34 - Décision radicale

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Chapitre 34 : Décision radicale

- Les journalistes n'ont pas perdu de temps, des articles sont déjà sortis.

Céleste lui jeta un regard intrigué, mais se contenta de hocher gravement la tête. La femme de laquelle la voix émanait était apprêtée avec le plus grand soin, comme si elle s'attendait à ce verdict et qu'elle l'acceptait. A dire vrai, tout le monde respectait la décision du tribunal, personne ne pensait à la contredire. Il représentait un monde juridique implacable, qui punit les coupables et donne raison aux victimes, mais elle savait que ce n'était pas l'exacte vérité. Son jugement avait été biaisé ; il l'avait puni et avait renforcé le pouvoir de ceux qui ont commis le crime atroce de la doper à son insu. La jeune fille ne contestait pas encore, les adultes ne l'avaient pas laissée lire la sentence finale, mais elle se doutait qu'elle n'était pas favorable. Elle avait été reconnue, depuis la veille, comme entièrement responsable de ses actes et ne bénéficiait pas d'une remise de peine pour avoir été manipulée. Pourtant, c'était totalement ce qu'elle avait été. La marionnette des plus forts qu'elle, le jouet qui calmait les caprices des directeurs, une poupée précieuse, le pion qui renversait une partie d'échecs perdue. Elle avait été tant de choses sans être Céleste Haase. Elle ressentit une pointe dans son coeur, le tribunal n'avait pas examiné son cas, c'était impossible, comment avait-il pu prononcer une infamie de cette ampleur s'ils avaient regardé sa douleur ? Le tribunal excellait dans tous ses moyens de communication mais exécrait dans son but premier, qui était de délivrer la sentence la plus adaptée.

En plus du sentiment qui fourmillait au sein de sa poitrine, les regards fuyants étaient une épreuve qu'elle haïssait par dessus tout. C'était elle qui risquait le plus, mais les dirigeants persévéraient à se croire en danger, puis redevenaient les parfaits hommes qu'ils avaient toujours été quelques minutes plus tard. Ce petit jeu d'hypocrisie l'agaçait, comme cette réunion inutile tenue en urgence, où se réunissaient les personnes qui ne faisaient rien par eux-mêmes et qui se contentaient de rester passifs. Six personnes la désignaient à tour de rôle, tel un paquet dont on aimerait se débarrasser au plus vite et sans encombre. C'était exactement ce qui la définissait, en premier lieu, un cadeau pour son talent inaliénable, puis un colis encombrant qui prenait de la place dans leur entrée. Elle n'en connaissait véritablement que trois, mais devinait par son badge sur sa poitrine, que la femme apprêtée faisait partie intégrante de la fédération. Les deux autres hommes lui étaient inconnus, mais aucuns d'eux ne l'inspiraient, un costume trois pièces que l'on portait généralement à de grandes occasions, une moustache qui poussait et qui était un crime de l'esthétisme, et des mocassins cirés. L'un d'eux avait un chapeau qu'il avait précipitamment retiré en entrant dans le bâtiment. Ils avaient moins de cinquante ans, et elle éprouva un instant de la pitié pour ces gens qui auront le même métier toute leur vie.

Assis à son bureau, Ducastel, depuis la démission de l'ancien directeur, organisait une pile de dossiers et triait les fiches qui la concernait. Elle remarquait celle qu'elle avait signé en présence de Conrad, et donnerait tout pour retrouver son partenaire. Celui-ci avait ce supplément d'âme qui rendait tout plus ludique que ça ne l'était, qu'importe la gravité de la situation, son visage illuminait la pièce. Mais ils n'avaient pas exigé sa présence, alors elle demeurait seule, le visage fermé. Ludmila baissait les yeux au sol, et restait prostré dans le coin, replié sur elle-même. La femme semblait abattue, le simple fait de se tenir ici, parmi toutes ces ondes négatives, semblait lui demander une énergie de tous les diables. Mais elle ne la plaignit pas, c'était de sa faute. Aubray paraissait moins serein qu'il ne l'avait été, dans un costume repassé en vitesse et avec une cravate nouée de travers. Son visage exprimait des émotions contradictoires, une grande détresse et en même temps, un soulagement, qu'elle ne sût interpréter.

Le Revers de la MédailleWhere stories live. Discover now