avons expliqué ce qui lui arrivait, ce que nous étions, et ce que nous faisions. Quand ton père lui a parlé de la malédiction, elle a tout de suite voulu nous aider. J'ai refusé, mais elle a insisté et nous a même menacés d'aller au campus si nous ne la laissions pas venir avec nous.

Pourquoi avait-elle fait ça ? Je m'en voudrais toute ma vie si jamais il lui arrivait quelque chose. Et sa famille devait se faire un sang d'encre ! Il fallait absolument qu'elle rentre chez elle, mais maintenant qu'elle était là, il lui était impossible de s'enfuir. Tu aurais dû lui parler depuis le début, idiote ! Tu aurais pu la convaincre de ne pas venir, répliqua une petite voix dans mon crâne.

Ouais, bah c'était formellement interdit ! rétorquai-je intérieurement, comme pour me convaincre d'avoir raison.

Tu sais que tu me fais rire ? s'amusa Aaron.

Pourquoi ?

Toutes ces voix qui résonnent dans ta tête ! Je suis en permanence en train de me demander si c'est toi qui parle ou un de tes petits habitants.

Tu n'as qu'à te brancher sur les pensées de quelqu'un d'autre, grommelai-je.

Tu es trop mignonne quand tu t'énerves.

La nature de Roxane - tome 1 : MauditsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant