41 - "Je voulais la rendre fière"

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Chapitre 41 : « Je voulais la rendre fière »

- J'ai tellement cru en nous que j'ai été déçue. Le chemin parcouru est insignifiant maintenant, tout est à refaire.

Leur septième place au niveau national ne représentait plus rien pour le couple, qui avait subi de plein fouet la désillusion. Ils avaient réussi les régionales avec un programme somptueux, mais un mur infranchissable s'était dressé entre-eux. Après leur victoire successive, bien que la deuxième place au niveau régional la laisse amère, ils s'étaient autorisés à croire en l'impossible. Cet espoir avait dominé les répétitions, les entraînements, les cours et les derniers ajustements, mais la lueur s'était atteinte lorsqu'ils étaient arrivés dans la patinoire organisatrice. Les patineurs n'étaient pas seulement bons, mais beaucoup avaient frôlé les podiums européens, cette compétition était l'excellence même. Elle n'avait jamais ressenti de tels sentiments paradoxaux ; l'adrénaline et l'enthousiasme côtoyaient la peur et l'appréhension. Les regards des adversaires s'arrêtaient toujours sur eux, le couple qui gravissait les échelons alors qu'il n'était ensemble que depuis un an. Elle ne s'en préoccupait plus, le monde changeait constamment de visage, et elle l'avait appris à ses dépends, alors ce n'était pas ces patineurs qui contrarieraient son désir de victoire. Mais Conrad ne le voyait pas de cet œil-là, lui-même avait été confronté à des regards suspicieux auparavant, mais s'attaquer à son sport, c'était un degré qu'il ne pouvait endurer. Céleste le rassurait à sa façon, mais elle était fébrile. La sensation qui s'était emparée lors de leur première compétition apparaissait pour la deuxième fois, et elle sût l'interpréter ; elle n'était pas à sa place dans la catégorie, et ils lui faisaient sentir. Mais elle n'en laissa rien paraître, pour ne pas l'alerter.

Ils avaient fait plusieurs erreurs de réceptions, mais aucune chute n'était à déplorer, ce qui était déjà bon signe pour Félix. Mais elle ne le voyait que comme un échec, un cuisant échec de plus, et une côte à remonter l'année prochaine. Leur entraîneur les avait félicité, mais devant ce minable score, Céleste s'était effondrée. Elle gérait mal la pression, et son partenaire aussi, ce qui ne facilitait pas la préparation des grosses compétitions de cette envergure. Pourtant, elle s'était sentie prête avant de faire ses valises pour rejoindre les championnats de France. Son coeur l'avait trompé, encore une fois, jamais elle n'avait été à la hauteur de cette prestigieuse compétition. C'était une erreur que de les inscrire à nouveau, dès leur première année. Ses parents avaient raison, mais elle manquerait bien de leur dire. La tension entre elle et sa famille avait diminué suite à une intervention de son entraîneur et de Conrad, qui avaient remarqué l'état de la jeune fille. Ce n'était pas de l'amour qu'elle ressentait, mais la haine était désormais bien loin, ce qui constituait une sorte de victoire. La seule de l'année. Ils avaient par ailleurs insisté auprès de leurs patrons pour assister à la compétition, mais ils avaient prestement refusé, arguant que ce n'était qu'un petit évènement. Comment allait-elle leur annoncer que leur fille sur laquelle ils misaient tout leur espoir se trouvait désormais incapable de gagner ?

Les parents de Conrad n'avait pas pu l'encourager non plus, alors c'était leur coach qui se chargeait de les ramener chez-eux. L'ambiance dans la voiture était pesante, et aucun des deux n'osaient prendre la parole, c'était difficile d'être confronté à celui que l'on avait involontairement déçu. Les réceptions défectueuses provenaient autant de Céleste que de Conrad, et pourtant, ils continuaient à se blâmer, seuls, en encaissant une pleine responsabilité alors que les fautes étaient partagées. Félix secoua la tête devant le spectacle qui se jouait dans son automobile, les deux étaient certes fiers, il n'existait pas cents personnes aussi orgueilleuses qu'eux, mais ils reconnaissaient les erreurs commises et désiraient les assumer. Seuls. Mais un couple fonctionnait à deux et même si la jeune fille en avait parfaitement conscience, ses erreurs avaient toujours été uniquement les siennes. Et puis, si elle laissait le garçon prendre une partie de la responsabilité, elle lui en voudrait terriblement. Elle tenait sincèrement à lui alors ce n'était pas son intérêt que de se disputer violemment avec lui.

Le Revers de la MédailleWhere stories live. Discover now