22 - Pouvoir de persuasion

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Chapitre 22 : Pouvoir de persuasion

Céleste Haase grommelait des réponses inaudibles à chacune des interrogations que lui posait Félix. Son humeur s'était considérablement dégradée suite à l'annonce du successeur du directeur actuel et elle colportait ses remarques désobligeantes tout au long des entraînements. Quand elle était au meilleure de sa forme, les deux garçons obtenaient parfois des réponses en monosyllabes. Désemparée devant la situation, la patineuse n'adressait plus la parole à sa famille, la force l'ayant quittée pour affronter

cette épreuve qu'ils n'envisageaient pas comme un obstacle mais comme une chance. Son partenaire constituait son principal moyen de diversion, leurs disputes enfantines la divertissaient le temps de quelques heures et son cauchemar recommençait jusqu'à épuisement. Félix préparait des blagues par avance, afin de rendre les séances moins mornes et plus gaies, à l'image de ce que représentait le duo avant son arrivée. Trois mois avaient passé depuis qu'elle avait démarré le patinage artistique de couple, et le temps avait filé à la vitesse de l'astre qui parcourait son chemin en solitaire. Rapide comme l'éclair, où le paysage défilait sans que l'on puisse discerner la végétation de la route. Elle n'avait jamais eut le temps de comprendre ce qui lui était arrivé mais la voilà lancée dans un système qui la dépassait.

Céleste avait été autorisé ce matin-là, à s'entraîner sur la partie du gala qui lui avait été généreusement accordé par les bureaux administratifs. La raison de cette soudaine amabilité de leur part résultait d'un choix stratégique, la prodige n'avait jamais autant été populaire, négativement, son nom se diffusait sur toutes les lèvres, et l'exposer à un gala leur permettait d'attirer du public. Ce serait sa première représentation depuis les championnats du monde, et les admirateurs ne pourraient pas la louper, elle devait être mémorable. Céleste haïssait le fait d'être considérée uniquement pour ce qu'elle était en mesure de rapporter et non ses compétences.

Elle laça ses patins, un geste mécanique qu'elle rêvait de ne plus avoir à exécuter, et les protégea en enfilant un collant par-dessus sa paire qui frôlait les six cent euros. Le patinage demeurait un sport coûteux que l'on abandonnait pas dès sa première année. Les sacrifices de ses parents lui étaient vites revenus en-tête, puisqu'à chaque dispute, c'était des arguments qui revenait sans cesse. Elle en prenait grandement soin, elle les affûtait dès que la lame n'était plus assez tranchante, les cirait pour les compétitions et préservait la lame avec ses protèges-lames aux couleurs de la France. Céleste prit une dernière gorgée d'eau, ferma le zip de son gilet et s'élança sur la glace. Que de sensations qui lui prenaient la gorge, qui lui avait tant manqué.

Des impacts étaient visibles sur la piste, la machine n'avait vraisemblablement pas effectué ses tours quotidiens pour la remplacer, ce qui signifiait qu'on la dérangerait lors de son entraînement. Céleste soupira et tapa fermement sur ses jambes afin de la motiver à les mettre en mouvement. Même si le patinage avait toujours été sa passion qui la poussait à s'échauffer chaque jour avec toujours plus de sévérité envers ses propres figures, elle remarqua que l'individuel lui procurait moins de sensations que lors de ses débuts. Elle en avait toujours besoin, mais c'était moins obsessionnel. Le seul sentiment qui le restait, était celui de la perfection. Si tout n'était pas parfait, elle ne s'estimait pas en réussite et pouvait recommencer le même saut plus de quinze fois. Céleste fit son échauffement ordinaire, cinq tours de piste, des étirements sur et hors-glace pour ne pas risquer une déchirure en faisant une pirouette Biellmann, et quelques essais de sauts. Sa respiration fût hachée par un cardio rudimentaire et elle dût s'arrêter pour reprendre son souffle. Elle ricana : être considérée comme une athlète de haut niveau par tout le monde, et devoir prendre des pauses entre son échauffement et son entraînement. Elle ne le tolérait uniquement quand ses coachs n'étaient pas présents, autrement, ils lui conseillaient de prendre son mal en patience et de continuer à patiner. Elle connaîtrait le repos lors de sa retraite sportive, elle avait le devoir de se donner à fond.

Le Revers de la MédailleWhere stories live. Discover now