24 - Partie d'échecs dévastatrice

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Chapitre 24 : Partie d’échecs dévastatrice

- Dépêche-toi, Ducastel est super exigeant, lui ordonna Conrad, qui courait vers son bureau.

- Qu’il m’attende !

Céleste suivait son partenaire à travers la foule de personnes qui s’inscrivaient pour la prochaine saison, les sélections étant le matin-même et elle s’amusait de ces visages apeurés d’enfants. Depuis plusieurs décennies, le centre rimait avec excellence. Si les chances de compétition olympique étaient multipliées par deux, il y avait forcément des sacrifices à faire. Être éloigné de sa famille, subir la pression omniprésente de ses coachs, ne plus sentir ses jambes après une épuisante séance d’entraînement, mais les athlètes se voyaient récompenser avec des médailles. Le complexe sportif brillait sur tout le pays, aux yeux de l’État, c’était une fierté nationale. Il investissait grandement et massivement pour installer de meilleures infrastructures, au détriment de causes où le besoin était réellement nécessaire. Le sport constituait la principale attraction pour les touristes où du moins Céleste le vivait comme cela, à force de les entendre répéter que sa réussite était primordiale pour l’honneur du pays. Mais il suffisait de voir tous les touristes en nombre débarquer lors de Roland-Garros où d’autres évènements de première importance organisé par le gouvernement à l’aide des différentes fédérations sportives.

Les plus jeunes, qui avoisinaient les six ans, tenaient la main de leurs parents, tandis que les pré-adolescents et adolescents s’adossaient machinalement contre le mur. Elle en reconnaissait certains, qui se présentait chaque année pour espérer enfin décrocher une place dans ce centre tant convoité. Il lui arrivait de vouloir parler à ces enfants, et de les convaincre de retourner chez-eux, le centre n’était pas adapté pour eux. S’ils la gagnaient, ils seraient opprimés, cassés, avant même de concourir sérieusement. Non, les plus petits devaient rester dans leur monde enfantin, avec des fées et de la magie. Elle avait été obligée de grandir, alors que son développement d’enfant n’était pas atteint, mais la vie l’avait astreinte à faire des choix qu’elle regrettait parfois. Le centre avait été un tremplin à sa carrière, mais avait été aussi dévastateur, signant son arrêt de la compétition en individuel à quinze ans. Il apportait des valeurs, forgeait forcément le caractère, mais détruisait le corps des athlètes les plus prometteurs.

Céleste perdit le contact avec ces enfants lorsqu’elle tourna pour se retrouver dans les couloirs interminables, une succession de tournants, qui la déroutèrent un instant. Le chemin pour y aller demeurait toujours une épreuve, et elle oubliait systématiquement s’ils étaient déjà passés devant ce tableau. Puis, la plaque tournante du centre. Tous les bureaux de l’administratif, regroupés autour de la statue du premier directeur de ce centre, un sportif accompli avant de se résigner à la direction, formaient un cercle vide où le couple attendait. Céleste, comme souvent quand elle visitait cette partie du centre, fût attirée par le tableau des entraîneurs. Depuis plusieurs mois, son nom ainsi que celui de Conrad, figurait parmi les nombreux élèves de Félix, mais le sien était en plus relié à Ludmila et à Ducastel, un ajout qu’il avait dû faire depuis sa nomination. Elle ne put retenir un frisson, une épisode que la patineuse désirait enterrer, afin qu’il soit enseveli sous des kilos de terre et de béton.

La porte du bureau de leur directeur s’ouvrit à la volée, laissant éclater des bribes de voix. Visiblement, les deux hommes, puisqu’il s’agissait d’une tonalité masculine, ne semblait pas en accord sur un sujet. La brutalité de l’entretien surprit les partenaires, qui se reculèrent afin qu’ils n’imaginent pas que les adolescents les écoutent, mais ce que, bien évidemment, était le cas. L’invité n’était nul autre que son prédécesseur, Mr Aubray en personne. Son annonce quant à sa démission de la vie du centre avait été un chamboulement pour tout le monde, l’homme était respecté par les entraîneurs et les élèves, il avait affiné sa réputation au fil du temps, et personne ne le pensait partir du jour au lendemain. Mais depuis son retirement à la campagne, qui bordait la ville, ses traits du visage s’étaient creusés, il était définitivement plus exténué qu’avant son départ, alors qu’il avait moins de problèmes à gérer. En remarquant ses deux anciens licenciés, il leur adressa un signe de tête avant de les inviter à rentrer. Voilà pourquoi les deux directeurs s’étaient rassemblés, ils parlaient de leur délicate situation au sein du centre. Céleste passait des heures à s’informer quant aux menaces qu’elle risquait, et les sanctions l’effrayaient. Interdiction de se représenter pendant plusieurs années, où risque à vie selon la gravité, même si elle était exclue de cette punition-ci. C’était en faisant ses recherches qu’elle décela une loi qui avait été bafouée.

Le Revers de la MédailleWaar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu